La Vérité Fragmentée

V. La Déchirure Silencieuse

Les jours qui suivent marquent un tournant dans l’existence d’Onyx. Ce qu’il essayait tant bien que mal de contenir commence à échapper à son contrôle. Les Vérités se manifestent avec plus de force, s'immisçant dans les moments les plus banals de son quotidien. Ce n'est plus seulement une lutte intérieure, mais une véritable guerre des volontés qui se joue en lui.

Ce matin-là, alors qu’il se rend à l’université pour ses cours, Onyx sent un poids inhabituel sur ses épaules. Il tente de se concentrer sur les cours, mais sa vision se trouble parfois, comme si sa conscience oscillait entre réalité et illusion. Les murmures dans sa tête deviennent des dialogues distincts, des arguments entre des voix qui ne cessent de clamer leur droit à s’exprimer.

Pendant un moment, la Vérité de la Justice prend l’ascendant. En classe, Onyx se montre particulièrement critique envers une discussion éthique sur le libre arbitre. Son ton est rigide, presque tranchant. Ses camarades le regardent avec étonnement ; ce n’est pas le Onyx habituel, calme et réfléchi. Mais en lui, une force impérieuse pousse à rétablir ce qui est "juste", à trancher dans le vif sans compromis.

— Le monde n’est pas aussi simple ! Vous parlez de liberté, mais sans justice, tout cela n’a aucun sens, lance-t-il avec véhémence, surprenant même son professeur.

Ce n’est pas une simple divergence d’opinion. Onyx sent qu’il perd pied, que cette Vérité devient plus qu’une voix ; elle prend le contrôle, insidieusement.

Après les cours, Onyx rejoint Zelda, qui l’attend à la sortie. La chaleur de sa présence apaise quelque peu les tensions qui bouillonnent en lui. Pourtant, même dans ce moment de répit, une autre Vérité tente de s’immiscer.

— Tu n’as besoin de personne. La liberté, c’est d’être détaché de ces liens qui te retiennent. Tu ne devrais pas être ici avec elle, murmure la Vérité de la Liberté.

Onyx serre les dents, luttant pour rester présent. Zelda remarque son air absent et lui prend doucement la main.

— Onyx, tu es là avec moi ? Qu’est-ce qui se passe ? Tu sembles… ailleurs, dit-elle avec une inquiétude sincère.

Il la regarde et force un sourire, mais au fond de lui, les choses se déchaînent. Ce sourire cache un champ de bataille où chaque Vérité cherche à s’imposer.

Le soir, en rentrant chez lui, Onyx croise Ashley, sa meilleure amie. Ils échangent quelques mots, mais même ce court moment devient un défi. Chaque interaction sociale semble désormais être un piège où les Vérités guettent, prêtes à bondir dès qu'il baisse sa garde.

Une fois chez lui, alors qu’il s’isole dans sa chambre, les barrières qu’il avait érigées commencent à céder. Le visage crispé, il sent une nouvelle onde de chaos monter en lui. Les Vérités commencent à s’organiser, chacune se préparant à prendre le contrôle total pour un moment prolongé.

— Ça suffit ! Il est temps que je montre qui commande ici, clame la Vérité de la Manipulation avec une détermination glaciale.

Elle prend le dessus sans crier gare. Le changement est subtil mais palpable. Son regard se fait plus perçant, son attitude plus calculatrice. Il se lève, l’air froid, et commence à réfléchir à comment utiliser ceux qui l’entourent à son avantage. Ses pensées sont claires, stratégiques, dénuées d’émotions.

La Vérité de la Manipulation prend désormais le contrôle, imposant sa vision calculatrice du monde. Onyx n’est plus simplement un jeune homme traversant des crises intérieures ; il devient, l’espace de quelques heures, un stratège redoutable, maîtrisant l’art de manipuler les interactions sociales pour obtenir ce qu'il veut.

Il se met à envoyer des messages à Prisca, Rhode et Keren. Son ton est mielleux, charmeur, et ses paroles semblent parfaitement adaptées à chacune d’elles. Il sait exactement quoi dire pour obtenir leur attention, jouer sur leurs émotions, et tirer parti de leurs faiblesses.

Avec Prisca, il adopte un air concerné, lui parlant de ses ambitions communes et de leurs discussions passées sur la résilience et la confiance mutuelle. Elle, toujours sensible aux paroles d’encouragement, se sent proche de lui à nouveau. Rhode, quant à elle, reçoit des mots réconfortants, presque tendres. Onyx joue sur leur complicité, leur passé partagé, sachant pertinemment que Rhode a toujours eu un faible pour son côté attentionné.

— C’est fou comme tout le monde autour de moi semble si prévisible, murmure Onyx, un sourire en coin.

Ce soir-là, il prend aussi contact avec Ephraïm, son grand frère. Mais cette fois, la manipulation n'est pas douce. Elle est plus subtile et insidieuse. Il sème de petites graines de doute dans l’esprit d’Ephraïm sur certains de leurs amis communs, évoquant des tensions imaginaires, des critiques qui n’existent pas. Ephraïm, bien que proche d’Onyx, se retrouve à questionner la loyauté de certains, sans comprendre d’où vient cette méfiance soudaine.

Cependant, au fond de son esprit, Onyx Originel lutte encore. Il sent que quelque chose ne tourne pas rond, mais il n’arrive pas à reprendre le contrôle. Il est spectateur de ses propres actions, piégé dans un corps qu'il ne maîtrise plus.

Les heures passent, et la Vérité de la Manipulation commence à s’épuiser. La tension retombe, laissant place à une autre Vérité : celle de l’Obsession. Cette personnalité est bien plus sombre, envahie par un besoin de contrôle absolu. Son esprit devient une machine tournée vers la perfection, cherchant à tout optimiser, à tout analyser jusqu’à l'extrême.

Dans ce nouvel état, Onyx passe des heures à rédiger des notes méticuleuses sur ses plans futurs, son emploi du temps, ses interactions sociales. Chaque détail doit être parfait, chaque relation optimisée pour servir un objectif supérieur. Il devient presque inhumain dans cette quête de perfection, perdant toute spontanéité. Même Zelda, lorsqu’elle l’appelle pour discuter, est accueillie avec une froideur calculée. Les réponses d'Onyx sont sèches, presque robotiques, orientées uniquement vers l'efficacité.

Au petit matin, après avoir épuisé toute son énergie mentale, la Vérité de l’Obsession se retire. Mais cette accalmie est de courte durée. Une noirceur bien plus profonde monte à la surface : la Vérité de la Destruction.

Elle s’éveille avec une violence contenue, prête à exploser. L’angoisse d’Onyx Originel devient une peur pure et incontrôlable. Il sait que cette personnalité est capable du pire, qu'elle pourrait nuire à ceux qu'il aime, ou même à lui-même. Le chaos commence à envahir ses pensées, des images sombres se bousculent dans son esprit. Le sourire malveillant qui s’étire sur ses lèvres n’est plus le sien.

Onyx sent sa main trembler. Dans un acte désespéré, il prend son téléphone et envoie un message à Keren :

— J'ai besoin d'aide. Vite.

Mais avant même que le message ne parte, la Vérité de la Destruction écrase toute tentative de résistance. Le regard d'Onyx se durcit. Ses pensées se concentrent uniquement sur la douleur, sur l’idée de tout détruire pour échapper à cette spirale infernale.

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