10 - Un dangereux secret

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Ausone ou Amélia ? Tiraillée, Tristana se mordit la lèvre.

— Je ne peux pas non plus construire ma vie en fonction d'elle... grommela-t-elle.

Elle essayait de se convaincre que ce n'était pas si grave, si elle trahissait la confiance d'Amélia. Qu'elle aurait sans doute rejoué aux échecs à un moment ou à un autre, et qu'il valait mieux que ça serve une bonne cause – son admission dans l'école de ses rêves. Que sa sœur comprendrait, et qu'elle ne lui en voudrait pas tant que ça... mais que, par sécurité, il valait peut-être mieux ne rien lui dire.

— Oui, je vais garder ça secret pour le moment...

Écœurée par sa propre lâcheté, elle reprit ses recherches sur son ordinateur, un goût amer dans la bouche.

***

Après une grande inspiration pour se donner une contenance, Tristana enfonça le bouton de la sonnette. Ses réflexions l'avaient toutes menée à une même conclusion : il lui fallait les conseils d'un professionnel. N'en connaissant aucun, elle avait décidé de se payer un cours pour débutants avec son argent de poche. De toute façon, je ne l'utilise jamais. Il faut bien qu'il serve à quelque chose ! Elle espérait surtout qu'il pourrait évaluer son niveau et lui recommander une méthode d'apprentissage adaptée.

Elle s'était volontairement déplacée jusqu'en périphérie de Bordeaux, pour éviter de croiser sa sœur ou des amis à elle. Son objectif : rester la plus discrète possible. Et pour l'instant, son plan se déroulait parfaitement.

La porte s'ouvrit. Dans l'embrasure se tenait un adolescent de son âge, figé, et le regard plein d'incompréhension. Lorsque Tristana le reconnut, sa mâchoire se décrocha. Par réflexe, elle lui tourna le dos sans dire un mot et vérifia les modalités du rendez-vous sur son téléphone. C'est pourtant la bonne adresse...

Derrière elle, César se racla la gorge.

— Le hibou ? Qu'est-ce que tu fais là ?

Mal à l'aise, Tristana se retourna lentement vers lui.

— Je... Euh... Je cherche l'école d'échecs, c'était écrit « 157 », se justifia-t-elle.

— C'est bien ici, répondit le lycéen d'un air méfiant.

— Ah... Ah bon ?

Un lourd silence s'installa, durant lequel César toisa la jeune fille avec suspicion. C'est elle qui se décida finalement à le rompre.

— Je... Tu me laisses passer ? demanda-t-elle en pointant le passage qu'il bloquait.

— Non.

— Hein ?

Tristana commençait à s'agacer. Comment ça, non ? Elle s'était inscrite à ce cours. Elle avait menti à sa sœur en prétendant aller à la bibliothèque. Elle venait de subir une heure de tram bondé pour venir jusqu'ici. Ce n'était certainement pas un petit prétentieux dans son genre qui allait l'empêcher de mener à bien ses projets. Elle dégaina son téléphone et lui flanqua son e-mail de confirmation sous le nez.

— Écoute, mon cours commence dans cinq minutes. Alors tu vas me laisser entrer.

Ton cours ? se moqua-t-il.

Ses yeux firent la navette entre l'écran et Tristana. Un sourire commença à se dessiner sur ses lèvres.

— C'est un cours pour les enfants.

Tristana fronça les sourcils et remit son portable dans sa poche.

— Hein ? Non, c'est un cours pour les débutants.

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