Chapitre 4 : La Planque qui Pue

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Le soleil se couchait sur Chicago, peignant le ciel de teintes orangées et violettes qui auraient pu être magnifiques si je n'étais pas coincé dans ma voiture, m'apprêtant à passer les douze prochaines heures en planque. Douze heures dans un habitacle qui sent le burrito pas frais et le café froid, avec pour seule compagnie une sorcière qui semble prendre un malin plaisir à me rappeler à quel point je suis mal adapté à ce nouveau monde magique. Bienvenue dans ma vie, version 2.0, édition "mais qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ?".

Tout a commencé ce matin, quand notre ami Grunk, le troll de trois mètres de haut avec un cerveau apparemment plus développé que le mien, a décidé de jouer les informateurs. Le hic ? Il a choisi de communiquer uniquement avec Zara. Moi, je suis apparemment persona non grata dans le monde des trolls. Je ne sais pas ce qui m'a trahi. Mon charme naturel ? Mon odeur de flic ? Ou peut-être le fait que j'ai menacé de chanter du karaoké lors de notre dernier interrogatoire. Note à moi-même : les trolls ont vraiment un goût musical raffiné.

Zara avait débarqué dans mon bureau ce matin-là, ses yeux brillant d'une lueur que j'ai appris à redouter. Ses cheveux, d'un noir profond teinté de reflets bleus, semblaient danser autour de son visage, défiant les lois de la physique d'une manière qui me donnait encore mal à la tête.

— Mike ! s'était-elle exclamée, sa voix vibrant d'une excitation à peine contenue. Grunk nous a donné une info en or !

J'avais levé les yeux de mon rapport, un dossier sur un cas de métamorphose non autorisée qui avait transformé tout un country club en un troupeau de flamants roses (bienvenue dans le nouveau Chicago, où même les crimes sont absurdes). Un sourcil arqué en signe d'intérêt feint, j'avais répondu :

— Laisse-moi deviner, il a découvert un nouveau shampoing qui fait briller les cheveux de pierre ?

Zara avait levé les yeux au ciel, mais j'avais pu voir l'ombre d'un sourire sur ses lèvres.

— Non, génie. Il a entendu parler d'un rendez-vous de contrebandiers ce soir. Et devine quoi ? Ça pourrait être lié à notre affaire de plume de phénix volée.

Je m'étais redressé sur ma chaise, soudain plus intéressé. L'affaire de la plume de phénix, celle qui avait commencé avec un cadavre éventré et des symboles magiques flottants, celle qui nous avait menés à une secte de mages noirs qu'on croyait disparue depuis des siècles. Enfin une piste concrète dans cette affaire de dingue.

— Super, avais-je grommelé, essayant de ne pas paraître trop enthousiaste. On fait quoi ? On débarque en force ?

Zara avait secoué la tête, faisant danser ses cheveux d'une manière qui défiait une fois de plus les lois de la physique. J'étais presque sûr qu'ils changeaient de couleur selon la lumière, passant du noir profond à un bleu électrique.

— Non, on va faire une planque. Toi et moi, ce soir.

Et c'est ainsi que je me retrouvais, douze heures plus tard, coincé dans ma Ford Taurus 1998, modèle de fiabilité et d'inconfort, dans une ruelle sombre qui sentait le rat mort et les rêves brisés. La ruelle en question se trouvait dans le quartier des docks, un endroit où même la magie semblait hésiter à s'aventurer. Les entrepôts abandonnés projetaient des ombres menaçantes, et l'eau du lac Michigan, visible au bout de la rue, reflétait les lumières de la ville d'une manière presque surnaturelle.

Ma voiture, fidèle compagnonne de tant d'aventures, semblait avoir décidé que c'était le moment parfait pour se rappeler à mon bon souvenir. L'odeur de burrito pas frais et de café froid qui imprégnait l'habitacle était un témoignage olfactif de toutes les nuits blanches passées à traquer des suspects. Le sort de nettoyage que Zara avait lancé la dernière fois ? Aussi efficace qu'un pansement sur une jambe de bois. L'odeur était revenue, plus forte que jamais, comme si elle cherchait à se venger d'avoir été temporairement bannie.

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