Prologue : Le Jour où la Magie a Tout Foutu en l'Air

72 14 1
                                    

Vous savez ce qu'on dit sur les journées qui commencent comme les autres ? Que c'est généralement le jour où votre vie part en couille. Eh bien, laissez-moi vous dire que ce dicton n'a jamais été aussi vrai que ce matin-là. Moi, Mike Donovan, 33 ans, flic depuis une décennie, célibataire endurci et amateur de tout ce qui peut me tuer lentement - whisky bon marché et pizza froide en tête de liste - j'étais loin de me douter que ce jour allait redéfinir le mot "normal" pour toujours.

Le réveil sonne. Je grogne. Il sonne à nouveau. Je jure. À la troisième sonnerie, j'envoie valser ce foutu engin contre le mur. Le silence qui s'ensuit est presque aussi satisfaisant que mon premier café du matin. Presque.

Je me lève, les yeux mi-clos, et me dirige vers la cuisine en mode pilote automatique. L'appartement est un bordel sans nom, mais hey, c'est chez moi. Des cartons de pizza vides côtoient des bouteilles de bière sur la table basse. Le cendrier déborde. Ma mère serait fière.

Premier café en main, je jette un œil par la fenêtre. Chicago s'éveille, immuable. Les klaxons commencent déjà leur symphonie matinale. Un type en costume court après un bus. Une vieille dame promène son chien minuscule. La routine, quoi. Si seulement j'avais su que c'était la dernière fois que je verrais cette scène "normale".

Je me douche, m'habille, tout ça en mode automatique. Le miroir me renvoie l'image d'un type aux cheveux bruns en bataille, aux yeux bleus cernés, et à la barbe de trois jours. Charmant. Je me demande parfois comment j'arrive encore à draguer avec cette gueule. Puis je me rappelle que je ne drague plus. Trop d'efforts pour trop peu de résultats.

En sortant de l'immeuble, je croise Mme Kowalski, ma voisine octogénaire. Elle me regarde comme si j'étais l'antéchrist. Rien de nouveau.

— Bonjour, Mme Kowalski,  je lance avec un sourire forcé.

— Hmpf, répond-elle, serrant son sac à main comme si j'allais le lui voler.

Charmante, cette femme. Un jour, je lui demanderai son secret pour rester aussi agréable. Ou pas.

Je monte dans ma voiture, une Ford qui a connu de meilleurs jours. Comme moi. La radio s'allume automatiquement. Les nouvelles du matin. Politique, économie, faits divers. La routine. J'écoute d'une oreille distraite en me frayant un chemin dans le trafic matinal.

Arrivé au commissariat, je suis accueilli par l'odeur familière de café brûlé et de désinfectant. Home sweet home. Les bureaux bourdonnent déjà d'activité. Des flics vont et viennent, des suspects sont escortés, des téléphones sonnent. La routine, encore et toujours.

Je m'installe à mon bureau, allume mon ordinateur, et commence à trier la montagne de paperasse qui s'y est accumulée. Passionnant. C'est dans ces moments-là que je me demande pourquoi j'ai choisi ce boulot. Puis je me rappelle que c'est soit ça, soit finir comme mon père, à boire jusqu'à l'oubli dans un bar miteux. Charmante perspective.

C'est là que Tom débarque. Mon frère cadet, aussi flic, mais avec dix fois plus d'enthousiasme et cent fois moins de cynisme. Comment on peut être si différents en étant du même sang reste un mystère pour moi.

— Salut, grand frère ! lance-t-il avec un sourire qui illuminerait une cave. Prêt pour une nouvelle journée à servir et protéger ?

Je lève les yeux au ciel. 

— Tom, il est trop tôt pour tant d'optimisme. Tu veux quoi ?

Son sourire faiblit un peu. Merde, je me sens presque coupable. Presque.

— En fait, dit-il en se grattant la nuque, j'ai besoin que tu jettes un œil à mon rapport sur l'affaire Johnson. Le chef dit qu'il manque des détails.

Arcane JuridictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant