11 • THAIS

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THAIS

Le reste de la journée s'est écoulé dans une atmosphère étrange, entre tension et routine. Après ma conversation avec Léon, j'ai tenté de me concentrer sur mon travail, mais ses mots ne cessent de résonner dans mon esprit. "Peut-être que je tiens à toi plus que je ne le pensais." Cette phrase s'est ancrée en moi, perturbant la paix fragile que j'avais réussi à maintenir.

Quand l'entraînement a repris, j'ai observé Léon depuis les gradins, mes yeux attirés vers lui malgré moi. Je n'ai pas pu rester là, à regarder sans rien faire. J'ai quitté la piscine, mes pensées en ébullition, cherchant un endroit où je pourrais me retrouver seule, loin des regards, loin de lui. Le centre est entouré de jardins paisibles, un lieu que j'ai toujours trouvé apaisant. J'ai marché sans but, espérant que l'air frais pourrait m'aider à ordonner mes pensées, à calmer mon cœur qui battait trop fort.

Pourquoi suis-je si troublée ? Pourquoi ces mots, si simples en apparence, ont-ils le pouvoir de bouleverser tout ce que j'ai soigneusement construit ? Depuis des mois, je réprime ces sentiments naissants, m'assurant de rester professionnelle, de ne pas laisser mes émotions interférer avec mon travail, et surtout, avec la carrière de Léon.

Je me suis assise sur un banc, à l'ombre d'un grand chêne, le regard perdu dans les nuances dorées du coucher de soleil. Le silence du jardin m'enveloppe, mais mon esprit ne cesse de ressasser les souvenirs, les moments partagés avec Léon. Chaque sourire, chaque encouragement, chaque regard ont contribué à renforcer ce lien entre nous. Mais aujourd'hui, ce lien me semble à la fois précieux et dangereux.

Je suis amoureuse de Léon. C'est une vérité que je ne peux plus ignorer, même si elle me fait peur. Mais cette même peur m'ordonne de rester en retrait, de ne pas m'engager sur un chemin qui pourrait à la fois compromettre son avenir et briser notre amitié.

Léon est un athlète de haut niveau. Sa vie est dédiée à un objectif unique : les Jeux Olympiques. Tout dans son existence est subordonné à ce rêve, un rêve qu'il poursuit depuis son enfance avec une détermination sans faille. Et moi ? Moi, je suis une kiné, une amie, une confidente... mais pourrais-je devenir autre chose sans risquer de tout compromettre ?

J'avais le même objectif, le même quotidien il n'y a pas si longtemps de cela et j'ai faillis. Tous mes espoirs ont chutés à cause d'une putain d'épaule. A seulement 12 ans j'étais déjà double championne de France, à mes 16 ans, je l'étais 4 fois de plus. Mais l'intensité et la pression de mes entraînements ont eu raison de moi. Il ne m'a fallu qu'une petite pause d'une semaine pour perdre la mobilité de mon épaule et avec tous mes rêves.

L'idée de devenir un obstacle, de le distraire de son but, est insupportable. Si nous entamons une relation, est-ce que cela pourrait nuire à sa concentration ? À sa performance ? Est-ce que je pourrais vivre avec cette culpabilité si jamais il échouait à cause de moi ? Non, je ne peux pas prendre ce risque. Je dois sacrifier mes sentiments pour lui permettre de poursuivre son rêve sans entraves.

Mon téléphone vibre soudainement, me tirant de mes réflexions. Je le sors de ma poche et vois un message de Léon : *"On peut se voir ce soir après l'entraînement ? J'aimerais te parler."*

Mon cœur rate un battement. Je sais que cette conversation est inévitable, mais cela ne rend pas l'idée moins terrifiante. Après un moment d'hésitation, je lui réponds : *"D'accord, le jardin, vers 19h."*

L'après-midi semble s'éterniser, chaque minute me rapprochant d'une discussion que je redoute. Comment lui dire que, malgré mes sentiments, je ne pouvais pas me permettre de m'impliquer davantage ? Que je devais rester en retrait pour ne pas interférer avec ses ambitions ?

Vers 18 heures trente, je me dirige vers le jardin, le cœur lourd. Le soleil est en train de disparaître derrière les arbres, baignant le monde dans une lumière douce et dorée. L'endroit est calme, presque désert, et je m'efforce de trouver une certaine sérénité avant l'arrivée de Léon. Je m'assois sur le banc, mon esprit en proie à un tourbillon d'émotions contradictoires.

A Contre Courant / Léon MarchandOù les histoires vivent. Découvrez maintenant