5 - La star d'Ausone

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C'est pas vrai, qu'est-ce qu'il fait là ? Ce n'était pas son côté des gradins. Tristana jeta de brefs coups d'œil autour d'elle, et fut soulagée de ne pas voir d'autres uniformes à proximité. Elle se retourna vers celui qui l'avait interrompue, et reprit sèchement son criterium.

— N'importe quoi, se braqua-t-elle.

Elle ne se trompait jamais. Ou en tout cas, pas sur des mathématiques de niveau secondaire. Mal à l'aise, elle baissa néanmoins les yeux sur son cahier pour vérifier. Et c'est là qu'elle la vit. L'erreur. L'absurde erreur, causée par un oubli du signe moins. Sa fonction dérivée était complètement fichue en l'air. À côté d'elle, le garçon pouffa.

— Si c'est ça le niveau de Clovis, je comprends mieux votre taux de réussite au bac !

Sa remarque était ridicule, car les taux de réussite au lycée Clovis étaient très corrects. Tristana le savait, parce qu'en apprenant son déménagement et son changement d'école, elle avait évidemment analysé toutes les statistiques. Et son nouveau lycée s'en tirait dignement avec un honorable 96 %. Bien sûr, ça restait derrière le 100 % d'Ausone, mais qu'est-ce qu'elle y pouvait ? Tristana était sûre qu'ils viraient les élèves trop mauvais. C'était un lycée privé, ils pouvaient se le permettre.

— Arrête, si t'as relevé l'erreur, tu sais très bien que c'est un oubli, souffla la jeune fille.

— C'est ça, trouve-toi des excuses, railla-t-il.

Son ton supérieur l'insupportait au plus haut point. Depuis leur altercation plus tôt dans l'après-midi, Tristana avait repris du poil de la bête. Les nerfs à vif à cause de la multiplication d'imprévus, elle lâcha froidement :

— Et toi, trouve-toi une vie. Tu vois pas que j'essaie de travailler ?

Le garçon éclata de rire. La nouvelle insolence de la lycéenne semblait beaucoup l'amuser. Tristana leva les yeux au ciel et décida de l'ignorer. Sale con. Elle baissa le regard sur son manuel et se remit au travail.

— César ! appela une fille depuis le pied des gradins.

Instinctivement, Tristana se crispa. Pendant un bref instant, elle eut envie de rire du prénom de son interlocuteur – même son nom transpire l'ego ! – mais elle se rappela la voix qu'elle venait d'entendre et déchanta aussitôt. Elle glissa un coup d'œil en bas et se figea. C'était le bouledogue. Avec une armée d'uniformes. Je suis maudite. Toute audace évanouie, elle se recroquevilla, priant intérieurement que la brune ne l'ait pas repérée. À côté d'elle, le lycéen fit un signe de la main, et le groupe commença à monter. Tristana s'affola.

— Pourquoi tu leur dis de venir ?! C'est bon, je retire ce que j'ai dit ! Laisse-moi tranquille, maintenant, supplia-t-elle.

— Attends, parce que elle, elle te fait peur ? s'étonna César. Je vais me vexer.

Le groupe n'était plus qu'à quelques pas. Tristana croisa le regard du bouledogue, qui haussa les sourcils avant d'esquisser un sourire mauvais. Ça y est, je suis fichue. Elle se laissa retomber contre le dossier en plastique de son siège, prête à encaisser.

— Tiens tiens, ce serait pas notre petit hibou ?

Jia s'approcha et la dévisagea de haut en bas. Elle eut une grimace de dégoût en s'arrêtant sur son visage. Piquée, Tristana se demanda si elle surjouait.

— Vous trouvez pas qu'elle ressemble vraiment à un hibou, avec ses gros verres ? chuchota-t-elle à ses amies, juste assez fort pour que Tristana l'entende aussi. Surtout plongée dans ses livres. Un vrai cliché !

Les adolescentes gloussèrent, et la brune balança ses cheveux en arrière. On se serait cru dans une pub pour shampoing.

— Crois-moi, je te rendais service, en enlevant tes lunettes..., glissa-t-elle à l'intention de Tristana, d'un air faussement affecté.

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