9 • LEON

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LEON

La journée s'est déroulée dans une atmosphère plus détendue après la session de massage. La plupart des nageurs étaient retournés dans leurs chambres pour se reposer, certains préférant une petite promenade pour décompresser. Le calme régnait sur le centre d'entraînement, et le bruit apaisant de l'eau dans la piscine voisine ajoutait une note de sérénité à l'atmosphère.

Ensuite nous avons eu le droit à une séance de PPG personnalisée, un quatrième repas, une autre séance dans l'eau, une visite médicale ainsi qu'une autre session de massage pour ceux qui le souhaitaient.

Je n'avais pas envie de m'infliger la vision de Thaïs et Thomas rigolant à tous et rien alors je suis retourné dans ma chambre et j'ai appelé mon petit frère Oscar. Cet appel m'a vraiment revigoré. Mon frère est mon premier supporter et il me redonne toujours le sourire.

Mais à présent il est temps que je me prépare pour le dîner de ce soir. Je marche seul vers le bâtiment principal, où le dîner est prévu. Les mots de Florent résonnent encore dans ma tête. "Tu l'aimes ?". La question m'a pris au dépourvu, mais elle a aussi déclenché un tumulte d'émotions et de réflexions que je ne peux pas simplement ignorer. Cette situation avec Thaïs et Thomas me ronge, bien plus que je ne veux l'admettre.

Alors que j'approche de la salle à manger, je vois Thomas sortir du bâtiment, une serviette jetée sur l'épaule. Il me repère immédiatement et se dirige vers moi avec un sourire amical, ignorant sans doute le conflit intérieur qui bouillonne en moi.

« Hey, Léon, tu te sens mieux après le massage ? Tu étais tendu comme un arc » plaisante-t-il d'une voix détendue, comme si de rien n'était.

Je force un sourire, mais il se sent faux, même pour moi. « Ouais, ça va. C'était... relaxant. »

Thomas hoche la tête. « Thaïs est vraiment douée. Elle a ce don pour trouver les tensions et les évacuer. Elle m'a raconté quelques-unes de ses techniques, c'est fascinant de voir à quel point elle maîtrise son sujet. Elle était super inquiète pour toi. »

Chaque mot qu'il prononce me met un peu plus mal à l'aise. Pourquoi je ressens cette pointe d'irritation chaque fois qu'il mentionne Thaïs ? Ce n'est pas de la jalousie, je m'en suis convaincu. Mais alors, qu'est-ce que c'est ?

« Ouais, c'est sûr. Elle est super pro, » je réponds, essayant de paraître nonchalant.

Thomas semble ne pas remarquer ma gêne. « J'ai vraiment hâte de travailler davantage avec elle. On a prévu de collaborer sur quelques séances spécifiques pour les nageurs, je pense qu'on peut vraiment faire des merveilles ensemble. »

C'est la goutte de trop. Mon sourire forcé disparaît, et je sens mon irritation percer malgré moi. « Ça a l'air génial, mais tu crois pas qu'elle a déjà assez de boulot avec nous ? »

Thomas fronce légèrement les sourcils, surpris par le ton de ma voix. « Eh bien, je pense que c'est justement pour ça qu'on va collaborer, pour alléger un peu la charge et apporter des perspectives différentes. C'est pour le bien de l'équipe, Léon. »

Je m'en veux déjà d'avoir laissé échapper cette remarque, mais il est trop tard pour revenir en arrière. « Ouais, bien sûr. C'est juste que... enfin, je suis sûr qu'elle gère très bien toute seule. »

Il y eut un moment de silence tendu. Thomas me fixe, essayant de comprendre ce qui se passe. Finalement, il soupire, son ton devenant un peu plus sérieux. « Écoute, Léon, je sais que ça peut paraître étrange qu'un nouveau arrive et se rapproche de Thaïs si rapidement. Mais je ne suis pas là pour causer des problèmes. On est tous dans la même équipe, non ? »

Je suis pris au piège entre ma frustration et la conscience que Thomas n'a rien fait de mal. Il est simplement là pour aider, comme il le dit. C'est moi qui projette mes insécurités sur lui.

Je prends une grande inspiration. « Ouais, tu as raison. C'est juste que... je suis un peu sur les nerfs ces derniers temps. Désolé si je suis sorti de mes gonds. »

Thomas hoche la tête, un sourire sincère remplaçant l'expression sérieuse qu'il a affichée. « Pas de souci. On est tous un peu tendus. Si tu as besoin de parler ou de te défouler, je suis là. On est une équipe, après tout. »

Je lui retourne un sourire, cette fois plus authentique. « Merci, Thomas. Je vais essayer de me détendre un peu plus. »

Il me tape sur l'épaule d'une manière fraternelle avant de reprendre sa route vers les dortoirs. Je le regarde s'éloigner, sentant le poids de la tension s'alléger légèrement. Pourtant, la sensation de malaise persiste, comme une ombre qui refuse de se dissiper complètement.

En entrant dans la salle à manger, je remarque Thaïs assise à une table, seule, en train de feuilleter des notes sur son téléphone. Mon cœur se serre un instant, mais je décide de m'approcher. Après tout, c'est toujours agréable de passer du temps avec elle, et peut-être que parler un peu pourrait éclaircir mes idées.

« Hello » dis-je en m'asseyant en face d'elle.

Elle lève les yeux de son écran et me sourit. « Hello. Ça va ? Tu as l'air un peu... préoccupé. »

« Juste un peu fatigué, je suppose, » je réponds en haussant les épaules. « Je réfléchissais à tout ce qu'Alain nous a dit pendant la vidéo. Ça fait beaucoup d'un coup. »

Elle hoche la tête avec compréhension. « Oui, c'était intense. Mais tu sais, tu es l'un des plus talentueux ici. Si quelqu'un peut mettre en pratique ces conseils, c'est toi. »

Son compliment me réchauffe le cœur, mais il ravive aussi cette petite étincelle de jalousie que j'essaie de nier. « Merci, ça me touche. Et toi, comment ça va ? On dirait que tu te fais de nouveaux amis. Thomas, par exemple. »

Je tente de paraître désinvolte, mais Thaïs, avec son sens aigu de l'observation, perçoit quelque chose. Elle pose son téléphone et me regarda plus attentivement.

« Thomas est sympa, et c'est un bon kiné. On travaille bien ensemble. Pourquoi ? Ça t'embête ? »

Je secoue la tête trop rapidement. « Non, non, pas du tout. C'est juste que... je ne sais pas, j'ai l'impression que tu es tellement occupée avec tout le monde que j'ai moins l'occasion de te parler. »

Elle sourit doucement, et cette fois, ce sourire semble vouloir me rassurer. « Léon, je suis toujours là pour toi. Thomas est un collègue, mais tu restes mon ami. On a traversé pas mal de choses ensemble, ça ne va pas changer du jour au lendemain. »

Ses paroles dissipent une partie de l'angoisse qui me rongeait. Elle a raison. Il n'y a pas de raison de se sentir menacé par cette nouvelle amitié. Mais quelque chose me dit que cette situation ne va pas se résoudre aussi facilement.

« Je sais, » je réponds avec un sourire sincère. « Ça fait du bien de l'entendre. »

Nous passâmes le reste de la soirée à discuter de choses et d'autres, retrouvant notre complicité habituelle. Mais dans un coin de mon esprit, je ne pouvais m'empêcher de penser à ce que Florent avait dit plus tôt. Thomas était peut-être un ami, mais il représentait aussi un défi que je n'avais pas encore su relever.

La nuit s'annonçait longue, et je savais que les prochains jours seraient déterminants pour comprendre ce que je ressentais vraiment.

A Contre Courant / Léon MarchandOù les histoires vivent. Découvrez maintenant