Les jours en cellule se succédaient dans une lente agonie, chaque instant chargé d'une lourdeur presque palpable. La cellule de Jeanne était un espace étroit et humide, où l'air sentait le renfermé et la moisissure. Les murs étaient épais, faits de pierres grises et froides, suintant d'humidité, comme si la prison elle-même transpirait la désolation. Une petite fenêtre grillagée, haute dans le mur, laissait à peine filtrer la lumière du jour, projetant des ombres tordues sur le sol de terre battue.
Jeanne passait ses journées à écouter le silence, ponctué par les bruits secs et réguliers des bottes des soldats allemands qui résonnaient dans le couloir. Ce son, répétitif et implacable, rythmait son existence morne, renforçant le sentiment d'enfermement et de désespoir. Chaque pas, chaque cliquetis de clé dans une serrure, faisait naître en elle une vague d'angoisse. Elle imaginait sans cesse ce qui pourrait lui arriver, se demandant si l'un de ces soldats ne viendrait pas la chercher, l'entraînant vers un sort pire encore que celui de l'enfermement.
Les soldats qui la surveillaient étaient durs, leurs visages marqués par la fatigue et la brutalité de la guerre. Ils parlaient une langue qu'elle ne comprenait pas, des mots gutturaux et étranges qui ajoutaient à son isolement. Mais ce n'était pas seulement leur langage qui la terrifiait, c'était leurs regards. Des regards lourds, affamés, glissants sur elle comme des prédateurs sur une proie. Ils la voyaient non pas comme une prisonnière, mais comme une chose, une femme seule et vulnérable dans un endroit où la loi et l'ordre avaient été depuis longtemps remplacés par la force brute.
Jeanne sentait la menace constante, cette tension dans l'air qui ne la quittait jamais, même dans les moments les plus calmes. Elle savait que ces hommes attendaient un moment de faiblesse, une faille dans son armure de résilience. Mais malgré la peur qui la rongeait, elle s'efforçait de ne jamais leur montrer ses craintes. Elle gardait la tête haute, le regard fixe, refusant de céder à leur intimidation.
Elle passait ses journées à replonger dans ses souvenirs, cherchant désespérément à échapper à la réalité de sa situation. Les images de ceux qu'elle aimait, des moments de bonheur et de paix, étaient tout ce qui lui restait pour se raccrocher à une forme d'espoir. Mais au fur et à mesure que les jours s'étiraient, ces souvenirs devenaient flous, se mêlant à la douleur et à la fatigue.
L'incertitude sur ce qui l'attendait était une torture en elle-même. Elle ignorait ce que les Allemands avaient prévu pour elle, si elle serait exécutée, envoyée dans un camp, ou pire encore. L'attente devenait une souffrance insupportable, chaque seconde s'étirant en une éternité de doutes et de peurs.
Jeanne se battait pour ne pas sombrer dans le désespoir, pour garder cette flamme de résistance qui l'avait soutenue jusque-là. Mais l'obscurité qui l'entourait, cette solitude oppressante, commençait à entamer sa force. Les jours se confondaient, chaque heure un pas de plus vers l'inconnu, vers un avenir qui semblait de plus en plus sombre.
Mais alors que tout semblait perdu, qu'elle commençait à se résigner à un sort funeste, un miracle se produisit. Un matin, alors que la porte de sa cellule s'ouvrait pour laisser passer sa maigre pitance, elle entendit des bruits venant de la cellule voisine. Curieuse, elle s'approcha de la petite ouverture dans la porte, tendant l'oreille. À travers les murs épais et le grincement des portes de métal, elle perçut des voix. Une voix en particulier lui semblait étrangement familière.
Son cœur fit un bond lorsqu'elle reconnut la voix de Pierre. C'était impossible ! Elle l'avait cru mort depuis si longtemps. « Pierre ! » murmura-t-elle avec espoir à travers la paroi, l'émotion lui coupant presque la voix. « Est-ce vraiment toi ? »
Un silence tendu s'installa, puis une réponse étouffée lui parvint, pleine d'une émotion tout aussi forte. « Jeanne ? Est-ce vraiment toi ? »
Leurs retrouvailles, bien que séparés par des murs épais et froids, apportèrent un réconfort inattendu à Jeanne. La douleur et l'angoisse qui avaient marqué ses jours en cellule semblèrent s'alléger, ne serait-ce qu'un peu, en entendant la voix familière de Pierre. Il était là, tout près, derrière ces murs qui, jusqu'à présent, l'avaient isolée du monde.

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Sous le Manteau de la Guerre
RomanceEn 1943, un village breton est enveloppé par la guerre et la désolation. Les jours se fondent dans un gris morne, et les cœurs sont lourds de douleur. La jeunesse du village est déchirée par l'appel au front, et les familles se battent pour survivre...