Chapitre 11

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L'on était habitué aux silences de Derek, pour la simple et bonne raison qu'ils étaient en quelque sorte... Habituels. Mais on les connaissait, ces silences : ils allaient de pair avec l'expression de son visage et son humeur générale, souvent égale, qu'il tenait toutefois à continuer de dissimuler avec un visage inexpressif. Il s'agissait le plus souvent d'une compagnie sans mots, dont l'absence restait confortable. On connaissait Derek, on savait qu'il était comme ça et on avait appris à l'accepter. C'était lorsqu'il parlait longuement, qu'il fallait s'inquiéter.

Mais ce silence-là n'avait rien d'ordinaire. Il était lourd. Lourd de sens, lourd d'effroi, lourd de cette terreur que trahissaient les yeux de Derek. L'ancien alpha n'était pas homme à avoir peur : sa spécialité, c'était la colère.

Et pourtant, Jackson sentait bel et bien cette émotion-là émaner de son odeur. Quoiqu'il se trouva soudainement complètement stupide. Il se savait perturbé, alors... Il n'y avait sans doute rien d'anormal à ce que son odorat le soit tout autant. Si les émotions en général avaient un grand pouvoir sur les humains, l'affirmation était encore plus vraie concernant les états d'un métamorphe. La part humaine avait une forte connexion avec son homologue animale, terriblement empathique et sujette aux emportements. Il n'y avait donc rien d'étonnant à ce que Jackson puisse avoir tout faux dans son analyse. Lui-même peinait à se dire... Qu'il avait tout révélé à cet homme qu'il craignait autrefois. Qu'il lui avait confié cette découverte on ne peut plus morbide parce qu'il se savait incapable de prendre les choses en main. Car il ne savait pas quoi faire ni quelle stratégie pour appréhender Scott était la meilleure. Y en avait-il seulement une ?

Quoiqu'il pensait beaucoup à Scott, mais il savait que le pire concernait Stiles. Que faudrait-il faire part la suite ? Lui dire ce qui lui était arrivé ? Lui révéler l'horrible réalité ? Quand, d'ailleurs ? Existait-il seulement un moment « propice » pour parler de ce sujet... ? C'était trop. Trop de paramètres à prendre en compte. Trop de difficultés à assumer pour Jackson. Trop de questions.

Il ne voulait pas avoir à porter tout ça : il n'en avait de toute manière pas la force. Sur ce coup-là, il n'avait ni l'envie ni les capacités de faire le fier, celui qui pouvait tout assurer, tout encaisser. Jackson avait beau garder certains travers du passé, il savait au moins reconnaître ses limites. Prendre la responsabilité d'être celui qui révélait l'impensable était suffisamment difficile comme cela – il s'agissait de quelque chose qu'on ne pouvait pas se permettre de négliger. Pour être honnête, le kanima n'avait aucune idée quant à la façon dont il faudrait pour lui appréhender la suite.

Enfin, faudrait-il déjà que Derek commence par lui dire quelque chose – ce qu'il ne semblait pas prêt de faire. Son visage en disait déjà beaucoup et Jackson pouvait au moins être certain que son annonce ne le laissait pas de marbre. Il pourrait même presque dire que son aîné avait quelque peu pâli et qu'il n'arrivait pas à maintenir un quelconque masque d'indifférence. Il semblait même à Jackson qu'il s'agissait de la première fois qu'il le voyait ainsi, aussi... Expressif. Pouvait-il considérer ce fait comme... De bon augure ? Cela signifiait-il que Derek le croyait ? Il ne pouvait, certes, pas douter de ses mots sur le plan physiques tant ses sens n'avaient pour pouvoir que celui de mettre la vérité à nu, mais... Le doute de l'attente continuait de traverser Jackson de part en part. Il n'arrivait pas à être tranquille. Et c'est alors qu'une pensée aussi horrible que réelle lui vint avec un naturel affolant.

S'il craignait autant de ne pas être cru alors qu'il ne faisait que rapporter ce qu'il avait constaté... Il n'imaginait pas ce que devaient ressentir les victimes en elles-mêmes.

Qu'en était-il alors de Stiles, qui n'avait aucune conscience de ce qui lui était arrivé ? Noah lui-même lui avait fait part du mal-être de l'hyperactif... Que le concerné avait dit ne pas comprendre. Ces cauchemars, ce froid, ces crises d'angoisse... Ces choses qui désemparaient complètement le shérif dont le champ d'action était profondément limité. Le temps seul permettrait-il d'arranger les choses ou faudrait-il une aide extérieure ? Et lui dire ? Faudrait-il finir par lui dire... ? Était-ce ce qui était le mieux pour lui ou bien valait-il mieux attendre de voir si quelques souvenirs lui revenaient... ? C'était dans ce genre de moments où Jackson se disait qu'il avait besoin d'aide car, de son côté, il était incapable de prendre de décision, de mesurer celle qui était la plus juste et qui ferait le moins de dégâts... Cela faisait un moment qu'il se posait ce genre de questions, qu'il se les répétait, se les rappelait sans pouvoir répondre à une seule d'entre elles. Il s'agissait d'une boucle qui lui paraissait sans fin, un cercle... Que seule une personne tierce pourrait briser.

The Saving SunOù les histoires vivent. Découvrez maintenant