Deux jours. Deux putains de jours à patauger dans les méandres de cette enquête qui semble tout droit sortie d'un roman de fantasy mal écrit. Quarante-huit heures à courir après des pistes aussi insaisissables qu'un lutin sous acide, à interroger des témoins qui semblent avoir collectivement décidé de devenir aveugles et sourds le jour du meurtre, et à ingurgiter plus de café que mon médecin (ou mon foie) ne l'approuverait.
Le commissariat ressemble à une ruche en pleine effervescence, si les abeilles étaient remplacées par des flics surmenés et des créatures magiques. Des elfes en uniforme tapent des rapports sur des ordinateurs dont les écrans scintillent de runes étranges. Un nain barbu, badge accroché à sa barbe tressée, passe en trombe, portant une pile de dossiers plus grande que lui. Dans un coin, un groupe de fées-agents de liaison volètent autour d'une carte de la ville, leurs ailes projetant des ombres dansantes sur le mur.
Et moi, Mike Donovan, je suis là, affalé sur ma chaise, fixant le tableau des preuves comme s'il allait soudainement me révéler tous les secrets de l'univers. Ou au moins l'identité de notre tueur. Les photos de la scène de crime sont épinglées en vrac, reliées par des fils rouges qui ressemblent plus à une toile d'araignée ivre qu'à un schéma cohérent. Les symboles magiques, reproduits sur du papier, semblent me narguer de leur éclat phosphorescent.
Zara, ma partenaire sorcière (et je n'arrive toujours pas à croire que je peux dire ça sans ironie), est plongée dans un grimoire ancien. Ses lèvres bougent silencieusement alors qu'elle déchiffre des incantations que je ne veux probablement pas comprendre. Ses cheveux, d'un noir profond, semblent absorber la lumière, créant un halo sombre autour de son visage concentré.
— Du nouveau ? je demande, sachant pertinemment que si c'était le cas, elle me l'aurait déjà dit.
Elle lève les yeux, et pendant un instant, je vois des reflets étranges dans ses iris, comme si l'univers tout entier s'y reflétait.
— Rien de concret, répond-elle en étouffant un bâillement. Mais j'ai peut-être une piste sur l'origine du rituel. C'est ancien, très ancien. Pré-babylonien peut-être.
— Super, je grommelle. Donc notre suspect est soit un archéologue maléfique, soit un vampire très, très vieux.
Zara ouvre la bouche, probablement pour me faire un cours sur l'improbabilité de ma théorie, quand la porte du bureau s'ouvre brusquement. Le chef entre, son visage portant l'expression d'un homme qui vient de mordre dans un citron particulièrement acide.
— Donovan, Nightshade, dans mon bureau. Maintenant.
Nous échangeons un regard. Ça sent les emmerdes, ou une percée dans l'enquête. Avec notre chance ces derniers temps, probablement les deux.
Le bureau du chef est un mélange étrange d'ancien et de nouveau. Des dossiers en papier côtoient des tablettes magiques. Une vieille affiche "Votre police veille" est flanquée d'un poster montrant les différentes races magiques et leurs caractéristiques. L'odeur de café froid et de donuts se mêle à celle d'encens et d'herbes étranges.
— On a un suspect, annonce le chef sans préambule.
Mon cœur fait un bond. Enfin, du concret.
— Qui ? je demande, peut-être un peu trop avec impatience.
Le chef prend une profonde inspiration, comme s'il se préparait à annoncer la fin du monde. Ou pire, une réduction budgétaire.
— Un troll nommé Grunk.
Je cligne des yeux, certain d'avoir mal entendu.
— Un... troll ?
— Oui, Donovan, un troll. Environ trois mètres de haut, peau de pierre, probablement plus vieux que cette ville. Il travaille comme gardien pour une société de sécurité magique.
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Arcane Juridiction
FantasyDans les rues de Chicago, la magie n'est plus un secret... Elle est une menace. Mike Donovan, flic endurci et réfractaire à la magie, se voit imposer une partenaire peu conventionnelle : Zara Nightshade, une sorcière aussi brillante que mystérieuse...