Chapitre 8 : Parfum d'Égout

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Trois jours. Trois putains de jours à jouer à cache-cache avec une maison qui se balade dans Chicago comme si elle était en goguette. Si on m'avait dit un jour que je passerais mon temps à traquer un bâtiment, j'aurais ri. Maintenant, je ne suis même plus sûr de ce qui est censé être drôle dans ce monde de dingues. La magie a un sens de l'humour tordu, et je commence à me demander si je ne suis pas la punchline d'une blague cosmique.

Madame Esmeralda, la propriétaire de ladite maison mobile et apparemment voyante à ses heures perdues, nous accueille enfin dans son salon. L'endroit ressemble à ce qui se passerait si une boutique de souvenirs New Age explosait dans la maison de ma grand-mère après avoir sniffé trop d'encens. Des cristaux de toutes les couleurs pendent du plafond, créant un kaléidoscope de lumières qui dansent sur les murs. Des tapis persans flottent à quelques centimètres du sol, se déplaçant légèrement comme s'ils respiraient. Et je jurerais que ce crâne en cristal sur l'étagère vient de me faire un clin d'œil. Deux fois.

L'air est lourd de fumée d'encens et de quelque chose que je ne peux identifier mais qui me fait penser à un mélange de vieilles chaussettes et de fleurs exotiques. C'est... déstabilisant, pour dire le moins.

— Ah, les enquêteurs, dit Madame Esmeralda d'une voix qui sonne comme si elle fumait trois paquets par jour depuis l'âge de cinq ans et gargarisait avec du gravier pour le petit-déjeuner. Vous êtes en retard.

Je regarde ma montre, confus. Les aiguilles tournent dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, ce qui n'aide pas. Note à moi-même : investir dans une montre anti-magie, si ça existe.

— Euh, on est à l'heure pour notre rendez-vous, je réponds, essayant de ne pas fixer trop longtemps le troisième œil qui vient d'apparaître sur son front.

Elle agite la main avec dédain, faisant tinter les innombrables bracelets à son poignet. Le son me rappelle étrangement le bruit des menottes, ce qui n'est pas rassurant venant d'une voyante.

— Je parlais du rendez-vous avec votre destin, mes chéris. Mais bon, mieux vaut tard que jamais, n'est-ce pas ? Le temps est une illusion, après tout. Sauf quand il s'agit de payer son loyer, bien sûr.

Je lance un regard à Zara qui hausse les épaules. Son expression dit clairement "Joue le jeu, Mike". Apparemment, c'est le genre de conneries auxquelles on doit s'attendre quand on deal avec une voyante. Je commence à regretter d'avoir séché les cours de "Communication avec les Médiums" à l'académie de police magique. Qui aurait cru que ça me serait utile un jour ?

— Madame Esmeralda, commence Zara avec sa voix de "je-suis-un-agent-professionnel-même-si-mon-partenaire-ne-l'est-pas", nous sommes ici pour le miroir. Celui qui montre les vraies âmes.

Le visage d'Esmeralda se décompose plus vite qu'un château de cartes dans une tornade. Son troisième œil cligne rapidement avant de disparaître, comme s'il ne voulait pas être témoin de la conversation à venir.

— Ah, ce miroir, dit-elle en soupirant profondément. Je suis désolée, mes chéris, mais vous arrivez trop tard. Je l'ai vendu il y a deux jours.

Super. Trois jours à jouer à cache-cache avec une maison pour rien. Je sens une migraine pointer le bout de son nez, pulsant au rythme des cristaux qui tintent doucement au-dessus de nous.

— Vendu ? je grogne, essayant de ne pas avoir l'air aussi frustré que je le suis. À qui ?

— Je ne peux pas vous le dire, répond-elle en secouant la tête, faisant danser ses boucles d'oreilles en forme de lunes et d'étoiles. Secret professionnel, vous comprenez. Le code d'éthique des voyantes est très strict sur ce point.

Bien sûr. Parce que les voyantes ont un code d'éthique. Pourquoi pas, après tout ? Dans un monde où les maisons se déplacent, tout est possible.

— Mais... — elle baisse la voix comme si elle nous confiait le secret de l'univers, se penchant si près que je peux sentir son haleine mentholée (avec une note de... grenouille ?) — il y avait un sort de pistage dessus. La trace mène aux égouts magiques de Chicago.

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