Chapitre XI : Liens du sang

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Monte-Cristo leva vers Adélaïde un regard perçant.

- Comte, commença-t-elle douloureusement, je doute de parvenir à faire tomber quiconque amoureux de moi. Je crains de ne pas être le genre de personne à faire tourner la tête des hommes...

Elle était sincère. Elle avait vu, en Espagne, des belles demoiselles de la noblesse, et elle savait pertinemment que, bien qu'ayant suivi le même enseignement qu'elles, elle ne leur arrivait pas à la cheville en beauté et en grâce. Ses entraînements martiaux lui avaient conféré une certaine souplesse, mais on n'efface pas ses origines d'un coup de fard sur les joues. Son visage quelconque, qui l'avait rendue si discrète lorsqu'elle volait dans les rues de Marseille, était désormais une entrave à son rôle de princesse espagnole.

Adélaïde ne possédait pas vraiment un faciès qui accrochait le regard, si ce n'est son long visage et son profil volontaire.

- Adélaïde, la coupa doucement le Comte.

La jeune femme leva un regard désolé vers son interlocuteur.

- Je ne choisis pas les gens qui me servent au hasard. Adélaïde, regarde moi, insista-t-il d'une voix plus ferme. Crois-tu que je t'aurais envoyée en Espagne si je ne t'avais pas crue capable de suivre mon plan ? Lorsque je suis venu te trouver il y a quatre ans, j'ai décelé chez toi une volonté et une solidité impressionnante. Je t'ai observée depuis que je t'ai accueillie sous mon toit, de la première semaine que tu as passé dans mon château jusqu'en Espagne grâce aux lettres de Bertuccio. Et tu as quelque chose que les demoiselles de Paris n'ont pas ; tu as une personnalité forte et plus important : de la détermination.

Adélaïde avait écouté son discours les yeux grands ouverts, les joues un peu rouges. C'était bien la première fois qu'on lui parlait de la sorte d'elle-même. Et il lui confirmait quelque chose ; depuis le début, elle était surveillée. Quand elle croyait qu'il l'avait oubliée dans son grand manoir d'Espagne, en réalité, pas un seul instant elle n'avait été livrée à elle-même.

- Tu sauras ravir le cœur d'Étienne Danglars, acheva le Comte d'une voix calme. Fais moi confiance.

- Je m'en remets à vous, fit-elle en s'inclinant profondément.

- Bien, en ce cas, il ne me reste plus qu'à te souhaiter la bienvenue au Domaine. Tu peux aller rejoindre André, je vais rester ici un moment.

Le Comte se détourna et alla s'installer au grand bureau rempli de pinceaux. Adélaïde allait faire de même, mais avant de sortir de la crypte, elle se ravisa.

- Comte. Pourquoi n'avez vous pas voulu que je rencontre André il y a quatre ans ?

La jeune femme vit le dos de Monte-Cristo s'immobiliser sur sa chaise. Il lui répondit sans se retourner :

- Je ne voulais pas que la vision de ses yeux bleus te hantent jusqu'en Espagne.

Adélaïde fronça légèrement les sourcils, tentant de comprendre le sens de ses paroles. Le Comte se retourna alors et la regarda droit dans les yeux.

- Il ne peut exister entre vous qu'une relation purement formelle, l'avertit-il, une lueur menaçante dans le regard. Aux yeux de la société comme aux miens. Vous êtes collègues uniquement parce que vous partagez le même but, ne l'oublie pas.

- Je comprends, répondit lentement Adélaïde en quittant la pièce .

Le Comte n'avait pas à s'en faire. Elle avait appris à canaliser ses émotions. Du reste, il n'y avait aucune chance qu'elle s'intéresse à autre chose qu'à sa vengeance. Elle avait simplement été troublée un instant par le souvenir du regard d'André, rien de plus. Adélaïde traversa le long couloir d'un pas lent, la tête pleine des informations qu'elle venait d'apprendre. Le nom d'Edmond Dantès se mélangeait à celui de Danglars, de Villefort et de Morcerf dans un imbroglio infernal. Elle avait enfin toute l'histoire. Cela avait bien valu la peine d'attendre quatre ans pour ça ! Du reste, elle était assez curieuse de voir comment Monte-Cristo envisageait de faire tomber Étienne Danglars amoureux d'elle. La tâche ne sera pas aisée, ne put-elle s'empêcher de penser alors qu'elle faisait pivoter la porte secrète. Elle retrouva André dans le hall d'entrée, qui regardait d'un air impassible les domestiques remettre les lieux en état. La jeune femme eut un petit toussotement aigre. Leur combat avait fait quelques dégâts matériels. Puis elle décida de prendre les devants et s'approcha du jeune homme.

Le Double-Jeu ~ {Fanfiction Le Comte De Monte-Cristo}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant