Hana
Reda est appuyé sur le comptoir, un sourire au coin. Il échange quelques messes basses dont le contenu m'échappe avec la tenancière de l'épicerie. Pour être honnête, je ne m'attendais pas à ce que la propriétaire soit une femme. Plutôt jeune, en plus.
Assise sur un tabouret en bois qu'on m'a soigneusement apporté après que Reda ait expliqué la situation à l'équipe, je les scrute tous les deux d'un œil discret. Elle possède de longs cheveux blond platine lisses, des yeux en forme d'amande et à la couleur marron du fruit, ainsi qu'un rouge à lèvres carmin contrastant avec la pâleur de sa peau. Impossible de le nier, c'est une très belle femme.
Le visage de Reda, lui, est ouvert. Il discute avec son interlocutrice tout en esquissant de longs mouvements de bras, comme pour lui expliquer quelque chose. Je n'en suis pas sûre, mais j'ai l'impression qu'il est en train de lui raconter ses derniers exploits sportifs, au city stade. Ce qui est plutôt déroutant. Parce qu'à ma connaissance, il n'est pas spécialement bavard, et encore moins véhément. Ils doivent vraiment bien s'entendre...
Je me redresse légèrement de ma chaise et je croise les bras. Avant d'arriver à l'épicerie, nous sommes retournés vers le terrain où s'entraînaient les camarades de Reda. Il tenait absolument à les réprimander pour leur attitude négligente et il a insisté pour que je l'accompagne – pour les mettre devant le fait accompli, selon ses mots –, alors j'ai accepté. C'est à ce moment là que j'ai compris que c'était lui qui dirigeait l'équipe aujourd'hui. En tant que leader, il s'est déplacé jusqu'à moi, lorsque le ballon m'a percutée, pour prendre la responsabilité de l'acte sur ses épaules. Même s'il n'était pas à l'origine du lancer. Parce qu'en tant que leader, il aurait dû être capable d'éviter une telle situation, selon ses mots encore une fois.
Pour autant, les garçons se sont davantage focalisés sur la présence féminine que je représentais, à ses côtés, plutôt qu'aux sermons que ce dernier leur adressait. Entre les regards en coin et les messes basses, certains membres n'ont pas fait l'effort de masquer leur curiosité. L'un d'entre eux, Osman je crois, ne s'est d'ailleurs pas gêné de m'assaillir de questions, toutes plus douteuses les unes que les autres, dans l'espoir de percer mon identité. Malgré mes tentatives de balayer leurs suspicions avec des explications solides, chaque réponse apportée ne faisait que soulever une nouvelle question. Si seulement Harûn avait été là, lui aurait pu appuyer tous mes propos !
Lassée, j'ai donc fini par me résigner à me taire, laissant Reda régler le souci à sa manière. Ce qui a été tout sauf concluant. Parce que de son côté, il n'a réfuté aucune des suspicions, s'amusant ironiquement de la situation. Et ça n'a pas manqué de me faire fulminer intérieurement.
C'est vrai. Je ne veux pas que ces garçons pensent que je suis en couple. Encore moins avec un tel énergumène. Et je ne veux pas non plus risquer qu'une telle information parvienne aux oreilles de mon aîné !
Néanmoins, cette petite altercation a eu le mérite de me certifier que Reda n'était pas en couple. Et la culpabilité de mon attitude envers la serveuse d'Okinawa s'est automatiquement dissipée, accompagnée d'un sentiment de soulagement dans mon cœur dont je ne saurais expliquer l'origine.
- À quoi est-ce que tu penses ?
La voix du brun me ramène instantanément à la réalité.
Je relève le regard pour lui faire face. Il me tend alors un paquet de glace emballé dans un torchon humide que je m'empresse d'attraper, avant d'ajouter :
- Pas à toi, en tout cas.
Oh non.
Bon sang.

YOU ARE READING
Pepper
RomanceHana est une étudiante en psychologie à l'université de Paris. Elle partage son temps libre entre ses cours et ses sorties avec son grand frère Yanis, dont elle est très proche. Mais les fréquentations de ce dernier l'inquiètent de plus en plus et s...