15. Douleurs & Pensées Profondes

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3h20

La nuit tombée, je m'enveloppai dans une obscurité profonde qui régnait dans ma chambre. Le silence y était assourdissant, et malgré l'épuisement physique qui alourdissait mes membres, mon esprit restait tourmenté, incapable de trouver le répit. Les pensées sombres et les souvenirs douloureux tourbillonnaient dans ma tête, refusant de s'apaiser. Je sentais l'angoisse monter en moi, un nœud serré dans ma poitrine, alors que mes paupières se fermaient d'elles-mêmes, cédant au poids de la fatigue. Mais le sommeil réparateur que j'espérais ne vint pas. Au lieu de cela, je fus plongée dans un rêve, ou plutôt un cauchemar, qui me ramena brutalement à une période de ma vie que j'avais tant cherché à oublier. Je me retrouvai dans un lieu familier mais terrifiant : les couloirs de mon ancien lycée.

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Le sol en carrelage gris, les murs ternes tapissés de casiers métalliques. L'air était lourd, saturé d'une atmosphère oppressante. Chaque coin de ces couloirs recelait des ombres menaçantes, des recoins sombres qui semblaient vouloir m'engloutir.
Je marchais, ou plutôt je dérivais, le long de ces corridors interminables, jusqu'à ce que je commence à entendre des voix. D'abord indistinctes, elles se firent de plus en plus claires à mesure que je progressais. Ce sont les rires que je reconnus en premier, des éclats de moquerie qui résonnaient contre les murs, se répercutant dans l'espace, pénétrant mon esprit comme des lames acérées. Puis les silhouettes apparurent. Des visages si familiers, appartenant à mes camarades de classe, émergèrent de l'ombre. Ils semblaient surgir de nulle part, leurs regards se posant sur moi avec une froideur méprisante.

- Regardez-la, Jenna la loque, Jenna la sans-amis, lança l'un d'eux, un sourire cruel déformant ses lèvres.

- Personne ne t'aime, même tes parents préfèrent t'ignorer, ajouta un autre, sa voix chargée de venin.

- Pourquoi es-tu encore là ? Tu devrais juste disparaître, conclut un troisième, son ton empreint d'un mépris glacé.

Ces mots, ces insultes, étaient les mêmes que ceux qui avaient marqué mon adolescence, les mêmes qui, à l'époque du collège, avaient érodé petit à petit mon estime de moi, jusqu'à ne laisser qu'un vide béant en moi. Je restais figée, incapable de réagir, paralysée par la peur. Leurs voix se mélangeaient, formant une cacophonie insupportable, un tourbillon de haine et de mépris qui m'engloutissait. Leurs visages se rapprochaient, leurs corps formaient un cercle autour de moi, me poussant contre les casiers, m'emprisonnant dans un étau de terreur.
La douleur, la peur, le désespoir que je ressentais étaient si tangibles que je pouvais les toucher. Je voulais crier, je voulais fuir, mais mes jambes refusaient de bouger, et ma voix restait bloquée dans ma gorge. Je me sentais piégée, comme une proie acculée, incapable de s'échapper. Leurs visages étaient désormais distordus, des masques grotesques de cruauté qui se rapprochaient encore et encore, jusqu'à ce que je sente leurs souffles sur ma peau, glacials et dégoûtants.
Et puis, soudainement, tout changea. Le couloir du lycée disparut, remplacé par le décor familier mais non moins terrifiant de ma chambre d'adolescente. Les murs étaient les mêmes, d'un pâle déprimant, ornés de posters aux coins usés, des souvenirs d'une époque que j'avais cherché à fuir. La fenêtre donnait sur une rue silencieuse, déserte, et la pièce était plongée dans une pénombre oppressante. Cette chambre, qui aurait dû être un refuge, était en réalité un lieu chargé de souffrance, le théâtre de mes pires angoisses.
Je me revis, assise sur mon lit, les épaules secouées par des sanglots silencieux. Mon visage était baigné de larmes, ainsi que mes bras coulaient un rouge vive que j'appréciais et les yeux rouges et gonflés par les pleurs. La solitude m'entourait, palpable, étouffante. Elle pesait sur mes épaules, écrasant le peu de volonté qu'il me restait. Sur mon bureau, une feuille de papier froissée traînait. C'était une lettre d'adieu, écrite d'une main tremblante, chaque mot une confession de la douleur que je portais en moi, une douleur que je n'avais jamais su exprimer autrement.
Je me revis me lever, lentement, comme si chaque mouvement était un effort titanesque. Mes pieds nus touchaient le sol froid, et je sentais un frisson glacial me parcourir. Mon corps avançait presque de lui-même, attiré irrésistiblement par ce qui pendait au milieu de la pièce : une corde. Elle était là, suspendue à la poutre du plafond, son nœud coulant sinistrement prêt, attendant de remplir sa fonction macabre.
Je me tenais face à cette corde, les yeux secs, le visage impassible. Il n'y avait plus de larmes, plus de désespoir apparent, seulement une résolution glaciale, une volonté d'en finir avec cette vie qui m'avait tant fait souffrir. Dans ce moment-là, je ne ressentais plus rien. Il ne restait que le vide, un gouffre sans fond qui m'engloutissait lentement. Tout ce que je voulais, c'était en finir, arrêter cette douleur lancinante qui me rongeait de l'intérieur.
Avec une lenteur presque cérémoniale, je pris la corde dans mes mains. Le toucher du chanvre contre ma peau me rappela soudainement la froideur de la réalité, mais je continuai. Je passai le nœud autour de mon cou, ajustant la corde avec soin, mes gestes devenant de plus en plus mécaniques, presque détachés de la gravité de l'acte que j'étais sur le point de commettre. Le silence dans la pièce était assourdissant, seul le bruit de ma respiration saccadée remplissait l'espace, un souffle court, erratique.
Je fis un pas en avant, sentant la corde se tendre. Mon corps entier tremblait, mais ce n'était pas la peur qui me dominait, c'était l'épuisement, un épuisement profond, qui dépassait les simples forces physiques. J'étais vidée de toute volonté, prête à me laisser glisser dans l'abîme. J'étais sur le point de me livrer au néant, d'accepter enfin ce repos éternel que je convoitais tant.
Mais juste avant que le monde ne devienne définitivement noir, un bruit de porte me parvint, lointain, comme à travers une brume épaisse. Puis des cris, des voix affolées. Mes parents. Ils étaient rentrés plus tôt que prévu. Leurs voix perçaient à travers le voile de mon désespoir, de plus en plus proches, jusqu'à ce qu'ils ouvrent la porte de ma chambre, découvrant l'horreur de la scène.
Dans un geste désespéré, ils se ruèrent vers moi, me tirant en arrière, arrachant la corde de mon cou avant que je ne bascule totalement dans l'inconscience. Le monde autour de moi se brouillait, les couleurs et les sons se mélangeaient en une masse informe. Je n'étais plus vraiment consciente, mais une part de moi savait que quelque chose, quelqu'un, m'avait empêchée de partir.
Le rêve ne s'arrêta pas là. Ce qui suivit se déroula en une succession de flashs rapides, presque irréels. L'ambulance, les lumières éblouissantes de l'hôpital, le visage pâle de ma mère, son regard empli de terreur et de douleur. Je sentais la panique dans l'air, mais je ne pouvais pas réagir. J'étais enfermée dans ce vide, ce gouffre où toute émotion, toute pensée semblait se dissoudre.
Les mois suivants défilèrent à toute vitesse dans un tourbillon de souvenirs flous. Les allers-retours à l'hôpital, les séances de thérapie, les discussions avec des psychiatres qui me scrutaient avec des regards pleins de pitié. On me disait que j'étais malade, que j'avais besoin d'aide, que le temps guérirait ces blessures. Mais tout cela me semblait si lointain, si insignifiant par rapport à la douleur que je ressentais encore, une douleur profonde, ancrée en moi, que rien ne semblait pouvoir apaiser.

L'Emprise Des TénèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant