12 - Première leçon

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— Rah, non ! Tu vas trop vite, t'as même pas développé tes pièces ! fulminait César.

C'était très étrange d'entendre quelqu'un s'énerver en chuchotant. Ça avait même un côté comique, si bien que Tristana avait du mal à retenir son sourire. Sourire qui, bien sûr, accentuait davantage la colère de son tuteur.

— Ça me fait pas rire ! T'as aucune anticipation ! Aucun sens du jeu ! Franchement, je sais même pas pourquoi tu t'obstines à vouloir jouer aux échecs, cracha-t-il.

Piquée dans son ego, Tristana s'insurgea :

— Ça fait huit ans que j'ai pas joué, qu'est-ce que tu crois ?! Tu pourrais commencer par me montrer les bases, plutôt que de m'engueuler parce que je fais pas comme tu veux !

— Huit ans ?! s'étrangla César. Et tu veux participer au tournoi de cette année ?!

La lycéenne se renfrogna.

— Quoi ? Tu vas me dire que c'est impossible, toi aussi ?

César s'avachit en arrière contre son dossier. Il se massa les tempes et répondit en soufflant :

— Non... Non, c'est pas ça. Mais on ne peut pas continuer dans ces conditions, trancha-t-il.

Dans la foulée, il se leva. Tandis que Tristana s'apprêtait à le suivre, confuse, il lui fit signe de rester assise.

— Bouge pas, je reviens.

La lycéenne inquiète le regarda s'éloigner dans les rayons. Elle imaginait le pire. Est-ce qu'il allait abandonner les cours ? Est-ce qu'elle était vraiment incapable de réussir ? Tristana voyait déjà ses rêves partir en fumée. Peut-être qu'elle avait eu tort de s'imaginer pouvoir participer à une compétition aussi prestigieuse en étant si peu préparée. Peut-être qu'elle s'était laissé aveugler par son orgueil.

L'échiquier pliable qui trônait encore sur la table demeurait son seul espoir : si César ne l'avait pas emporté, c'était qu'il allait revenir... Essayant péniblement d'afficher un visage serein, elle se renfonça dans son siège et prit son mal en patience.

Enfin, après de longues minutes qui lui semblèrent durer des heures, son tuteur réapparut, une pile de livres dans les bras.

— On est dans une bibliothèque, autant en profiter, fit-il en s'asseyant.

Curieuse, Tristana entreprit de déchiffrer les titres à l'envers, mais échoua.

— Qu'est-ce que c'est ? s'enquit-elle.

— À manger pour ton cerveau.

Il tira un bouquin de la pile et le leva à hauteur des yeux de Tristana. Sur la couverture rouge figurait en élégantes lettres noires « Le Bréviaire des Échecs ».

— Tu commences par celui-là. Il faut absolument que tu l'aies lu avant notre prochain cours. Grand classique. T'occupe pas des exercices pour le moment, t'auras pas le temps. Là, je veux que tu comprennes l'essence de ce qu'il dit. OK ?

La lycéenne hocha la tête, déterminée. Elle était prête à tout pour remporter ce tournoi, et s'il fallait qu'elle passe une nuit blanche à étudier ce manuel, elle le ferait. Attentive, elle écouta docilement les instructions de son tuteur.

***

Le bip de la machine retentit une sixième fois et la bibliothécaire tendit son dernier livre à Tristana, qui le rangea avec les autres dans son sac. Le lycéen d'Ausone l'attendait sur le côté en feuilletant un quotidien. Lorsqu'elle remercia l'employée, César releva les yeux vers elle en posant son journal.

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