Il avait cette allure qu'affectionnent les aventuriers de cinéma, le sourire carnassier, la moue désabusée. En le regardant approcher, Jimin sut tout de suite qu'il allait le détester. Il se trompait. D'abord parce que Jeon Jungkook, avec ses rêves...
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Jimin battit des paupières, abasourdi. Sa bouche s'ouvrit et se ferma sans proférer une parole.
_ Je ne peux pas ! ajouta-t-il d'un ton définitif. Descendez encore un peu la rivière, vous finirez par rencontrer quelqu'un.
Une bouffée de rage l'envahit, une colère froide qui mit des éclairs dans ses yeux.
_ Vous le laisseriez mourir ? souffla-t-il, ayant peur de ne pouvoir contrôler sa rage s'il haussait le ton.
_ Il ne mourra pas ! assura-t-il. Vous êtes médecin, mais vos calculs sont des calculs de jeune homme civilisé. Dans la selva, l'instinct de survie est bien plus fort qu'à Séoul !
Il n'en croyait pas ses oreilles.
_ A Séoul ou en Amazonie, lança-t-il d'une voix cinglante, un homme malade reste un homme malade ! Et ici, la chaleur et l'humidité auront bien vite raison de son instinct de survie.
Le regard ténébreux de Jeon Jungkook perdit une once de sa sécheresse.
_ Nous mettrions cinq jours, dit-il au bout d'un moment. J'en mettrais autant pour revenir.
Il secoua la tête.
_ Je ne peux pas laisser ma barge sans surveillance, à la merci des pillards, pendant une si longue durée. Parce qu'ensuite, il serait question de ma survie à moi, dans ce pays !
Sa voix avait une intonation de profonde lassitude.
_ Des pillards ? répéta Jimin. Quels pillards ?
Jungkook lui jeta un regard indéfinissable et ne répondit pas.
_ Je vous en prie, gémit-il tout bas. Francisco est votre ami...
Il sourit avec dérision.
_ Je ne crois pas, rétorqua-t-il, avoir jamais eu un ami sur cette terre. Et c'est mieux comme ça.
Le poids d'une immense fatigue s'abattit sur les épaules du jeune médecin.
_ Très bien, dit-il dans un souffle, découragé. Nous irons sans vous.
Il enjamba la coupée et descendit l'échelle. Sans un mot, Capitán l'aida à sauter dans la pirogue et reprit la barre. Il n'avait pu suivre leur échange mais, au regard de Jimin, il avait compris.
La pirogue s'écarta vite du caboteur, comme avec répulsion, et reprit la direction du courant.
_ Cet homme... dit soudain Jimin, la voix frémissante, cet homme n'a rien d'humain !
Le métis lui tendit une cigarette dont il s'empara sans s'en rendre compte, en tremblant de fureur. Il rempocha le paquet, ses lèvres émirent un petit claquement pensif et dubitatif.
_ Peut-être, dit-il très lentement, peut-être qu'un jour il a été trop humain. La vie vous change.
_ Il n'a aucune excuse ! s'emporta-t-il. On ne laisse pas quelqu'un mourir à cause de malheureuses pépites d'or !
