Chapitre 10

0 0 0
                                    

Samir avait à peine réussi à se concentrer aujourd'hui , hanté par une inquiétude sourde. Le travail l'avait retenu bien plus longtemps que prévu, mais ce n'était pas ce qui le préoccupait le plus. C'était le silence de Marine. Depuis son dernier message, elle ne lui avait plus donné de nouvelles, et quelque chose en lui ne pouvait s'empêcher de penser au pire.

Assis à son bureau, il relisait une fois de plus le message qu'elle lui avait envoyé : **"Je suis désolée, mais je dois continuer. Je fais attention, ne t’inquiète pas."** Mais comment ne pas s’inquiéter ? Marine était la personne la plus déterminée, mais aussi la plus imprudente qu'il ait jamais connue.

Il tapa nerveusement un SMS, puis le supprima. Il aurait voulu l’appeler, la supplier de rester chez elle, en sécurité, mais il savait qu'elle ne l'écouterait pas. Au fond, c’était ce qu'il aimait en elle : cette force, cette obstination. Pourtant, à cet instant, il aurait donné n’importe quoi pour qu’elle fasse demi-tour.

Soudain, son téléphone vibra sur la table, rompant le silence pesant de la pièce. C’était un appel d’un numéro inconnu. Son cœur fit un bond, et une vague de soulagement l’envahit à l’idée que ce puisse être Marine.

— Allô ? répondit-il précipitamment.

— Monsieur Samir Azim ? La voix au bout du fil était inconnue, et immédiatement, Samir sentit un frisson glacé le parcourir.

— Oui, c’est moi. Qui est-ce ?

— Ici l’hôpital central. Nous avons une jeune femme nommée Marine Leblanc. Elle a été trouvée inconsciente dans la rue il y a quelques heures. Vous êtes répertorié comme son contact d’urgence.

Le monde sembla s’effondrer autour de lui. Il attrapa ses clés et sortit en trombe de son bureau, le téléphone toujours collé à l’oreille.

— Est-ce qu’elle va bien ? Est-elle réveillée ?

— Elle est stable, mais toujours inconsciente. Les médecins font tout leur possible. Vous devriez venir le plus rapidement possible.

Samir ne répondit pas, son esprit déjà focalisé sur le trajet qui le séparait de l'hôpital. Il descendit les escaliers de son immeuble en courant, le cœur battant à tout rompre, priant intérieurement pour que Marine s'en sorte.

La route jusqu'à l'hôpital lui parut interminable. Chaque feu rouge, chaque voiture trop lente devant lui étaient autant d'obstacles insupportables. Lorsqu’il arriva enfin, il se précipita vers l’accueil, essoufflé, le visage marqué par la panique.

— Marine Leblanc, je suis là pour Marine Leblanc, répéta-t-il plusieurs fois avant qu'une infirmière ne l’oriente vers la salle d'attente.

Les minutes passèrent comme des heures, chaque seconde alourdissant l'atmosphère de l’hôpital. Enfin, un médecin entra dans la pièce, l’air grave mais calme.

— Monsieur Azim ?

Samir se leva d’un bond.

— Oui, comment va-t-elle ? Qu’est-ce qui s’est passé ?

— Elle a été retrouvée dans un état de semi-conscience, apparemment droguée. Nous avons pu stabiliser ses signes vitaux, mais elle est encore inconsciente. Nous attendons qu’elle se réveille pour évaluer d’éventuels dommages neurologiques.

Samir hocha la tête, luttant contre l’envie de hurler, de frapper quelque chose. C’était de sa faute. Il aurait dû être là, il aurait dû la protéger. Mais au lieu de ça, elle était seule, abandonnée à ce qu'ils avaient tous deux redouté.

— Est-ce que je peux la voir ? demanda-t-il d'une voix tremblante.

— Oui, mais soyez bref. Elle a besoin de repos.

Samir suivit le médecin dans un long couloir jusqu'à une chambre isolée. Quand il entra, la vue de Marine allongée sur le lit d'hôpital, pâle et fragile, faillit le faire vaciller. Elle semblait si petite, si vulnérable, une image qui contrastait violemment avec la femme forte et déterminée qu'il connaissait.

Il s’approcha doucement, prenant sa main dans la sienne. Sa peau était froide, mais la sensation de son contact lui rappela qu’elle était encore là, qu’elle se battait toujours. Samir serra sa main, tentant de lui transmettre toute la force qu’il pouvait.

— Marine, murmura-t-il, les larmes aux yeux. Je suis là. Je suis désolé… Je n’aurais jamais dû te laisser seule.

Il resta ainsi un moment, priant pour qu'elle ouvre les yeux, qu’elle lui dise quelque chose, n’importe quoi. Mais elle restait silencieuse, perdue quelque part entre la conscience et l’oubli. Samir sentit sa colère monter. Colère contre lui-même, contre ceux qui l’avaient blessée, contre cet univers cruel qui semblait décidé à les détruire.

Il savait que Marine ne se serait pas laissée faire sans se battre, et cette pensée lui apporta un maigre réconfort. Elle avait toujours été une guerrière, et il se promit de ne plus jamais la laisser affronter tout cela seule.

Soudain, son téléphone vibra dans sa poche. Il hésita un instant, puis lâcha doucement la main de Marine pour vérifier. Un message apparut sur l'écran, d'un numéro qu'il ne reconnaissait pas :

**"Vous croyez vraiment pouvoir jouer à ce jeu sans en payer le prix ? Marine n'est qu'un début. Si vous voulez la revoir en vie, arrêtez maintenant. Vous savez ce que vous devez faire."**

Samir sentit un frisson de rage glacée le traverser. Il aurait voulu hurler, briser le téléphone contre le mur, mais il savait que cela ne changerait rien. Il rangea le téléphone, essayant de garder son calme. Ils savaient. Ils savaient qui il était, et ce qu’il faisait. Ils avaient ciblé Marine pour l’atteindre lui, et cela ne faisait que renforcer sa détermination.

Il devait rester lucide, pour Marine, pour eux deux. Il embrassa doucement son front, puis quitta la chambre à contrecœur. Dehors, il composa un numéro qu’il espérait ne jamais avoir à appeler.

— C’est moi. Il faut que je te parle, dit-il d’une voix grave lorsqu’on décrocha à l’autre bout du fil.

— Samir ? Qu’est-ce qui se passe ?

— Ils ont attaqué Marine. Je veux savoir tout ce que vous avez sur les "Ombres". Maintenant.

Il raccrocha avant d’obtenir une réponse. Les "Ombres" venaient de franchir une ligne, et il ne leur laisserait plus aucun répit. Marine s’était battue pour la vérité, et maintenant, c’était à son tour de riposter.

Les ombres du portOù les histoires vivent. Découvrez maintenant