Chapitre 3

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Marine ne dormit pas cette nuit-là. Installée dans son petit salon, elle étudiait les documents éparpillés sur la table, les yeux brûlants de fatigue mais l'esprit trop agité pour se reposer. Les informations glanées par Samir à propos du mystérieux "Spectre" résonnaient encore dans son esprit. Cet homme, invisible aux yeux du public mais omniprésent dans les cercles criminels de Marseille, semblait être une clé essentielle dans son enquête. Mais comment approcher un fantôme, quelqu'un dont l’existence même semblait floue ?

Au petit matin, elle décida de commencer par une visite au port, là où tout semblait converger. Le Vieux-Port de Marseille, avec ses allées de pêcheurs et ses cargos chargés de conteneurs, était le cœur battant de la ville. Mais sous sa surface vibrante, Marine savait que des transactions plus sombres se déroulaient. C’était là que les "Ombres" exerçaient leur emprise, dans les recoins discrets que peu de gens osaient fréquenter.

Elle enfila des vêtements simples, un jean et une veste en cuir, qui lui permettraient de se fondre dans la foule. Avant de partir, elle prit soin de dissimuler le dossier dans un coffre-fort chez elle. Elle ne pouvait pas se permettre de tout perdre si les choses tournaient mal.

En arrivant au port, Marine se glissa parmi les dockers et les travailleurs, observant discrètement les allées et venues. Les visages étaient durs, marqués par des années de labeur et peut-être de secrets bien gardés. Elle s’approcha d’un groupe d’hommes en train de décharger un cargo, essayant de capter des bribes de conversation, mais il n’y avait rien de plus que des échanges banals sur la météo et la lourdeur des caisses.

Après plusieurs heures de repérage infructueux, elle se dirigea vers un café au bord du port, un endroit que Samir lui avait recommandé. C’était un lieu de rendez-vous discret pour ceux qui vivaient dans les marges de la légalité. Là, on pouvait trouver des informations en échange de quelques billets glissés discrètement.

Marine s’installa au comptoir, commandant un café noir. Elle observa les clients du coin de l’œil, essayant de repérer quelqu’un qui pourrait correspondre au profil du "Spectre". Mais tous semblaient ordinaires, plongés dans leurs journaux ou leurs discussions.

Soudain, un homme dans la quarantaine, avec une barbe de trois jours et un regard acéré, s’approcha du comptoir. Il se tenait près d’elle, mais Marine sentit immédiatement qu’il n’était pas là par hasard. Il la fixa un instant avant de lui adresser la parole, d'une voix basse et rugueuse.

— Tu cherches quelque chose ? Ou plutôt… quelqu’un ?

Marine garda son calme, mais son cœur s'accéléra. Elle hocha la tête sans répondre, scrutant l’homme pour comprendre ses intentions.

— Je connais le "Spectre", dit-il en s'asseyant à côté d'elle, fixant le miroir derrière le comptoir pour éviter de la regarder directement. Tout le monde le connaît ici. Mais le rencontrer… c’est une autre histoire. Pourquoi tu le cherches ?

Elle prit une gorgée de café pour se donner contenance avant de répondre, pesant ses mots.

— On m’a dit qu’il pouvait m’aider à comprendre certaines choses qui se passent dans cette ville. J’ai besoin de réponses.

L’homme esquissa un sourire ironique, comme s’il avait entendu cette justification des centaines de fois.

— Le "Spectre" ne donne pas de réponses, il envoie des messages. Parfois, ces messages sont des avertissements. Parfois… ils sont définitifs. Tu es prête à prendre ce risque ?

Marine hocha lentement la tête. Elle savait que c’était dangereux, mais elle n’avait plus le choix.

— Comment puis-je le trouver ? demanda-t-elle.

L’homme plongea la main dans sa poche et en sortit un petit morceau de papier qu’il posa discrètement sur le comptoir. Marine le prit sans un mot, y jetant un coup d’œil rapide. Il ne contenait qu’un seul mot, suivi d’une heure : "L’Anse", 23h.

Elle connaissait cet endroit, une petite crique isolée à l’ouest du port, loin des regards curieux. Marine paya sa note et quitta le café, le papier glissé dans sa poche. Le rendez-vous était fixé, et elle n’avait que quelques heures pour se préparer.

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La nuit était tombée depuis longtemps lorsqu’elle arriva à l’Anse. Le silence pesait lourdement, seulement troublé par le bruit des vagues s’écrasant contre les rochers. Elle s’avança prudemment sur le sentier escarpé, le cœur battant. L’obscurité semblait engloutir tout autour d’elle, renforçant son sentiment de vulnérabilité.

À l’heure convenue, elle aperçut une silhouette se dessiner à quelques mètres, près de l’eau. L’homme qui se tenait là était grand, vêtu d’un manteau sombre. La lueur de la lune révélait une cicatrice sur la nuque. C’était lui. Le "Spectre".

Marine s’approcha, mais resta à une distance prudente.

— Tu voulais me voir, dit-il d’une voix calme, presque détachée. Te voilà.

Marine prit une profonde inspiration. Elle sentait que chaque mot comptait, que chaque geste pouvait sceller son destin.

— Je sais qui tu es, répondit-elle. Ou du moins, je sais ce que tu représentes. Je ne suis pas ici pour te dénoncer ou te menacer. Je veux comprendre ce qui se passe à Marseille, ce que sont les "Ombres du Port".

Le "Spectre" resta silencieux pendant un long moment, comme s’il évaluait ses intentions. Puis il fit un pas en avant, son visage toujours partiellement caché par l’ombre.

— Les "Ombres" ne sont pas un simple réseau. C’est une idée, une force qui s’est nourrie de la corruption et de la peur de cette ville. Ceux qui en font partie ne sont pas des criminels isolés. Ce sont les gardiens d’un équilibre que personne ne veut voir bouleversé. Es-tu prête à affronter ça, Marine ?

Elle sentit un frisson glacé la parcourir. Le "Spectre" en savait plus qu’elle ne l’imaginait. Mais au lieu de la terrifier, cela renforça sa détermination.

— Je suis prête, répondit-elle fermement. Mais je ne peux pas faire ça seule.

Il la fixa un moment, puis se détourna pour regarder la mer.

— Alors écoute bien, dit-il. Je vais te montrer ce que personne n’a jamais osé révéler. Mais sache une chose : une fois que tu seras engagée, il n’y aura plus de retour en arrière.

Le "Spectre" lui donna rendez-vous le lendemain à un autre endroit, loin des regards indiscrets. Là, il lui révélerait des secrets qui pourraient changer à jamais sa perception de Marseille… et de ceux qui la gouvernent.

Marine quitta l’Anse, le cœur lourd mais résolue. Le véritable danger ne faisait que commencer. Mais avec lui, venait aussi la promesse de la vérité.

Les ombres du portOù les histoires vivent. Découvrez maintenant