Chapitre 1

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Hana

« Si vous voulez une qualité, agissez comme si vous la possédiez déjà. »

- William James

Tu parles.

Si la vie était aussi simple, ça se saurait.

Je pose mon stylo sur le bureau et je plie ma feuille pour la ranger sur le côté. Le fonctionnement du psychisme humain me fascine et c'est la raison pour laquelle j'ai décidé d'entamer des études de psychologie, mais si j'avais su qu'on continuerait à me faire écrire des dizaines d'absurdités philosophiques pour des dissertations, comme une lycéenne qui prépare son baccalauréat, je crois que j'aurais réfléchi davantage à mon orientation.

Je me lève de ma chaise pour abaisser les volets. Ce soir, le ciel est particulièrement sombre et nuageux. L'éclat de la lune, à moitié formée, traverse les stores et illumine une partie de ma chambre.

- Hana ! s'écrie ma mère, me tirant de mes rêveries.

- Oui ?

- Yanis m'appelle depuis tout à l'heure ! Il dit que tu ne décroches pas.

Oh mince.

Yanis.

J'étais tellement absorbée par ma dissertation que j'en ai oublié son existence.

J'attrape mon portable, posé sur la couverture en laine de mon lit, et je l'allume rapidement. Il vibre à plusieurs reprises et je constate que ma messagerie vocale est pleine à craquer d'appels en provenance de mon grand frère.

Il faut que je le rappelle :

- Allô ?

- C'est maintenant que tu réponds ? hurle-t-il.

Mes oreilles manquent de bourdonner face à son cri strident.

- Ça fait une heure que je t'attends, Hana ! Qu'est-ce que tu fous, bon sang ?

- Je suis vraiment désolée ! J'étais en train de travailler et je n'ai pas vu le temps défiler.

- Et je peux savoir où tu es, là ?

- Je vais sortir de la maison.

Un râle lui échappe, ce qui me fait glousser :

- Dis-moi que c'est une blague, Hana ?

- J'en ai pour dix minutes maximum. Arrête de te plaindre, sinon je te laisse là-bas !

Il ne relève pas ma remarque et me raccroche spontanément au nez.

Crétin.

Je prends le temps de venir le chercher et c'est comme ça qu'il me remercie.

J'attrape précipitamment mon voile noir en soie, que je rabats sur mes cheveux de la même couleur, et j'enfile une veste, avant de franchir le seuil du perron de la maison.

Je traverse ensuite rapidement l'allée en pierres de mon jardin, dépasse mon portail noir, puis je rejoins ma Clio 5 qui m'attend sur le trottoir d'en face. C'est un cadeau que mes parents m'ont offert après mon entrée à l'université. Au début, elle a suscité pas mal de querelles au sein de la famille. Yanis est mon aîné d'un an et il n'a pas supporté l'idée que j'obtienne une voiture avant lui.

Pourtant, sa plainte n'était pas vraiment légitime. J'ai obtenu mon permis avant lui, en terminale, alors qu'il peinait encore avec le code. Mais je ne supportais plus le climat que toute cette histoire avait instauré. Alors pour le réconforter – et surtout parce que j'adore conduire –, j'ai accepté d'être son taxi le temps qu'il s'en procure une à son tour. Pas question de le laisser conduire la mienne, il me la bousillerait en une soirée.

PepperWhere stories live. Discover now