Chapitre 5

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De retour chez elle, Marine s’assit devant son bureau, le dossier du "Spectre" posé devant elle comme une bombe à retardement. La nuit était bien avancée, mais elle ne se sentait pas fatiguée. Les événements de la soirée l’avaient propulsée dans un état d’alerte maximal. Elle savait qu’à partir de maintenant, chaque décision serait cruciale.

Elle sortit un carnet et commença à écrire méthodiquement ce qu’elle avait appris. Les noms, les transactions, les dates. Elle traça des lignes entre les différentes informations, cherchant des connexions, essayant de reconstituer le puzzle complexe que les "Ombres du Port" avaient patiemment construit. Plus elle avançait, plus l’ampleur du complot la sidérait. C’était un réseau tentaculaire, enraciné dans les fondements mêmes de la ville, invisible mais omniprésent.

Ses pensées furent interrompues par une notification sur son téléphone. C’était un message de Samir : "Tout va bien ? Tu es rentrée ?" Marine répondit rapidement, rassurant son ami. Elle savait qu’elle avait besoin de Samir, de ses connaissances et de son réseau, pour avancer dans cette enquête. Mais elle hésitait à lui révéler la totalité des informations qu’elle détenait maintenant. Trop de gens avaient déjà payé de leur vie pour avoir été trop curieux.

Alors qu’elle relisait ses notes, une idée germa dans son esprit. Pour démanteler les "Ombres", elle devait frapper là où elles s’y attendaient le moins : dans l’espace public. Mais pas n’importe comment. Il lui fallait créer un choc, un effet de surprise qui les obligerait à commettre une erreur, à se dévoiler.

Elle se remémora les visages sur les photos, ces figures de la vie marseillaise respectées, presque vénérées. Qu’arriverait-il si ces noms étaient associés, même indirectement, à un scandale ? Et si elle laissait fuiter juste assez d’informations pour semer le doute, pour les forcer à sortir de l’ombre ?

Marine se leva et se dirigea vers sa bibliothèque, où elle conservait une vieille caméra cachée qu’elle avait utilisée lors d’enquêtes précédentes. C’était un modèle discret, facile à dissimuler, parfait pour ce qu’elle avait en tête. Elle savait qu’elle devait agir rapidement, avant que les "Ombres" ne se rendent compte de sa nouvelle alliance.

Le lendemain matin, Marine se rendit à une conférence de presse organisée par un des hommes mentionnés dans le dossier, un politicien local de renom. Elle avait appris qu’il allait présenter un projet de loi sur la sécurité urbaine, une initiative qui renforçait encore son image publique de défenseur des citoyens. Mais ce que Marine savait, c’est que cet homme avait des liens étroits avec plusieurs transactions douteuses impliquant des entreprises qui travaillaient pour les "Ombres".

La salle de conférence était bondée, remplie de journalistes et de caméras. Marine se fondit dans la foule, s’assurant que sa caméra cachée était bien en place. Elle se plaça stratégiquement près de l’estrade, où elle pouvait observer et enregistrer sans attirer l’attention.

Le politicien entra, entouré de son équipe, souriant et saluant les journalistes comme s’ils étaient de vieux amis. Il monta sur scène et commença son discours, vantant les mérites de son nouveau projet. Marine écoutait d’une oreille, l’esprit concentré sur ce qui allait suivre. À la fin de la conférence, elle savait que la plupart des journalistes se précipiteraient pour poser des questions. Mais elle avait une autre stratégie.

Quand la séance de questions débuta, elle se glissa habilement parmi ses collègues et se plaça en première ligne. Lorsque ce fut son tour, elle leva la main, son cœur battant la chamade.

— Monsieur le Député, dit-elle d’une voix claire, vous avez mentionné la nécessité de renforcer la sécurité à Marseille. Cependant, pourriez-vous nous éclairer sur les contrats récemment passés avec des entreprises locales pour la construction de ces nouvelles infrastructures ? Certaines d’entre elles ont été liées à des activités criminelles par le passé. Comment justifiez-vous cette association ?

Le politicien la fixa, surpris. Le silence tomba dans la salle. Il se reprit rapidement, mais Marine vit l’ombre d’une inquiétude passer dans son regard.

— Toutes les entreprises avec lesquelles nous travaillons ont été soigneusement sélectionnées, répondit-il, essayant de garder son calme. Nous nous assurons que nos partenaires respectent la loi et les normes éthiques les plus strictes.

— Pourtant, insista Marine, plusieurs rapports indiquent que l'une de ces entreprises, Marsec, a des liens financiers avec des organisations criminelles, notamment dans le cadre de blanchiment d’argent. Comment pouvez-vous garantir que cet argent n’est pas utilisé pour des activités illicites ?

La question jeta un froid dans la salle. Les autres journalistes se tournèrent vers Marine, sentant que quelque chose d’inhabituel se passait. Le politicien, lui, perdit brièvement son assurance. Son visage devint livide, mais il se força à sourire.

— Ces accusations sont infondées, répondit-il. Marsec est une entreprise de confiance. Je ne peux pas commenter des rumeurs sans fondement.

Marine ne répondit pas, se contentant de le fixer. Elle savait qu’elle avait planté une graine de doute, non seulement dans l’esprit du politicien, mais aussi dans celui des journalistes présents. À partir de maintenant, chaque action de cet homme serait scrutée avec suspicion.

En quittant la conférence, elle sentit une bouffée d’adrénaline. C’était risqué, mais elle avait fait le premier pas. Elle savait que les "Ombres" réagiraient. La question était : comment ? Marine rentra chez elle, le cœur battant encore, prête à analyser les retombées de son intervention. Elle savait qu’elle venait de se déclarer ouvertement comme une menace, et que désormais, elle serait surveillée. Mais elle n’avait plus peur. Désormais, le jeu était lancé, et elle comptait bien y prendre toute sa place.

Ce soir-là, alors qu’elle relisait ses notes, elle reçut un appel anonyme. La voix à l’autre bout du fil était rauque, comme modifiée par un dispositif.

— Tu joues à un jeu dangereux, Marine. Mais sache que nous aussi. Continue comme ça, et tu finiras comme les autres.

Le ton était menaçant, mais Marine resta silencieuse. Finalement, l’appel se coupa, laissant le bourdonnement de la ligne vide résonner dans l’appartement. Elle posa son téléphone, le cœur glacé mais déterminé. Elle savait que les "Ombres" ne la laisseraient pas faire sans réagir. Mais elle ne s'arrêterait pas. Elle était trop loin pour reculer maintenant.

L’heure de la riposte approchait, et elle devait être prête à tout.

Les ombres du portOù les histoires vivent. Découvrez maintenant