3 - Ravagés

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Après un blanc, Tristana comprit ce qu'attendait Sophie et finit par lui serrer la main en retour, par politesse. J'espère que les tarés d'Ausone ne lui tomberont pas dessus. La lycéenne sourit, toute contente.

— Félicitations pour la chasse au trésor ! poursuivit la brune avec enthousiasme. Elle était dure, tu sais. Je dis ça, mais je n'ai même pas essayé. En fait, je ne sais pas jouer aux échecs, mais on m'a dit que les exercices étaient difficiles. C'est d'ailleurs pour ça que je n'ai pas voulu m'y risquer. Youri – c'est mon petit copain – a sélectionné...

Tristana était perdue. Une chasse au trésor ? Elle ne parlait quand même pas du roi qu'elle avait trouvé dans son casier, si ? Tu parles d'une récompense... Elle baissa les yeux vers sa paume, dans laquelle reposait tristement la pièce éraflée. La mousse censée recouvrir la base était si usée qu'elle avait laissé place au bois à certains endroits.

Sophie suivit son regard et eut un petit rire gêné.

— Oh, ce n'est que symbolique, tu sais. C'était histoire d'avoir un petit quelque chose. Bien sûr, tu peux la garder, hein ! s'empressa-t-elle d'ajouter. C'est aussi pour ça qu'on en a choisi une dans cet état. Tu dois te douter qu'avec les moyens du club, on ne pouvait pas vraiment se permettre d'acheter un nouveau set exprès, ha ha... Mais attention, ça ne doit pas te décourager d'y entrer ! On est quand même très forts. L'année dernière, au Five Stars Tournament...

C'est pas vrai, y'a pas un bouton off ? Elle ne se rend pas compte qu'elle est en plein monologue ? Sophie l'exaspérait. Tristana avait l'impression que la moindre réaction de sa part pouvait entraîner une minute supplémentaire de discours. Elle n'avait jamais rencontré quelqu'un d'aussi bavard, surtout une inconnue. Et avec sa sœur qui l'attendait toujours, elle ne pouvait pas vraiment se permettre de rester là à discuter pendant des heures.

— Écoute... Sophie, commença-t-elle.

La lycéenne se tut. Bizarrement fascinée par le retour du silence, Tristana hésita à le faire durer un peu plus longtemps, mais elle se ravisa. Ce serait trop méchant. Elle reprit :

— Je crois qu'il y a un malentendu. Je n'ai participé à aucune chasse au trésor.

— Hein ?

Cette fois, Sophie semblait vraiment confuse. Elle dévisageait Tristana de haut en bas, comme si elle cherchait une raison à son mensonge. Soudain, son sourire s'affaissa.

— C'est moi ? soupira-t-elle, attristée. Je suis trop bavarde, hein ? On me le dit souvent. Mais essaie de ne pas m'en tenir rigueur. Le club est très différent. Ils sont beaucoup plus calmes, là-bas. Enfin, si on veut. Martial par exemple...

Tristana dut tirer une grimace, puisque Sophie s'interrompit aussitôt, l'air sincèrement désolée. Elle ressemblait presque à une enfant, avec sa petite taille, ses vêtements colorés et ses traits expressifs.

— Pardon, s'excusa-t-elle. Je me tais.

Elle plissa les lèvres, pour bien montrer qu'elles étaient fermées. Tristana ne savait plus où se mettre. Elle avait la désagréable impression d'être la méchante adulte qui gronde un gamin parce qu'il chahute un peu trop. Mal à l'aise, elle se racla la gorge.

— Je suis nouvelle, finit-elle par expliquer. Je suis arrivée au lycée à midi, et on vient de m'attribuer ce casier. J'ai trouvé cette pièce par hasard.

Le visage de Sophie se décomposa. S'ensuivit un interrogatoire qui sembla l'enfoncer un peu plus à chaque réponse de Tristana qui, de son côté, s'impatientait de plus en plus.

— Tu n'as vraiment pas fait la chasse au trésor ?

— Non.

— Donc tu n'as jamais voulu entrer au club d'échecs ?

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