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Julie marchait. Quelqu’un l’obligeait à avancer plutôt. On la tirait par les bras vers l’avant et la force de traction était plus grande que la vitesse à laquelle l’adolescente titubait.

Il faisait si sombre autour d’elle… Quelques indicateurs lui permettaient d’avoir une idée par quel endroit elle passait en ce moment même. Le crissement des branches et des feuilles, le silence presque absolu, l’odeur d’humidité, tout cela se trouvait dans une forêt. Julie en avait pleinement conscience et ne pouvait absolument rien y faire. 

Comme dans un rêve lucide, elle avait connaissance de ce qu'il se passait autour d’elle mais ne pouvait ni se défendre ni attaquer. Tout ce qui lui restait était des frissons de froid et de peur la parcourant. Son cerveau n’arrivait plus à suivre. Les mots : “Aucun contrôle de la situation” était la seule information présente dans celui-ci sur le moment.

Ça la terrifiait. 

Ils continuaient de l'entraîner à leur suite contre son gré et finirent par la lâcher. Elle chuta. Profondément dans la noirceur, elle tomba. Avant cela, elle eut le temps d’apercevoir la silhouette sombre d’une bâtisse.

Dans une grande inspiration, comme si elle venait de parvenir à la surface de l’océan dans lequel elle s’était noyée, Julie se réveilla brusquement de son cauchemar. Tout venait de se terminer en si peu de temps. Elle avait l'impression d'avoir dormi à peine quinze minutes mais les rayons doux du soleil printanier perçaient déjà à travers les volets. La jeune fille se leva et fit entrer la lumière dans la pièce. La vue depuis sa fenêtre avait le don d’être charmante. Le soleil venait tout juste de dépasser l’horizon, par-dessus la mer. Elle aurait fort apprécié d’aller courir sur cette surface plane et infinie. Son réveil sonna sa mélodie monotone et lui rappela qu’il fallait encore affronter une journée de cours avant de pouvoir espérer rejoindre son lit. Julie se dirigea vers son armoire, se fit violence pour garder les yeux ouverts en choisissant ses habits et s'habilla. Une fois dans la salle de bain, elle attacha ses cheveux en un chignon qui ne se voulait pas négligé, mais trop de petits cheveux s'en échappaient. Elle tenta de coincer une épingle à cheveux sur la majorité des mèches rebelles.

– Ahhhhh ! Mais tu le fais exprès ? 

– Plutôt oui ! Quelle idée de se coiffer dans le noir, dit-il en allumant la lumière aveuglante.

Le garçon avait pénétré d'un pas feutré dans la salle de bain et Julie n'avait vu qu'au dernier moment sa tête au-dessus de son épaule dans le reflet du miroir. Julie dû comme toujours relever le menton en espérant qu'il croise son regard noir plein de reproches. Il n'en tient pas compte quand il ajouta :

– C'est quand tu veux que tu sors. Au fait… (elle claqua la porte pour couvrir le son de la voix d'Ulysse). Tu aurais dû voir ta tête, c'était épique !

Ulysse, avec les épis matinaux de ses cheveux, dont les racines étaient châtains et les pointes blondes,  avait pris sa sœur par surprise. Comme si son cauchemar n'avait pas déjà fait sa dose de terreur pour la journée. La petite sœur n'avait même pas connaissance de sa créativité horrifique et cela faisait longtemps qu'elle n'avait fait de mauvais rêve. Julie avait mal à la tête depuis qu'elle s'était levée. Sa chute d'hier avait donc laissé quelques traces de son passage.

Elle s'affala sur la première chaise à sa portée une fois à table. 

– Bonjour ! Ça ne va pas. 

La voix de Myla avait légèrement perdu son intonation positive.

– Juste un peu mal à la tête, rassura Julie.

– T'as-t-on donné de la glace après ta chute d'hier ?

Julie fit un signe de dénégation. À part le verre d'eau reçu au visage, elle n'avait pas en mémoire que l'infirmière lui ait prodigué un quelconque soin. Mais elle ne se souvenait pas avoir mentionné qu'elle avait chuté. 

Normale Où les histoires vivent. Découvrez maintenant