La Vérité Fragmentée

XVII. Dans les Ombres du Silence

Le crépuscule venait de tomber, drapant la ville d'une obscurité inquiétante. Les rares lampadaires qui éclairaient la rue émettaient une lumière jaunâtre, créant des ombres difformes sur le bitume craquelé. Onyx avançait, seul, chaque pas résonnant comme un coup de marteau sur une enclume. L'air était chargé d'électricité, lourd de menace. Quelque chose allait se produire ce soir, quelque chose d'inévitable, de mortel.

Il le sentait dans ses entrailles, ce frisson glacé qui ne le quittait plus depuis cette conversation avec les Vérités. La Vérité de la Mort avait planté une graine de terreur dans son esprit, et maintenant cette graine germait, ses racines s'enfonçant dans les recoins les plus sombres de sa conscience.

Les rues, autrefois familières, lui semblaient soudain hostiles, chaque recoin pouvant dissimuler une menace tapie dans l'ombre. Onyx accéléra le pas, ses yeux balayant frénétiquement les environs. Une silhouette apparut soudain devant lui, se détachant à peine de la noirceur environnante. Il s'arrêta net, son cœur s'emballant.

« Qui est là ? » Sa voix se perdit dans l'air glacial, un écho faible et tremblant. Mais la silhouette resta immobile, impassible, presque irréelle.

Une goutte de sueur froide glissa le long de sa tempe. Onyx serra les poings, tentant de maîtriser la peur qui lui tordait les entrailles. Il fit un pas en avant, mais la silhouette recula, se fondant dans les ténèbres comme une ombre fuyante. Il cligna des yeux, et elle disparut, ne laissant derrière elle qu'un silence oppressant.

La rue semblait se refermer sur lui, les murs se rapprochant, l'air devenant suffocant. Onyx lutta pour reprendre son souffle, ses pensées s'emballant. Était-ce la Vérité de la Mort qui jouait avec lui ? Ou était-ce son propre esprit qui lui tendait des pièges ?

Il tourna brusquement à l'angle d'une rue, espérant échapper à cette sensation d'étouffement. Mais ce qu'il vit alors lui glaça le sang. Une autre silhouette, plus grande cette fois, se tenait au bout de l'allée, son visage masqué par l'ombre. Il y avait quelque chose d'étrangement familier dans sa posture, une menace sourde qui émanait de cette présence.

Onyx recula instinctivement, ses doigts tremblants cherchant un point d'appui sur le mur à côté de lui. « Qui êtes-vous ? » demanda-t-il, sa voix à peine plus qu'un murmure.

La silhouette avança lentement, ses pas résonnant comme des coups de tambour dans le silence de la nuit. Un sourire carnassier se dessina sur son visage, à peine visible dans la pénombre. « Tu le sais déjà, Onyx. »

Il sentit son estomac se nouer alors que la réalité s'imposait à lui. Cette voix, ce ton... C'était lui. C'était sa propre voix, teintée d'une malice qu'il n'avait jamais soupçonnée. Un rire glacial s'éleva dans l'air, et la silhouette avança encore, révélant peu à peu un visage identique au sien.

« Non… » Onyx recula davantage, son cœur battant à tout rompre. « Ce n'est pas possible… »

« Mais si, Onyx. » répondit l'ombre, ses yeux brillants d'une lueur perverse. « Je suis toi. Je suis ta Vérité la plus sombre, celle que tu refuses de voir. La Vérité de la Destruction. »

Le souffle d'Onyx se fit court, ses pensées se bousculant dans un chaos total. C'était là, devant lui, la face cachée de son être. La personnification de ses peurs, de sa colère, de sa haine. Tout ce qu'il avait tenté de réprimer, de refouler, se matérialisait maintenant sous ses yeux, menaçant de l'engloutir.

Il tenta de détourner le regard, de refuser cette réalité. Mais l'ombre était plus rapide. Elle s'élança vers lui, ses mains s'abattant sur lui avec une force dévastatrice. Onyx vacilla, le souffle coupé par l'impact. Il se sentit basculer en arrière, son corps frappant durement le sol.

Le monde autour de lui sembla vaciller, les ombres dansant autour de lui dans une danse macabre. Le sol sous lui se transforma en un abîme sans fond, et il se sentit sombrer dans une chute interminable, les ténèbres l'avalant tout entier.

Dans cette chute, les voix des Vérités résonnaient encore dans son esprit, des murmures lointains, des échos de ce qu'il était, de ce qu'il avait été. Mais une seule voix se détachait des autres, celle de la Vérité de la Mort, murmurant doucement à son oreille : « Embrasse-moi, Onyx. Il n'y a plus rien à craindre maintenant. »

Les ténèbres se refermèrent sur lui, l'étreignant de leur froideur. Et alors que la conscience d'Onyx s'effaçait lentement, une seule pensée traversa son esprit : Est-ce ainsi que tout se termine ?

La chute sembla durer une éternité. Chaque seconde étirée, chaque battement de son cœur résonnant dans un vide infini. Mais alors qu'il s'enfonçait dans cet abîme, une lueur d'espoir, infime mais persistante, commença à briller dans son esprit.

Ce n'était pas la fin. Ça ne pouvait pas être la fin.

D'un dernier élan de volonté, Onyx rassembla ses forces, luttant contre l'étreinte glaciale des ténèbres. Non, pensa-t-il avec une détermination farouche. Je refuse de céder. Pas encore.

Et dans un ultime effort, il parvint à se redresser, ses poings serrés, ses yeux brûlant d'une rage nouvelle. Je ne suis pas fini. Le monde autour de lui se solidifia, les ombres se dissipant légèrement alors qu'il retrouvait pied.

La silhouette devant lui, celle de sa propre destruction, le fixait avec un sourire narquois, mais elle n'était plus aussi imposante. « Tu crois pouvoir m'échapper, Onyx ? » murmura-t-elle.

« Je ne vais pas t'échapper, » répondit Onyx, sa voix dure et tranchante. « Je vais te vaincre. »

La Vérité de la Destruction recula d'un pas, sa confiance ébranlée. Pour la première fois, Onyx voyait une lueur d'incertitude dans les yeux de cette ombre.

L'air autour d'eux semblait crépiter d'une énergie nouvelle, une tension palpable, prête à exploser. Onyx savait qu'il était à un tournant crucial, qu'il devait affronter cette partie de lui-même pour pouvoir avancer, pour survivre.

Le silence était total, l'obscurité pesante, mais Onyx sentait un nouveau souffle de vie l'envahir. Il n'était plus seul. Les Vérités de la Justice, de la Liberté, de l'Amour, et même celle de l'Obsession se tenaient derrière lui, invisibles mais présentes, unies dans un seul but.

« C'est fini, » murmura-t-il, plus pour lui-même que pour l'ombre.

L'abîme autour de lui commença à se résorber, les ténèbres perdant leur emprise sur lui. Il pouvait sentir la chaleur de la lumière qui revenait, une chaleur qu'il n'avait pas ressentie depuis longtemps. Et alors que l'ombre de la Destruction se dissipait lentement, vaincue par la force de sa volonté, Onyx sentit une paix intérieure l'envahir, une paix qu'il n'avait jamais connue auparavant.

Ce n'était pas la fin.

C'était un nouveau commencement.

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