Il avait cette allure qu'affectionnent les aventuriers de cinéma, le sourire carnassier, la moue désabusée. En le regardant approcher, Jimin sut tout de suite qu'il allait le détester. Il se trompait. D'abord parce que Jeon Jungkook, avec ses rêves...
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Jimin observait les mains du vieux chamane, assis à même le sol devant lui. Sèches, tordues comme des lianes, elles étaient malgré tout, encore toutes puissantes. Ces mains-là avaient écrasé des serpents, étranglé des ocelots, ou plongé à vif dans des fourmilières grouillantes.
Il les vit se faufiler à une vitesse de reptile dans le panier en feuilles de palmier et en rejaillir une seconde plus tard, agitant le biro traditionnel, ballon en bois creux qui gardait prisonniers les esprits mauvais.
Jimin trouvait à ce biro une vague allure de suppositoire. Déformation professionnelle, sans doute... Tout en conservant le visage le plus sérieux du monde, il tira de la glacière portable une dose de vaccin anticholérique.
Le vieux chamane émit un bref chant sorcier, guttural, terriblement dramatique, puis il oscilla avec lenteur et l'assemblée tout entière — les villageois et les deux médecins — poussa un soupir de soulagement. Les dieux donnaient leur accord !
Jimin extirpa alors avec dextérité une seringue d'une enveloppe stérile, y appliqua la dosette de vaccin. Avec un sourire doux et rassurant qui transformait ses yeux en deux croissants de lune, il passa une compresse d'alcool sur l'épaule de l'enfant nu qui se tenait debout devant lui.
Il piqua vite et bien. Le gamin eut à peine le temps d'ébaucher une grimace qu'il avait déjà retiré l'aiguille.
Et d'un. Après lui avoir tapoté la joue et passé une main douce dans ses cheveux, il passa au suivant.
C'était un jeune homme blond, de taille moyenne, à l'allure androgyne, dont l'ossature délicate tendait sur les joues une peau fine, presque transparente, où les seules notes de couleurs étaient le bleuté fragile d'une veine, quelques rousseurs sur les pommettes et, surtout, la brillance chocolatée de ses yeux, aux cils si fournis qu'ils paraissaient maquillés. Mais par les quarante-deux degrés de la selva amazonienne et ses quatre-vingt-dix-huit pour cent d'humidité ambiante, personne n'eût songé à se farder ou se faire beau. Et le docteur Park Jimin moins que quiconque. Non pas qu'il en eut besoin.
Selon un rituel bien réglé, il attendit à nouveau l'accord du chamane pour la piqûre suivante. Ou plutôt celui des chawara, des hekura, des Machin et des Choses, autrement dit tous ces esprits plus ou moins malveillants qui s'exprimaient par le truchement du vieux sorcier et de son drôle de suppositoire en bois.
Cela rallongeait considérablement les séances de vaccination, mais l'idée d'associer leur « magie » médicale à celle, ancestrale, des chamanes, était une manière diplomatique de gagner la confiance des autochtones et de ne pas perturber les habitudes de communautés qui vivaient encore, en ce début de vingtième-et-unième siècle, de chasse et de cueillette. Ici, exhiber le fanion de l'Unicef ou un diplôme de pédiatrie eût été à peu près aussi utile que chausser des escarpins au Pôle Nord.
Le Pôle Nord... Jimin en rêvait presque ! Depuis le jour où il avait débarqué, trois semaines plus tôt, de l'avion aéropostal Caracas-Puerto Ayacucho pour poser le pied sur le territoire de Las Amazonas. Depuis le moment où il avait eu l'impression de plonger dans un chaudron en ébullition...
