Chapitre 13

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Noah n'avait pas beaucoup dormi : il avait été difficile pour lui d'enchaîner plusieurs heures de sommeil à la suite. S'il reprochait parfois à son fils cette manie qu'il avait de réfléchir à outrance et d'avoir des difficultés à passer à autre chose lorsqu'une préoccupation le taraudait... Il comprenait désormais cet aspect de sa personnalité. Quoiqu'ici, l'affaire était bien plus grave qu'un élément flou dans une affaire surnaturelle, le comportement suspect d'un lycéen... Et Noah n'avait cessé d'y penser. Il continuait, à vrai dire, lorsqu'il rouvrait les yeux et que sa conscience torturée reprenait le dessus sur le reste. Autant dire qu'en plus d'être épuisé par cette nuit aussi calme que cauchemardesque, Noah était à fleur de peau. Une chose était certaine, il ne fallait pas le provoquer... Ni l'énerver plus qu'il ne l'était déjà car sa fureur, aussi contrôlée soit-elle pour le moment, n'avait pas besoin de grand-chose pour exploser et montrer à la face du monde ce qu'il ressentait vraiment, toute cette haine qu'il avait en lui.

Ainsi, il se crispa dès lors qu'il entendit la sonnerie de l'entrée retentir. Il serra la mâchoire, mais se leva, en se disant que si son visiteur s'appelait Scott McCall, il aurait la possibilité de lui faire regretter d'être né sans avoir à sortir de chez lui. Car s'il le voyait... Il ne pourrait pas s'empêcher d'agir – et il ne faudrait pas l'en empêcher. Humain ou non, Noah Stilinski avait en lui la fureur d'une bête sauvage, la seule à pouvoir lui faire perdre tout sens moral.

C'est le pas lent et lourd qu'il prit son temps pour avancer. Il se retroussa les manches et son regard bleu ciel semblait avoir viré au gris acier. Ses cernes, sa fatigue ? C'était comme si toute trace de sa nuit morcelée avait disparu de son visage dominé par la froideur de ses émotions. En lui, la colère ne bouillonnait pas : elle rendait son sang glacé, ses traits figés. En arrivant devant la porte, Noah posa sa main droite sur la poignée, tandis que son bras gauche pendait le long de son corps... Et que son poing se serrait par avance, juste au cas-où. C'est ainsi préparé qu'il ouvrit la porte d'un coup sec.

Ce qu'il ressentit par la suite fut difficile à dire tant Noah avait du mal à interprété ce qu'il voyait. Son poing ne partit pas en direction du visage de son visiteur, tout simplement parce qu'il ne s'agissait pas de Scott. Sa première réaction fut tout de même de vouloir mettre son idée à exécution, histoire de purger un peu de cette violence qu'il avait en lui. Est-ce qu'il le fit ? Non. Parce que la fureur n'avait pas mis son cerveau hors connexion et Noah était actuellement capable de comprendre ce qu'il voyait. D'associer le visage à un nom, des souvenirs.

Et de ce qu'il en savait, Derek Hale n'avait strictement rien à voir avec l'agression de son fils. Alors, le shérif ne fit rien de plus que le fixer, dans l'attente d'un motif à sa venue. Parler, il n'en avait pas envie et il espérait que son regard suffirait à dissuader Hale de se montrer désagréable avec lui. Disons qu'il connaissait l'énergumène et son caractère... Parfois agaçant. Noah aimait les gens ouverts, qui parfois souriaient. S'il savait que Derek n'était pas quelqu'un de méchant, il avait du mal avec sa façon de vivre, de ne jamais se montrer avenant de façon directe. Il y avait aussi son ton qui, souvent, frisait le mépris.

Enfin, il ne l'avait pas vu depuis un moment, alors peut-être que les choses avaient changé, que Hale s'était adouci.

En soi, son espoir n'était pas loin de la vérité, Derek avait évolué. Mais ce qui rendit son attitude si hésitante, son regard aussi peu assuré que le fut sa voix lorsqu'il ouvrit la bouche... Était d'une horreur absolue. Une horreur dont Noah avait plus que connaissance.

- Je suis ici pour relayer Isaac auprès de Stiles, finit par articuler Derek en relevant enfin les yeux vers le shérif.

Ce dernier peina à accepter l'information... Non pas parce qu'elle était particulièrement invraisemblable, mais plutôt à cause de la façon dont Derek la lui annonçait. C'était si abrupt qu'il ne s'y attendait pas le moins du monde – encore moins venant de l'ancien alpha. A vrai dire, Noah eut soudainement la gorge sèche. Si Hale lui disait cela, ce n'était pas sans raison. Il était au courant. Il était au courant de ce que l'on avait fait à Stiles.

Ainsi, il resta interdit de longues secondes, avant de soupirer.

- Qui d'autre est au courant ? Finit-il par demander, l'air soudainement las, désabusé.

Epuisé. Physiquement et psychologiquement épuisé.

- Personne, répondit sérieusement Derek. Jackson n'a informé que moi.

Il était étrange de faire face à un Hale aussi... Posé malgré son inconfort et son malaise évidents qui trahissaient là une déstabilisation certaine. Noah le connaissait dur, froid, insensible. De toute évidence, il portait suffisamment d'affection à Stiles pour être touché par ce qu'on lui avait fait.

Et le shérif, dans son désespoir, devait avouer qu'il n'était pas contre un allié supplémentaire. A vrai dire, il ne savait pas si son « camp » devait compter un nombre précis de personnes... Mais il supposait que le maximum serait le mieux. Et même si son métier l'avait déjà confronté à des situations de ce genre, il ne s'était jamais directement trouvé à l'intérieur de l'une d'elles. Autant dire que, pour l'instant, son expérience de policier ne lui servirait pas à grand-chose tant ses émotions le dominaient... C'était particulièrement vrai concernant les plus brutes d'entre elles. Ce qui les empêchait de régner complètement ? Ce pseudo self-control qu'il faisait tout pour entretenir et maintenir en place. Si Noah abandonnait le combat, c'en serait fini de sa carrière, peut-être de sa vie également – car Scott ne se laisserait certainement jamais faire et l'étriperait avant qu'il n'ait le temps d'essayer quoi que ce soit. Stiles se retrouverait, dans tous les cas, seul. Or, Noah savait, justement de par son métier, qu'il n'y avait pas plus important qu'un parent ou une présence proche, pour soutenir une victime... Et le shérif n'avait pas l'intention de déroger à son rôle de père. Il avait peut-être été régulièrement absent... Mais n'avait jamais manqué d'amour pour son fils.

- Entre, finit-il par lâcher à l'attention de Derek, sans se départir de sa mine renfermée.

Il se poussa pour le laisser passer, puis refermer la porte derrière lui – il la verrouilla. Si l'ancien alpha le notifia, il ne dit rien, n'émit pas la moindre remarque à ce sujet. L'odeur de Noah, si complexe tout en tant si nauséabonde... Ne manquait pas de le saisir à la gorge, laquelle se serrait malgré lui. Tout solide qu'il fut, impossible d'être totalement indifférent face à cette froide détresse... Et c'était d'autant plus vrai que la nouvelle, il ne l'avait pas encore réellement digérée de son côté.

Noah l'emmena dans la cuisine et la première chose qu'il fit fut de sortir un verre, un seul, et de se servir une rasade de whisky. Il ne proposa rien à son visiteur.

- Que ce soit bien clair Derek, je ne te fais pas confiance, lui dit-il de but en blanc. Je ne te connais pas assez pour te juger correctement et... Quand je sais ce dont a été capable Scott, je ne sais plus vraiment à qui je peux me fier.

Il marqua une très légère pause.

- Je ne fais pas complètement confiance à Isaac ou Jackson non plus... Mais j'ai tendance à vouloir les croire parce qu'ils ne sont pas vraiment amis avec mon fils. Le protéger ne leur apportera rien, en soi. M'alerter sur ce qu'ils ont découvert non plus, et pourtant ils l'ont fait. Alors j'ai envie de me dire qu'ils sont sincères dans leur action.

Le shérif but une gorgée de whisky. De l'alcool dès le petit matin sans rien avoir avalé depuis des heures lui fit tout drôle, mais il n'en montra rien.

- Tout comme j'aimerais me dire que c'est ton cas aussi, conclut-il en jetant un regard des plus froids à Derek.

Et je ne peux pas cracher sur l'appui d'un loup supplémentaire, entendit Derek entre chacun de ses mots. D'ailleurs, il comprenait parfaitement sa méfiance, d'autant plus que celui qui avait trahi sa confiance n'était pas n'importe qui. Noah avait toujours considéré Scott comme un second fils... Autant dire que les choses avaient bien changé.

Le revirement, net, faisait mal.

Mais Derek comprenait.

- Je prends le risque de vous faire confiance.

Je n'ai pas le choix.

- Mais au moindre doute, au moindre écart, je n'hésiterai pas à tirer une balle entre les deux yeux à celui qui osera profiter de la faiblesse de mon fils, siffla le shérif, la mâchoire serrée.

Sans cesser de fixer Derek, Noah Stilinski posa sa main sur le holster accroché à sa ceinture. Désormais, son arme de service ne le quitterait plus d'une semelle. Pour ce qui était des balles, il ne manquerait pas de se fournir au plus vite auprès de Chris Argent.

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