Il pleut

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Il règne dans la salle un silence, lancé par nos sens, car par essence le travail est fait pour travailler. Le bureau, que d'aucuns appellent bourreau, le boulot, que tous appellent boulet, a réuni les collègues et désormais, comme une salle de concert, les dernières paroles perlent et il est temps de s'y mettre. Alors les quatre pc s'ouvrent à l'unisson, et l'on souffre en silence loin du son. Toutes les bouches du bureau se sont bouchées en même temps. 

Et les doigts sur les claviers, tapant fort comme des doigts soignés de dactylo, car pas question de parler de stylo, se mettent à pleuvoir. On l'entend alors cette pluie de lettres et de touches, synchronisée, comme si l'orage et les temps grondeurs se déclenchaient chaque jour à neuf heures. Et, lorsque la trotteuse impitoyable dépasse enfin la limite, libérant de la faim les hoplites des travaux, les Stakhanov en blanc col, la pluie cesse et l'on n'entend plus que les pc se fermer, et bientôt plus rien. 

Car l'éclaircie, temporaire comme en Normandie, a paru et a chassé la pluie perlée de ces doigts. Et les glissades des bruits de touches reprendront cycliquement, un temps sage, peu clément, régulier, que rien ne semble pouvoir perturber.  

Le parfum de l'eauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant