14 • LEON

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LEON

L'entraînement touche enfin à sa fin, et je me sens plus épuisé que d'habitude. Mais ce n'est pas la fatigue physique qui me pèse le plus, c'est l'absence de Thaïs. Elle m'a manqué toute la journée, et je n'arrive pas à me débarrasser de cette impression étrange qu'elle m'échappe.

En sortant de la piscine, je la cherche des yeux, espérant la voir m'attendre comme elle le fait souvent. Mais elle n'est pas là. Un sentiment d'inquiétude commence à s'installer en moi. J'essaie de me convaincre que tout va bien, que ce ne sont que des pensées infondées. Mais quand je l'aperçois enfin, assise seule sur le banc près du bassin, je sais que quelque chose ne va pas.

Je m'approche d'elle, mon cœur battant plus vite que je ne l'aurais voulu. Elle a l'air perdue dans ses pensées, son visage empreint d'une tristesse qui me fend le cœur.

« Thaïs ? » dis-je doucement en m'asseyant à côté d'elle. « Ça va ? »

Elle sursaute légèrement, comme si elle ne m'avait pas entendu arriver. Puis elle tourne son regard vers moi, et je vois des larmes briller dans ses yeux.

« Léon... » murmure-t-elle, sa voix tremblante.

Sans réfléchir, je prends sa main dans la mienne, cherchant à lui transmettre un peu de réconfort, à lui montrer que je suis là pour elle, quoi qu'il arrive.

« Qu'est-ce qui se passe, Thaïs ? » lui demandai-je, l'angoisse me nouant l'estomac. « Parle-moi. »

Elle hésite, ses doigts serrant les miens comme si elle cherchait du courage. Je sens qu'elle lutte contre quelque chose de profond, quelque chose qu'elle n'a pas encore osé partager. Après un long moment de silence, elle finit par prendre une profonde inspiration.

« Léon, je... Je t'ai jamais raconté pourquoi j'ai arrêté la natation, » commence-t-elle, sa voix à peine audible. « Tout le monde sait que c'est à cause d'une blessure à l'épaule mais personne ne sait d'où vient cette blessure... Etre ici, avec toi, ça me le rappelle...»

Je la regarde, surpris. Je savais qu'elle avait arrêté la compétition, mais je n'avais jamais imaginé qu'il y avait une raison aussi mystérieuse à sa blessure. Je reste silencieux, l'encourageant d'un léger hochement de tête à continuer.

« Je venais d'emménager aux Etats-Unis seule. J'allais enfin vivre grâce à ma passion. C'était... c'était mon rêve, tu sais, Je me voyais aller aux Jeux Olympiques, représenter mon pays... Mais tout s'est effondré à cause de cette fichue blessure. Je ne pouvais plus nager, ni concourir. Et je me suis sentie... inutile, brisée. » poursuit-elle, sa voix se brisant légèrement. « Nous étions trois dans ma chambre, Amber, Charlie et moi. Elles étaient devenues des amies proches au fil du temps, je les considérais comme ma famille. Un soir, elles m'ont convaincu de faire le mur pour assister à une soirée sur le toit de l'école, en tant qu'athlète boursière, si je dérogeait à la moindre règle je pouvais faire mes valises. »

Les larmes coulent le long de ses joues et je l'enlace directement. Je peux voir que la culpabilité la ronge.

« Même si je n'étais pas partante au début, j'ai fini par apprécier cette soirée. Malheureusement pour moi, c'était une soirée illégale et lorsque les policiers sont arrivés, il y a eu un tel mouvement de foule que j'ai été propulsé et je suis tombé sur mon épaule. Je ne pouvais plus bouger, j'étais paralysée par la douleur. Lorsque les policiers m'ont retrouvé à terre je les ai supplié, mais ils ont tout de même mis au courant l'école... »

Je resserre ma prise autour d'elle , mon cœur se serrant en entendant la douleur dans sa voix.

« Thaïs » dis-je doucement. « Je ne savais pas. Merci de me l'avoir dit, mais je suis là maintenant n'y pense plus. »

Elle hoche la tête, essuyant les larmes qui roulent sur sa joue. « C'est pour ça que j'ai tellement peur maintenant, Léon. J'ai peur de devenir une distraction pour toi, de t'éloigner de ton rêve, rien qu'une soirée, comme je me suis éloignée du mien. Je ne veux pas que tu perdes ce que tu as bêtement comme j'ai pu le faire. »

Je sens mon cœur se serrer encore plus fort à ses mots. Je comprends maintenant pourquoi elle a été si distante, pourquoi elle a hésité à s'ouvrir complètement. Elle a peur de me faire revivre ce qu'elle a vécu, de m'éloigner de la natation comme elle en a été éloignée. Mais je ne veux pas qu'elle pense qu'elle est une distraction, parce qu'elle ne l'est pas. Elle est tout ce que je veux, tout ce dont j'ai besoin pour me sentir complet.

Je lâche sa main pour encadrer son visage de mes paumes, la forçant doucement à me regarder dans les yeux. « Thaïs, écoute-moi bien, » dis-je avec détermination. « Tu n'es pas une distraction pour moi. Tu es la personne qui me donne la force de continuer, celle qui me rappelle pourquoi je me bats tous les jours. Sans toi, rien de tout ça n'aurait de sens. »

Elle me regarde, ses yeux brillant d'une émotion que je reconnais bien. Mais cette fois, je ne veux pas qu'elle doute, je veux qu'elle comprenne à quel point elle compte pour moi.

« Léon... » murmure-t-elle, la voix brisée.

Je ne lui laisse pas le temps de continuer. D'un geste doux mais assuré, je me penche vers elle et lui demande son accord. Elle me regarde longuement et accepte.

Mes lèvres trouvent les siennes, et tout ce que je ressens pour elle se déverse dans ce baiser : ma tendresse, ma passion, et cette promesse silencieuse que je ne la laisserai jamais tomber.

Elle répond à mon baiser, ses mains s'accrochant à moi comme si elle avait enfin trouvé une ancre dans la tempête de ses émotions. Le monde autour de nous disparaît, ne laissant que nous deux, unis dans ce moment d'intimité et de compréhension mutuelle.

Quand je me recule enfin, son souffle se mêle au mien, et je la regarde dans les yeux, espérant qu'elle comprend maintenant.

« Tu ne m'éloigneras jamais de mon rêve, Thaïs, » lui dis-je doucement. « Parce que tu fais partie de ce rêve. Et peu importe ce qui se passera, je veux que tu sois à mes côtés. On traversera tout ça ensemble. »

Elle me fixe, et je vois dans ses yeux que quelque chose a changé. La peur est toujours là, mais elle est moins oppressante, comme si elle avait enfin compris qu'elle n'était pas seule dans ce combat.

« Merci, Léon, » murmure-t-elle, sa voix pleine de reconnaissance et de soulagement.

Je lui souris, caressant doucement sa joue. « On est ensemble dans cette aventure, Thaïs. Toujours. »

Et pour la première fois depuis longtemps, je sens que tout est à sa place. Que peu importe les obstacles, nous les affronterons ensemble. Parce que je l'aime, et rien ne pourra changer ça.

A Contre Courant / Léon MarchandOù les histoires vivent. Découvrez maintenant