Chapitre 3

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Reda

Je jette un coup d'œil à ma bâtisse. Elle est entourée d'un terrain faisant office de jardin parsemé d'arbres au bois usé et aux branches tellement laissées à l'abandon que leur longueur, anormalement étendue, manque presque de franchir les balustrades de chaque balcon. Et sur toute la façade en béton du bâtiment, la peinture part littéralement en lambeaux.

Je laisse échapper un soupir de frustration en insérant la clé dans la serrure de la porte d'entrée. Au moins, je possède un ascenseur. Parce que même si je suis sportif, la perspective de devoir affronter cinq étages au quotidien à pied ne m'enchante pas vraiment. Alors je ne vais pas me plaindre. Il faut toujours penser au pire pour mieux se contenter de ce que l'on possède déjà. C'est un conseil donné par Muhammad, le prophète et messager de ma religion – que la paix et le salut soient sur lui – et je compte bien le mettre en pratique.

Je franchis le seuil de mon appartement. Avec le temps, j'ai fini par m'accoutumer à l'odeur de renfermé. Par contre, celle de la solitude, c'est encore compliqué. Mon père est un homme d'affaires très passionné par son travail. Il est souvent en déplacement et n'a pas beaucoup de temps à me consacrer. 

Même si je sais qu'il fait de son mieux pour m'offrir un maximum de confort malgré les hauts et les bas de son business – après tout c'est lui qui paie cet appartement –, je dois admettre que je lui en veux. Pas parce qu'il est souvent absent, non. Mais parce qu'il est la principale raison de la séparation de mes parents. Depuis leur divorce au lycée, il s'est installé dans le sud de la France et n'a pas eu l'air d'éprouver le moindre regret.

Quant à ma mère, elle est récemment retournée vivre à Alger. Pour retrouver sa famille, comme elle aime souvent le rappeler.  Même si je crois qu'en réalité, elle n'a pas supporté l'idée de mon départ précipité, conditionné par mon master de bio-informatique. 

Pourtant, je lui ai proposé de rentrer la voir tous les week-ends. Une offre qu'elle a cependant très vite déclinée, prétextant préférer retrouver les siens après tant d'années à vivre séparés par la Méditerranée. Au fond, je suis certain qu'elle redoutait de devenir un fardeau pour mes épaules. Ce qu'elle ne sera jamais, évidemment. Mais je ne peux pas l'empêcher d'anticiper la situation à sa manière.

La sonnerie de mon téléphone me tire de mes pensées.

C'est Yanis.

Mon nouvel ami.

La seule personne capable de rompre ma solitude en ce moment.

Sauf si on considère que Sweety, le chat de la voisine, participe également à ma compagnie. Avec les visites impromptues de son pelage flamboyant et de ses miaulements suaves, je réfléchis presque à l'adopter.

- Allô ? finis-je par décrocher. 

- Reda, est-ce que tu es chez toi ?

Sa question m'interpelle.

- Oui, pourquoi ?

- Oh, génial ! Je le savais !

J'arque un sourcil, incrédule.

- On va faire un petit tour au city stade là, avec les mecs, surenchérit-il alors. Ça te dit ?

Je me pince l'arête du nez pour réfléchir.

L'idée de rencontrer les amis de Yanis ne m'enchante pas spécialement, étant donné que je ne suis pas quelqu'un de très avenant. Mais je ne connais aucun club de sport digne de ce nom en ville et je dois avouer que la perspective de me défouler un peu ne me déplaît pas.

Alors je finis par accepter.

- D'accord. Envoie-moi l'adresse.

- Trop bien ! Je suis tellement content que tu viennes, Reda !

PepperWhere stories live. Discover now