Chapitre 4

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Jackson avait de la chance. En plus d'être fort bien constitué, il s'entretenait régulièrement et ce n'était pas de la gonflette : si l'on mettait de côté sa nature lupine – et reptilienne –, il possédait une force non négligeable. Le surnaturel n'avait fait que booster ses capacités déjà présentes et impossibles à nier. Ainsi, porter Stiles ne lui posa strictement aucun problème. Le garçon n'était pas bien gros et en plus de cela, il lui paraissait extrêmement léger. Simple impression faussée par ses capacités surnaturelles ou bien l'hyperactif cachait-il une alimentation un tantinet insuffisante ? Il ne semblait manquer de rien à ce niveau-là, d'autant plus que sa réputation de goinfre au sein de la meute n'était plus à prouver.

Cependant, aucun de ses membres ne devait être au courant de l'état actuel dans lequel il se trouvait. N'étant venu qu'une fois ou deux ici et sans jamais avoir à aller plus loin que le salon, Jackson mit un peu de temps à trouver, dans cette maison pourtant pas bien grande, la chambre de son camarade de meute. Une fois qu'il eut poussé du pied la bonne porte, le kanima déposa son léger fardeau sur le lit deux places aux draps bleus. Il l'installa confortablement, lui retira ses chaussures et entrouvrit sa veste, histoire que le fils du shérif se sente à l'aise.

Quoique dans son état, Jackson doutait du fait qu'il sente quoi que ce soit.

Parce que Stiles n'avait pas l'air complètement stone, il l'était.

Et ça, le blond n'en avait aucun doute. La manière dont il avait agi, mais surtout la rapidité à laquelle la faiblesse l'avait gagné... C'était fou, et ce n'était pas les yeux dilatés de l'hyperactif qui allaient le contredire. Sauf que... Là encore, quelque chose n'allait pas. Comment aurait-on pu le droguer ? Et qui ? Car une chose était certaine, Stiles ne se serait pas volontairement mis dans un tel état. Il n'avait pas la moindre prise sur sa vie ni ce qui pouvait lui arriver et honnêtement, Jackson fut heureux de ne pas aimer le bowling, parce que les scénarios possibles quant à l'issue potentielle du voyage à pieds du brun étaient nombreux et pas le moins du monde rassurants.

Peu à peu, les yeux de Stiles se fermèrent complètement et il eut l'air de s'être endormi. Là, enfin, Jackson s'autorisa un certain relâchement. Il s'assit au bord du lit, défit sa propre veste et lâcha un lourd soupir. Sans apprécier Stiles plus que de raison, le kanima s'inquiétait pour lui. Tout son être était parcouru par des frissons désagréables et l'impression qu'il devait savoir quelque chose le tiraillait. Parce que... Merde, Stiles était complètement à l'ouest, à la merci de n'importe qui. Oui, et ce n'importe qui pourrait lui faire n'importe quoi. Et ça... Il ne pouvait tout bonnement pas l'imaginer. A l'horreur s'ajoutait la colère : elle s'insinuait lentement dans ses veines au fur et à mesure qu'il absorbait le choc de ce qu'il avait rapidement deviné. De sa vie, jamais il n'aurait cru autant désirer se tromper. Mais les preuves étaient là, accablantes, sous ses yeux, un océan déchaîné. Stiles était pâle comme la mort, immobile, fragile. Plus vulnérable que jamais.

Et Jackson ne pouvait pas laisser cela impuni. Quand bien même il s'agissait de l'hyperactif qui lui cassait les roubignoles à longueur de journée, il ne méritait pas ça. Personne ne méritait un tel traitement. Alors, il se saisit de son téléphone et fit ce qui lui semblait le plus juste. Son interlocuteur aurait au départ du mal à le croire tant leurs rapports étaient rares et la plupart du temps, tendu, mais qu'importe.

Il s'agissait de son fils.

Et Noah devait être mis au courant.

Mais un mouvement sur le côté attira son attention. Jackson posa son téléphone et se tourna vers le bel endormi qui... Eh bien, ne dormait pas réellement. Stiles avait les yeux entrouverts et bougeait comme il le pouvait, essayant de retirer sa veste. Le visage rouge, il faisait peine à voir. Jackson toucha rapidement son front : bouillant. Stiles n'avait pas réellement de fièvre, mais il avait chaud, car ses joues étaient aussi chaudes que son front. Alors, le kanima le redressa et lui enleva sa veste comme il le put. Dans son état, Stiles n'avait aucune force. Les mouvements de ses membres étaient petits, lents et faibles, tant et si bien que cela confirmait ce que pendait Jackson : Stiles était à la merci de n'importe qui. On pouvait lui faire ce que l'on voulait. Un frisson d'horreur le parcourut, et il aida l'hyperactif à s'allonger, sans jamais prononcer un mot. Jackson était lucide. Ce genre de drogues... Il n'était pas difficile de savoir à quoi elle servait, ni d'en connaître les effets. Sitôt que ceux-ci se seraient estompés, Stiles aurait tout oublié. Seule la quantité de souvenirs qu'il lui resterait diffèrerait selon le moment où la drogue était entrée en lui. Mais même là, Jackson ne voyait pas quand cela aurait pu arriver. Ils avaient eu cours ! Ils étaient au lycée ! Il n'y avait pas eu un moment où l'hyperactif s'était retrouvé seul avec des inconnus ou... Des adultes, tout simplement.

N'aimant réellement pas cette situation, Jackson se saisit à nouveau de son téléphone et composa le numéro du shérif, en espérant néanmoins que celui-ci n'irait pas penser à une mauvaise blague de sa part. L'absence d'amitié entre les Stilinski et les Whittemore n'était plus à prouver, cependant... Jackson n'était pas comme son père. Il avait un cœur et savait mettre de l'eau dans son vin. C'était ainsi qu'il avait pu avancer dans cette meute, aux côtés de gens tous plus différents les uns que les autres, et supporter cet hyperactif qui, à force, était devenu un allié.

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Au départ, Noah crut effectivement que le jeune Whittemore se payait sa tête. Il le crut sincèrement, et pendant un bon moment. Mais Jackson bataillait et s'évertuait à ne pas vouloir raccrocher. Et... Déjà, le fils Whittemore ne l'appelait jamais. Il avait son numéro, parce que Noah l'avait donné à tous les membres de la meute. Numéro à n'utiliser qu'en cas de problème qui nécessitait son intervention directe, dans le but d'éviter que Stiles n'essaie d'empêcher qui que ce soit de le prévenir. L'hyperactif avait tendance à surprotéger son père de toutes les manières qui soient. Pouvait-on lui en vouloir ? Noah étant le seul parent qu'il lui restait, il en prenait soin. Dans la meute, tout le monde était au courant de ce fait, Jackson compris. Il était parfois arrogant, antipathique, mais pas mauvais au point de faire sciemment mal à Stiles en faisant croire quelque chose d'aussi grave à son père.

Alors au bout d'un long moment de réflexion, Noah douta et décida de mettre son travail en pause. Il délégua le tout à Parrish, juste le temps qu'il aille vérifier ce qu'il se passait chez lui. Une fois son adjoint prévenu, le shérif démarra. Cinq minutes plus tard, ses sourcils se froncèrent. Pour l'instant, Whittemore ne lui avait pas menti : sa voiture était bien garée à côté de la maison. Sans attendre, Noah gara la sienne où il le put et entra. S'il tomba des nues en pénétrant dans la chambre de son fils ? Bien sûr et ce, pour plusieurs raisons. Whittemore était là, toujours là. Même trois quarts d'heure après leur appel, il était toujours là. Les traits tirés, une ombre de colère dans le regard. Noah fut rassuré sur deux points : d'une part, le kanima n'avait pas laissé son fils seul. De l'autre... Eh bien, cette ire qu'il décelait dans les yeux bleu acier du blond lui montraient que dans un sens, il appréciait Stiles. Un peu. Ou alors, qu'il avait assez de sens moral pour ne pas laisser seul un jeune homme potentiellement drogué. Jackson avait déposé un linge mouillé sur le front de Stiles qui gisait, sur son lit, sa veste retirée, ses chaussures aussi. Pâle comme la mort, il avait les yeux fermés depuis peu, mais il ne dormait pas – le kanima le certifia au shérif. Il était simplement... Dans une sorte d'état végétatif. Il entendait, il sentait, sans se rendre compte de rien. Cachant son choc, Noah remercia Jackson et lui enjoignit de tout lui raconter. Ce dernier ne savait pas grand-chose, hormis le fait qu'il l'avait croisé en rentrant chez lui et qu'il s'était proposé de le raccompagner. Stiles lui avait paru peu en forme, déjà, mais les choses s'étaient vite dégradées dans sa voiture, tant et si bien qu'il avait dû le porter jusqu'à son lit. Gardant son sang-froid au maximum, Noah le remercia avec froideur et lui assura qu'il pouvait s'en aller. En d'autres circonstances, il se serait montré un peu plus chaleureux, mais les émotions qui se battaient en lui l'obligeaient à se brider. Si Jackson les sentit, il eut la décence de ne faire aucun commentaire.

Ainsi, il se leva et commença à sortir de la pièce, lorsque Noah l'arrêta :

- Préviens votre meute.

Sa voix, grave et froide, n'appelait aucune contestation. Jackson se retourna vers lui, hocha la tête. Noah avait un regard des plus sombres : le regard d'un père qui donnait son âme pour se contrôler. Il n'y avait qu'à voir son visage, tendu comme un arc et ces yeux de glace, meurtriers.

- Je le ferai, assura le kanima, qui avait senti qu'il devait ajouter des mots à son geste.

Mettre la meute au courant était effectivement une très bonne idée, et pas simplement parce que celle-ci mettrait tout en œuvre pour protéger son seul humain. Chacun des membres s'investirait pour enquêter et empêcher qu'une telle immondice se reproduise. Stiles avait beau être l'unique fleur blanche dans un champ de tulipes rouges, on l'aimait tel qu'il était. S'en prendre à lui, c'était toucher au cœur de la meute. Même Jackson était assez investi dans leur groupe pour comprendre cela.

Les deux hommes se saluèrent et enfin, Jackson sortit de la maison des Stilinski.

The Saving SunOù les histoires vivent. Découvrez maintenant