Chapitre 16

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Très honnêtement, Stiles ne comprenait toujours pas ce que Derek faisait là, encore moins ce qu'il tentait de faire. Avait-il perdu à un pari ? Non, le Sourwolf qu'il connaissait n'y prendrait même pas part. Pourtant, il n'avait que cette idée qui lui venait à l'esprit et qui permettrait, à ses yeux, d'expliquer son comportement. Stiles avait toujours su que l'ancien alpha était un homme bon, gentil... Mais il mettait toujours un point d'honneur à ne pas le montrer, ou du moins garder cette facette de lui la plus secrète possible. Alors qu'est-ce qui avait changé ?

- Tu es sûr que tu n'as pas faim ? Insista Derek.

Il lui avait demandé s'il avait soif, faim, ou envie d'aller aux toilettes. Il se renseignait sur ses besoins, son inconfort... Tout. Et cela faisait deux fois en trois minutes. Stiles, bien loin de s'agacer, accueillit malgré lui cette attention à bras ouverts. Il ne se sentait pas... De la rejeter. D'une part parce qu'il n'en avait pas la force et d'autre part parce que dans un sens, il appréciait ce Derek-là, l'idée qu'il puisse être autre chose qu'un loup-garou grognon. Là au moins, il en avait la preuve.

- Oui, articula-t-il après avoir repris sa respiration.

Elle lui apparaissait si courte qu'il n'arrivait pas à parler autrement qu'après avoir pris le temps d'inspirer et d'expirer. Concernant son rapport actuel avec la nourriture, il était simple : si je mange, je vomis, se dit-il. Il l'aurait d'ailleurs bien dit à Derek si sortir un mot de lui ne représentait pas un effort si conséquent. Son énergie était si peu présente que Stiles avait l'impression qu'il ne devait pas la gaspiller inutilement. Il se mit toutefois d'accord avec lui-même pour traduire en un mot ce qu'il ressentait physiquement à l'heure actuelle et qui expliquait son refus de manger pour le moment.

- Nausée, finit-il par lâcher.

Et pourtant tout ça c'était bête, parce qu'il commençait vraiment de ressentir l'envie – le besoin ! – de parler, de poser à Derek toutes les questions qui lui venaient, même les plus floues. Parce que sa conscience, elle, devenait lentement mais sûrement plus claire – et qu'elle avait besoin de réponses.

Le fait est que son mot ne sembla pas plaire à l'ancien alpha puisqu'il se mordit la lèvre inférieure d'un air embêté. Mais Stiles n'irait certainement pas le changer dans la mesure où il correspondait à ce qu'il ressentait actuellement. Son ventre lui semblait tout barbouillé, au point qu'il savait que s'il tentait de se mettre debout, il en viendrait à vomir le peu qui devait s'y trouver – sans doute pas grand-chose. A moins qu'il se soit goinfré de curly fries la veille... Ce dont il n'était pas sûr du tout étant donné que cela ne lui disait rien.

S'il y réfléchissait correctement, il pourrait même aller jusqu'à dire qu'il ne se souvenait de rien concernant ce qu'il aurait pu faire... Que ce soit le matin, le midi, ou le soir. Et Stiles choisit plutôt de penser à Derek – puisqu'il était là – pour ne pas laisser l'angoisse le happer. Car inconsciemment, il savait que quelque chose n'allait vraiment pas au niveau de sa mémoire et que s'y intéresser maintenant le plongerait dans un gouffre sans précédent. Il n'était pas prêt et pourtant... Bordel, il avait besoin de s'expliquer cette situation, au moins un peu, pour lui donner un minimum de sens...

De son côté, Derek ne savait pas vraiment quoi faire tant il se sentait démuni face à la faiblesse de l'hyperactif. Et c'est cette même faiblesse qui lui fit prendre complètement conscience du danger qu'il encourrait – l'horreur qu'il avait vécue sans le savoir. Néanmoins, il continua de ne pas vouloir prévenir Noah du réveil de son fils. Pour une raison obscure, il gardait à l'esprit l'idée de lui laisser un peu plus de temps. L'instinct, sans doute.

Mais il savait qu'il devait commencer à lui dire des choses qui ne lui feraient certainement pas plaisir. Des choses... Qui expliquaient sa présence à lui ici, qui pourraient commencer à dissiper les nuages de confusion dans ses yeux humides. Stiles ne s'en rendait pas compte, mais ses yeux renvoyaient l'image de ce que son moi intérieur ressentait, tout ce qui commençait à le déchirer et dont il n'avait, consciemment, aucune idée. Derek ne réussit pas à soutenir son regard plus longtemps. Tout loup-garou et ancien alpha qu'il était, il n'arrivait pas à rester digne face à lui... Parce qu'il savait. Il savait. Il savait et ça le bouffait de l'intérieur.

- Ecoute, Stiles...

Le susnommé se surprit à ne pas entendre son nom articulé avec agressivité, agacement, ou mépris. Derek lui semblait étrangement gêné, presque... Comment dire cela ? Agacé ? Perturbé ? Stiles n'arrivait, depuis qu'il était réveillé et conscient, pas à définir l'humeur de l'ancien alpha, si ce n'est qu'elle n'avait rien de positif. Alors forcément, il appréhenda – tout en refusant d'y penser à outrance. Et c'était difficile parce que Stiles se connaissait... Il avait besoin de savoir ce qui lui arrivait et... Oui, il aimerait bien comprendre pourquoi il se sentait aussi faible, nausées et pourquoi parler lui était si difficile. Une partie de lui continuait d'entretenir une idée aussi vague et improbable qu'impensable. Mais il était dans l'ordre des choses qu'il cherche à se protéger, qu'il... Essaie de trouver autre chose.

- Je sais pourquoi tu te sens mal, pourquoi tu n'as pas faim, pourquoi tu es perdu et je te jure que tu le sauras mais je t'en conjure, n'essaie pas de te lever ou de faire quoi que ce soit pour le moment.

Dans d'autres circonstances, Stiles aurait pu trouver Derek mignon dans sa façon de faire, de lui dire les choses. Parce qu'il prenait le soin de parler lentement, d'articuler chacun de ses mots pour être sûr qu'il le comprenne. Et Stiles le comprit effectivement si bien que davantage de confusion se peignit sur son visage atrocement pâle. Ses yeux n'en finirent pas de rougir, de le piquer. Il y porta péniblement l'une de ses mains et sentit un froid étrange le gagner. Ses doigts s'étaient légèrement mouillés. Il fronça davantage les sourcils, encore plus perdu qu'auparavant. Sa bouche s'ouvrit naturellement, sans qu'il puisse la contrôler.

- Je... Me sens pas bien.

Sa voix, à la limite du murmure, tremblait. Était-ce à cause de ces larmes qui ne coulaient pas mais restaient accrochées à ses paupières, comme si Stiles les retenait inconsciemment lui-même ? Comme s'il savait que s'avouer leur présence l'obligerait à se confronter à quelque chose... Quelque chose de bien plus profond et difficile à appréhender qu'il ne pouvait l'imaginer. Alors ses mots, qui pouvaient paraître lambdas, étaient diablement cru. Non, Stiles ne se sentait pas bien. Son corps le tiraillait à des endroits auxquels il ne se souvenait pas d'avoir déjà eu mal dans sa vie. Il se sentait faible, savait sa bouche pâteuse. Il s'était réveillé dans son lit sans comprendre ce qu'il y faisait, sans aucun souvenir de la veille et avec Derek à son chevet. Il avait l'impression que quelque chose n'allait vraiment pas et en voyait la confirmation dans le visage et les yeux fuyants du loup-garou, tout comme il l'avait entendue dans sa supplication, son articulation douce et patiente. Rien dans cette situation n'avait le moindre putain de sens.

- M'sens pas bien, répéta-t-il en secouant doucement la tête, la voix encore plus tremblante en clignant des yeux à plusieurs reprises et de plus en plus rapidement.

L'on aurait dit un souffle tant elle s'était affaiblie, presque envolée. Derek releva les yeux vers lui et constata avec un lourd sentiment impuissance que cette fois-ci, Stiles pleurait vraiment.

The Saving SunOù les histoires vivent. Découvrez maintenant