15 • LEON

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LEON

La soirée tombe lentement, et avec elle, l'excitation de la journée commence à s'apaiser. Après l'entraînement, tout le monde semble épuisé, mais content de ce qu'on a accompli. Les éclats de rire résonnent encore dans les vestiaires alors que chacun se prépare pour le dîner organisé par l'équipe. Ce n'est pas un événement inhabituel, mais ce soir a une saveur particulière, surtout après ce qui s'est passé entre Thaïs et moi. Notre baiser, plus tôt dans la journée, reste gravé dans mon esprit, et même si nous n'avons pas eu l'occasion de parler longuement depuis, je sais que quelque chose a changé entre nous.

Je me prépare rapidement dans ma chambre, mon esprit flottant entre les souvenirs de ce baiser et l'incertitude de ce qui va suivre. Ce dîner n'est pas seulement une occasion de se détendre ensemble, mais aussi un moment où des nouvelles importantes sont souvent annoncées. Ce soir, c'est l'entraîneur en chef, Lucas, qui a demandé à ce que tout le monde soit présent, ce qui ajoute une certaine tension à l'ambiance. Quelque chose me dit que cette soirée sera décisive.

En descendant dans la salle commune, je remarque que presque tout le monde est déjà là. L'atmosphère est légère, mais il y a une sorte d'électricité dans l'air, une anticipation palpable. Le dîner est simple, des plats traditionnels que tout le monde apprécie, mais malgré l'odeur alléchante des mets, je sens un léger nœud se former dans mon estomac.

Je repère Thaïs assise au bout de la table, discutant avec Charlotte et Marie. Elle rit à une blague, mais je peux voir dans son regard qu'elle est aussi un peu nerveuse. Je prends une profonde inspiration et me dirige vers elle, m'asseyant à ses côtés. Lorsqu'elle tourne la tête vers moi, son sourire se fait plus doux, plus intime. Ce simple échange visuel suffit à calmer les battements de mon cœur.

Le repas commence et les conversations se multiplient, couvrant la pièce d'un bourdonnement chaleureux. Pendant un moment, tout semble presque normal, comme si de rien n'était. Mais alors que les plats principaux sont servis, Lucas se lève, attirant l'attention de tout le monde. Le silence se fait progressivement, chacun se tournant vers lui.

« Bonsoir à tous, » commence-t-il, sa voix grave résonnant dans la salle. « J'espère que vous avez tous bien mangé et que vous vous sentez bien. » Il marque une pause, un sourire en coin. « Je ne vais pas tourner autour du pot, j'ai une annonce importante à vous faire. »

Un frisson parcourt la table. Les regards s'échangent, et je sens Thaïs se raidir légèrement à côté de moi. Je lui presse doucement la main sous la table, un geste discret pour lui montrer que je suis là, quoi qu'il arrive.

« Comme vous le savez, ce week-end est crucial pour notre préparation aux prochains championnats. Mais ce n'est pas tout. Demain, des médias viendront couvrir notre entraînement et recueillir quelques interviews. Ils resteront pour le reste du week-end. »

La nouvelle tombe comme un couperet, laissant un silence lourd derrière elle. L'idée d'avoir des caméras et des journalistes autour de nous pendant les prochains jours ne m'enchante guère. Le sport de haut niveau est déjà suffisamment stressant sans ajouter la pression médiatique. Je vois les visages autour de moi se crisper légèrement, chacun assimilant l'information.

Lucas poursuit, sentant probablement la tension. « Je sais que ce n'est pas l'idéal, surtout à ce stade de la préparation, mais c'est important pour notre visibilité. Nous devons montrer au public et à nos sponsors que nous sommes prêts. »

Je sais qu'il a raison. Les médias font partie de ce monde, et sans leur attention, nos efforts, nos réussites, et même nos échecs, n'auraient pas la même portée. Mais je ne peux m'empêcher de ressentir une certaine appréhension. Nous avons tous nos propres luttes, nos propres batailles intérieures, et l'idée que tout cela puisse être exposé au grand jour me rend nerveux.

À côté de moi, Thaïs baisse les yeux, perdue dans ses pensées. Je me demande si elle pense à la manière dont les journalistes pourraient essayer de creuser dans sa vie privée, ou pire encore, découvrir ce qui se passe entre nous. Cette relation, si nouvelle, est encore fragile, et l'exposition pourrait la compliquer davantage.

Maxime est le premier à réagir. « Est-ce qu'on sait quel genre de questions ils vont poser ? » demande-t-il, essayant probablement d'anticiper ce qui nous attend.

Lucas acquiesce. « Rien d'extraordinaire, juste les questions habituelles sur votre préparation, vos objectifs pour les championnats. Mais je veux que vous soyez prêts. Soyez professionnels, concentrez-vous sur vos réponses. C'est une opportunité de montrer qui vous êtes, en tant qu'athlètes et en tant qu'équipe. »

Les discussions reprennent doucement autour de la table, chacun donnant son avis sur la situation. Certains semblent plus à l'aise avec l'idée que d'autres, mais dans l'ensemble, le groupe reste solidaire.

Je me tourne vers Thaïs, et elle lève enfin les yeux vers moi. « Ça va aller ? » je demande doucement, soucieux de son bien-être.

Elle hésite un instant avant de hocher la tête. « Oui, je crois. Je vais juste devoir être prudente... » Sa voix est basse, presque un murmure. Elle sait autant que moi que cette prudence devra aussi s'étendre à ce qui se passe entre nous.

« On sera discrets, » dis-je en essayant de la rassurer. « Ce n'est pas encore le moment de révéler quoi que ce soit. »

Elle me sourit faiblement, reconnaissante de mon soutien. « Tu as raison. Je ne veux pas que notre histoire soit exposée comme un simple fait divers. »

Je comprends parfaitement ce qu'elle ressent. Cette relation, encore si jeune, mérite d'être préservée, d'évoluer à son propre rythme, loin des projecteurs et des spéculations. Et même si cela signifie devoir jouer la carte de la discrétion, je suis prêt à le faire, pour elle, pour nous.

Le dîner continue, mais je sens que l'ambiance a légèrement changé. La perspective de devoir affronter les médias demain plane au-dessus de nos têtes comme un nuage menaçant. Chacun tente de rester positif, mais les conversations sont moins légères qu'au début du repas.

Finalement, Lucas conclut la soirée en nous rappelant de bien nous reposer pour être en forme demain. Les visages sont fatigués, et je peux lire une pointe de nervosité dans les regards qui se croisent. Je reste un moment à discuter avec les autres, mais mes pensées reviennent constamment à Thaïs. Je sens que nous devons parler, nous assurer que nous sommes sur la même longueur d'onde pour les jours à venir.

Alors que tout le monde commence à se disperser, je prends doucement la main de Thaïs et l'entraîne à l'écart. « Viens, » dis-je doucement. « On va prendre l'air. »

Elle acquiesce sans un mot, me suivant à l'extérieur, où la nuit est calme et fraîche. Nous marchons en silence jusqu'à ce que nous trouvions un coin tranquille, à l'abri des regards.

« Léon... » commence-t-elle doucement, cherchant ses mots. « Je sais que ça va être difficile, mais je veux qu'on reste nous-mêmes. Je ne veux pas que cette pression change ce que nous sommes. »

Je lui serre la main plus fort. « Moi non plus. On va traverser ça ensemble, comme toujours. Et puis, quoi qu'il arrive, je suis là pour toi. »

Elle me regarde, ses yeux brillant dans la lumière tamisée de la lune. « Merci, Léon. Ça compte beaucoup pour moi. »

Nous restons là, dans la nuit tranquille, savourant ce moment de calme avant la tempête que pourrait apporter le lendemain. Mais en cet instant précis, je sais que, peu importe ce qui se passera, nous avons une force sur laquelle nous appuyer : notre relation, notre complicité. Et cela, rien ni personne ne pourra le briser.

A Contre Courant / Léon MarchandOù les histoires vivent. Découvrez maintenant