Chapitre 15

84 8 2
                                    

Stiles détesta la façon dont il se réveilla et plus particulièrement cette mollesse qui le prit dès son émergence. Il n'apprécia pas cette sensation de frottement, l'impression on ne peut plus bizarre qui le prit : celle de ne pas sentir son corps ou du moins, pas complètement. Le pire, c'est qu'il sentait que ce n'était pas la première fois qu'il se faisait ce semblant de réflexion, que... Que c'était même récurrent. Mais il ne s'en souvenait pas, rien ne lui venait. Alors, peut-être qu'il se trompait. Que cette impression était fausse. Puis de toute façon, que voudrait-elle dire, si ce n'est rien ? Stiles n'arrivait pas à penser correctement, ni de façon détaillée et... Enfin, il se doutait que ça viendrait, tout comme son corps s'éveillait lentement. Trop à son goût, d'ailleurs. Sauf que pour une fois, Stiles ne chercha pas à aller plus vite que la musique, à forcer les choses... Pour la simple et bonne raison qu'il n'en eut pas l'énergie. Commencer à réfléchir, c'était déjà très prenant.

Autant dire que d'essayer de comprendre les choses à travers le brouillard incroyable qui emplissait sa tête était passablement compliqué. Il faisait de son mieux, vraiment, mais avait un mal fou à avancer.

Ainsi, lorsqu'il réussit finalement à ouvrir les yeux, il mit un peu de temps à s'en rendre compte. Dès lors, il regagna son propre corps. Retrouva certaines sensations, déplora l'absence d'autres. Sans force, sans rien pour s'en donner. Néanmoins, il vit. Reconnut vaguement le plafond de sa chambre et le décor de celle-ci. Tourner la tête, il en était vaguement capable. Du reste, c'était à peu près tout pour le moment... Tant et si bien qu'il mit un long moment avant de remarquer quelque chose d'inhabituel. La présence de quelqu'un à son chevet. Un jeune homme à peine plus âgé que lui dont il connaissait l'identité, laquelle finit par lui revenir. Et lorsque ce fut le cas, son regard s'éclaira d'une lueur confuse.

Stiles avait l'habitude que Derek rentre chez lui – et plus précisément dans sa chambre – par effraction. La nouveauté, c'est qu'il ait l'air d'attendre quelque chose, sagement assis. Sans parler, sans rien demander, sans chercher à le déranger. Et même lorsque Derek le vit clairement réveillé, il ne dit rien. Intérieurement, Stiles s'alarma. Que le loup-garou se montre aussi silencieux lui faisait peur. S'il appréciait le fait de n'être ni brusqué, ni directement alpagué pour faire des recherches ou lui donner une information précise, l'hyperactif devait avouer... Qu'au moins, il aurait le soulagement de faire face à une situation familière. Cela contrebalancerait cette impression que... Que quelque chose n'allait pas. La routine, c'était rassurant. Lorsqu'elle avait le malheur de subir un changement, c'était là qu'il fallait se méfier.

La façon de penser de Stiles changea. D'un coup, il eut besoin de tout savoir tout de suite et ce, même s'il n'était pas certain de réussir à comprendre ce qu'englobait précisément ce « tout », puisqu'il n'était au courant de rien. Dans sa tête, tout continuait d'être flou. Aucun souvenir précis ne lui venait.

Enfin, il s'estima momentanément heureux de se souvenir de qui il était et de se rappeler de sa vie dans sa globalité. Il n'avait pas perdu l'intégralité de ses repères... Juste certains. Presque les principaux, à vrai dire. Et puis qu'est-ce qu'il faisait là, dans son lit ? Pourquoi Derek restait-il assis à le regarder ? Pourquoi... Pourquoi ne s'empressait-il pas de lui faire la moindre demande ? Stiles devint rapidement nerveux. Il voulut se redresser, se trouva atrocement faible... Et de plus en plus conscient desdites faiblesses. C'était comme si quelque chose en lui s'était véritablement rallumé... Au point qu'il pensait beaucoup et très vite. Les réflexions intérieures s'enchaînèrent si rapidement qu'elles firent drastiquement augmenter le rythme de ses pulsations cardiaques. Trop de questions, trop de choses étranges... Rien de normal ni d'habituel.

Et Stiles n'aimait pas beaucoup lorsque quelque chose dans son quotidien différait de l'ordinaire.

- Calme-toi, t'as rien à craindre.

Stiles fit tout ce qui était en son pouvoir pour tourner correctement la tête dans sa direction. Le voir réellement, pas juste l'apercevoir. Si tout allait bien, si sa tête fonctionnait correctement, sans doute lui aurait-il rétorqué qu'il n'avait pas un ton très rassurant pour quelqu'un qui lui disait qu'il n'avait rien à craindre. De même, lui dire de se calmer était plus difficile à dire qu'à faire et qu'à sa place, il était certain que Derek ne réagirait pas extrêmement bien à un conseil aussi stupide que celui-ci. Il l'enverrait bouler, lui rappellerait à qui il s'adressait. Peut-être aussi qu'il lui sortirait sa menace habituelle, celle qui ne lui faisait d'ailleurs plus peur depuis longtemps. Avec le temps et leur entente toute relative mais suffisamment cordiale pour qu'ils puissent s'adresser la parole en paix, les mots préférés de Derek avaient perdu tout leur sens. Ils n'étaient plus qu'une arme dissuasive – et encore –, de façade.

Le fait est que Stiles tenta de lui obéir malgré tout et que si le grand méchant loup himself lui disait qu'il n'avait rien à craindre, c'était qu'il s'agissait de la vérité. Enfin, ce surnom qu'il lui donnait encore de temps en temps ne revêtait plus non plus un grand sens dans la mesure où il s'était rendu compte depuis un moment du fait que Derek était tout sauf méchant. Juste bourru. Et con.

Mais gentil.

A cet instant, c'était peut-être tout ce que Stiles désirait retenir. Tout ce qui pouvait le rassurer, le faire se sentir tranquille, en sécurité. Pourquoi avait-il l'impression que rien n'allait ? Le simple fait qu'il ne comprenne rien suffisait à l'affoler. Or, il mettait toujours un point d'honneur à saisir chaque situation et de se remémorer toute sa journée de la veille jusqu'au coucher – dans la mesure du possible –, histoire d'éviter de se réveiller dans le flou et de perdre du temps à se demander ce qu'il avait fait. Cette gymnastique qu'il faisait sans arrêt faire à son esprit était devenu un automatisme... Qu'il n'arrivait tout bonnement pas à réactiver. Il ne se souvenait de rien, pas même de ce qu'il aurait pu préparer à manger à son père la veille. S'était-il seulement retrouvé dans la cuisine à un moment ? Stiles avait l'impression que non. Un frisson étrange le parcourut. Glacé.

De son côté, Derek se leva et se rapprocha de lui.

- Tu veux que je t'aide à t'assoir ?

Stiles le regarda d'un air effaré.

- Toi, m'aider ? Articula-t-il.

Et ces mots, aussi peu nombreux soient-ils, suffirent à l'horrifier... Pour la simple et bonne raison que s'ils sortaient bel et bien de sa bouche, l'hyperactif n'était pas certain de reconnaître sa propre voix. Elle avait quelque chose de différent et puis... Il avait eu du mal à parler, sortir ces pauvres mots pourtant très courts. C'était comme si un poids écrasait sa gorge, rendant le tout aussi difficile que fatigant. Et ça, ce n'était pas normal. Quelque chose en lui se glaça davantage. Aussi ne rechigna-t-il pas lorsque Derek passa un bras autour de ses épaules et posa sa main sur son ventre de façon très brève. Stiles se retrouva rapidement en position assise, le dos contre son épais coussin arrangé de telle façon qu'il puisse lui servir momentanément de dossier. Et l'humain se sentit mal, bien trop pour se faire la réflexion que oui, Derek l'avait aidé. Avec patience. Ses gestes pouvaient même, si on y faisait bien attention, paraître doux. Imprégnés par la peur certaine de mal s'y prendre et le besoin de faire les choses correctement. Puis Derek n'avait pas l'habitude de se retrouver dans cette position, laquelle s'avérait fort délicate et ce, dans bien des sens.

S'il leur tardait, à Noah, Jackson, Isaac et lui, que Stiles se réveille, Derek se fit toutefois la réflexion que le plus dur était à venir. L'hyperactif lui semblait complètement perdu et même s'il lui paraissait conscient, tous les effets de la drogue qui coulait dans ses veines ne s'étaient pas dissipés. Maintenant, restait à savoir s'il se souvenait de certaines choses ou non... Et Derek n'était pas certain de savoir laquelle des deux options étaient préférables.

Dans tous les cas, le loup-garou choisit de ne pas précipiter les choses et de lui laisser le temps d'émerger. Ainsi, il ne prévint pas Noah du réveil conscient de son fils et se contenta de s'enquérir de l'état de celui-ci. De lui demander comment il se sentait, s'il avait besoin de boire, de manger... En somme, de faire tout ce qui était en son pouvoir pour le mettre à l'aise ou au moins lui faire comprendre qu'il n'avait strictement rien à craindre. Et ça faisait beaucoup de mots pour le loup mal léché qu'il était. Loup qui se savait parfois maladroit, aussi bien dans ses actes que dans ses paroles.

Mais il se devait d'assurer, au moins pour le moment. Ensuite seulement, il préviendrait Noah. Puis Jackson et Isaac, pour les tenir au courant.

En attendant, il devait faire face au regard brisé et empli de confusion de cet humain qui n'avait aucune idée consciente de ce qui lui avait été fait.

The Saving SunOù les histoires vivent. Découvrez maintenant