Quelques semaines. Quelques putains de semaines de collaboration forcée avec Zara, et je suis déjà au bout du rouleau. Le calendrier sur mon bureau, couvert de taches de café et de gribouillis, me nargue. Chaque jour barré est un rappel que ma vie a basculé dans une dimension que même Rod Serling n'aurait pas osé imaginer pour "La Quatrième Dimension".
Ne vous méprenez pas, Zara est compétente. Trop compétente même. C'est juste que travailler avec quelqu'un qui peut littéralement faire apparaître des choses du néant ou transformer un suspect en grenouille (ce qu'elle jure ne jamais avoir fait, mais j'ai surpris un crapaud portant un tatouage de gang la semaine dernière, alors j'ai mes doutes) a tendance à vous faire sentir... obsolète. Comme une machine à écrire dans une salle remplie d'ordinateurs quantiques.
C'est probablement pour ça que je me retrouve, en ce vendredi soir pluvieux, à fixer mon reflet dans le rétroviseur de ma voiture, me demandant comment diable ma vie a pu prendre un tel tournant. La pluie tambourine sur le toit, créant une mélodie mélancolique qui correspond parfaitement à mon humeur. Mes yeux cernés me fixent, accusateurs. "Tu aurais dû prendre ta retraite quand tu le pouvais encore, Mike," semblent-ils me dire. Je les ignore, comme j'ignore la plupart des choses sensées ces derniers temps.
Notre dernière piste, fruit d'une semaine d'enquête acharnée et de plus de café que mon médecin n'approuverait, nous mène à un bar clandestin fréquenté par des créatures magiques. Le "Chaudron Dansant", qu'ils appellent ça. Parce que bien sûr, dans ce nouveau Chicago, les monstres et les fées ont besoin d'un endroit pour se détendre après une dure journée de... je ne sais pas, ensorcellement et manipulation de la réalité ?
Je vérifie mon arme pour la énième fois, le métal froid contre mes doigts me rappelant que je suis toujours un flic, magie ou pas. Le poids familier du pistolet à ma ceinture est réconfortant, un rappel que certaines choses n'ont pas changé. À côté de moi, Zara vérifie sa baguette. Le bout de bois finement ouvragé brille légèrement dans l'obscurité de la voiture, comme s'il avait sa propre source de lumière. De minuscules runes gravées le long du manche semblent danser à la lueur des réverbères.
— Tu sais, dit Zara en rangeant sa baguette, ce bar est réputé pour son ambiance... unique. On dit que le mobilier change de place tout seul.
— Super, je grommelle. Parce que ce dont j'ai vraiment besoin, c'est d'un tabouret qui décide de jouer à cache-cache au milieu de mon interrogatoire.
Elle rit.
On échange un regard. Ses yeux verts, qui semblent toujours contenir des galaxies miniatures, brillent d'excitation. Les miens, j'en suis sûr, ne reflètent que de la résignation fatiguée, comme un homme qui sait qu'il va à l'abattoir mais qui y va quand même.
— Prêt, partenaire ? demande-t-elle avec un sourire qui pourrait illuminer tout le quartier.
— Aussi prêt qu'on peut l'être pour plonger tête la première dans un nid de créatures magiques potentiellement hostiles, je grommelle en réponse. J'ai même mis mon caleçon porte-bonheur, tu sais, celui avec les petits trèfles à quatre feuilles.
Son sourire s'élargit. Elle commence à trop bien me connaître, appréciant mon humour sarcastique au lieu de s'en offusquer.
— Allez, ça va être amusant !
— Ton idée de l'amusement et la mienne diffèrent grandement, Zara. Pour moi, l'amusement implique généralement moins de risque d'être transformé en crapaud.
Nous sortons de la voiture et nous dirigeons vers une ruelle sombre qui pue le rat mort et les rêves brisés. L'odeur de la pluie sur l'asphalte se mêle à quelque chose de plus... étrange. Un parfum de fleurs exotiques et d'épices inconnues flotte dans l'air, contrastant violemment avec l'apparence miteuse de la ruelle.
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Arcane Juridiction
FantasyDans les rues de Chicago, la magie n'est plus un secret... Elle est une menace. Mike Donovan, flic endurci et réfractaire à la magie, se voit imposer une partenaire peu conventionnelle : Zara Nightshade, une sorcière aussi brillante que mystérieuse...