Ha-joon
Mes mains tremblent alors que j'accroche mon tablier sur le porte-manteau qui m'est réservé. Je me déteste de réagir de la sorte. Après tout, je vais juste voir d'anciens amis... Ma journée a été catastrophique, car je n'arrêtais pas de m'imaginer nos retrouvailles. Mille et un scénarios défilaient, et défilent encore, dans ma tête. Certains où je suis accueilli à bras ouverts et d'autres où les Rythm Guys me toisent, un dégoût qu'ils peinent à cacher imprimé sur leurs visages. Après tout, je suis parti sans leur dire au revoir. Seul Ji-ho m'a vu avant que je ne quitte Séoul suite à la rupture de mon contrat.
— Qu'est-ce qu'il t'arrive, Ha-joon ?
Je pivote sur mes talons et mon regard tombe dans celui de Hyun-ah. Absorbé par mes pensées, je ne l'ai pas entendue entrer dans la pièce. L'inquiétude qui brille dans ses yeux m'arrache un sourire.
— Tu as fait plein d'erreurs que tu n'as jamais faites jusqu'à présent... Ou du moins, que je ne t'ai jamais vu faire.
— Ce n'est rien de grave. Je retrouve des personnes que je n'ai pas croisées depuis pas mal de temps. Et j'avoue que j'appréhende un peu.
— Si tu veux en parler, je suis là.
Ce disant, elle s'approche de moi jusqu'à ce que nos torses se touchent presque. Je fronce les sourcils face à sa soudaine sollicitude qui la pousse à empiéter sur mon espace vital. Je la dévisage et me fige en percevant l'étincelle qui illumine ses yeux. Non. Elle ne doit pas.
— Ça ira, merci, la rassuré-je comme je le peux en reculant d'un pas. Il faut que je parte ou je vais être en retard. Bon courage pour la fin de journée.
Sans un regard dans sa direction, j'attrape ma veste, mon sac et plante ma casquette sur ma tête, puis quitte l'arrière-boutique. Je salue Dong et Eun-woo après avoir pris la boisson que ce dernier m'a préparée. Je pousse la porte du café et me précipite chez moi. Il est déjà vingt heures et j'ai trente minutes de route pour aller sur le lieu de rendez-vous indiqué par Ji-ho dans son message. Il ne m'a d'ailleurs pas recontacté de la journée et j'espère que leur charge de travail n'est pas colossale... ou du moins pas au point qu'ils soient obligés de prolonger leur session jusque dans la nuit.
J'ai à peine franchi la porte que mes chats me bondissent dessus. Leurs voix résonnent dans le silence de mon appartement et je ris aux éclats quand Starlight me lèche la joue. Je les embrasse chacun leur tour en commençant par ma princesse et en terminant par mon aîné. Ils retournent ensuite à leurs occupations et je me dépêche de me doucher. Une fois sorti de la salle de bain, une serviette nouée autour des hanches, je me dirige vers mon dressing et observe mes vêtements. J'attrape un jean noir, un débardeur et une paire de chaussettes de la même couleur. J'enlève les anneaux à mon triple hélix pour mettre de simples clous dorés, histoire de ne pas trop choquer mes anciens amis. J'ignore quelle est leur opinion sur ce genre de modification corporelle. Bien que minime, elle reste encore peu démocratisée chez certaines personnes...
Sunlight entre dans ma chambre au moment où je brosse ma chevelure. Je ris lorsqu'il bondit sur ma coiffeuse et réclame son moment de toilettage. Je m'empare de son peigne et m'occupe rapidement de lui avant de retourner à mon activité première. Mes cheveux châtains frôlent mes épaules et je décide de les attacher en un demi-chignon. Je dégage des petits cheveux sur le côté de mon visage pour l'encadrer. Une fois satisfait du résultat, j'attrape le dernier gloss qu'il me reste de ma période d'idole et en étale sur mes lèvres.
— Comment tu me trouves ? demandé-je à Sunlight à travers le miroir.
Il ferme à demi les paupières et frotte sa tête contre la main appuyée sur le meuble. Je ris et lui caresse le sommet du crâne.
— Bon, si j'ai ta validation, je ne change rien.
Je me retiens au dernier moment de l'embrasser, ne désirant pas maculer son pelage roux de maquillage, et me contente de coller mon front au sien. Mon grand ronronne et saute sur mon épaule, comme lorsqu'il était chaton.
— OK, Sunlight ! En avant !
Je ris de ma bêtise et me dirige vers la cuisine. Mes deux autres animaux nous rejoignent tandis que je prépare leurs gamelles. Une fois disposées sur leurs tapis, j'attrape mon blouson en cuir, fourre mon téléphone et mes papiers dans les poches et me mets en route. Il me reste quarante minutes pour atteindre le lieu de rendez-vous. C'est amplement suffisant selon mon GPS qui m'indique toujours une demi-heure de trajet. J'enfourche ma moto, lance l'itinéraire et, quand toutes mes protections en place, je sors du parking souterrain.
Je quitte rapidement la ville et les innombrables obstacles qui m'empêchent de rouler vite. Le bandeau d'asphalte défile sous mes roues tandis que le vent claque contre mes vêtements. Un sourire béat étire mes lèvres alors que la sensation de liberté propre à la moto remplace tous mes soucis, mes angoisses et mes peurs. Mon cœur ne bat que pour ce moment et l'oxygène dans mes veines pousse mes muscles à savourer l'instant présent. J'ai l'impression d'être un oiseau. Le frêle moineau, effrayé à l'idée de rencontrer son opposant, a laissé la place à l'aigle qui parcourt son territoire à la recherche de son prochain repas.
Mon GPS m'annonce l'arrivée imminente à ma destination et toute ma joie reflue au profit de mon anxiété. Je déglutis et m'oblige à ralentir pour emprunter le chemin qui mène au Domaine des Hortensias. Une fois devant la grille, je pose pied à terre, ôte l'un de mes gants et envoie un message à Ji-ho pour le prévenir que je suis là. Le portail s'ouvre dès que je reçois sa réponse et je reprends ma route au pas. Ma moto rompt le silence reposant de la maison d'hôtes malgré la présence de la chicane.
J'arrive devant une villa gigantesque dans un style traditionnel. L'ossature en bois massif supporte un toit en pans coupés en tuiles d'argile. Les murs en dur sont faits en torchis et enduits d'un revêtement blanc. Du hanji remplit les encadrements des fenêtres sur cour, octroyant une plus grande intimité aux personnes dans la pièce tout en leur permettant de profiter de la lumière naturelle qui filtre au travers. Ce hanok s'intègre parfaitement à l'ambiance qu'offre le Domaine des Hortensias. Son élégance sobre répond à la simplicité des feuillages verts, des arbustes multicolores ainsi qu'aux nombreux hortensias dont les fleurs varient du nacré au rose foncé en passant, à certains endroits, par un magnifique indigo.
Une silhouette se découpe sur le perron grâce aux lanternes en pierre. Je m'arrête sur une place de parking et la personne se précipite vers moi. Je n'arrive pas à déterminer son identité à cause de la semi-pénombre et recule, inquiet d'être reconnu.
— C'est moi !
Je me détends immédiatement quand la voix de Ji-ho me parvient. Je ne décoche pour autant aucun mot et lui signifie d'un hochement de tête que j'ai compris.
— Suis-moi.
J'acquiesce et m'assure que ma moto est correctement garée avant de le talonner. Nous n'échangeons aucune parole tandis qu'il me guide à travers un réseau de chemin formé par des pas japonais. Il s'arrête devant un petit pavillon qui rappelle le hanok de tout à l'heure. Toujours sans un mot, il ouvre la porte, retire ses chaussures et s'engouffre dans le bâtiment. Je l'imite sans me poser de question et marche derrière lui. Je ne peux m'empêcher de fermer les paupières alors que je me rends compte que ma confiance en lui est encore intacte. Et qu'à l'instar de l'instant présent et de notre passé commun, je pourrais le suivre jusqu'au bout du monde.
— Bienvenue, me souffle-t-il lorsque nous arrivons dans une pièce que seules quelques bougies illuminent. Nous t'attendions...
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Romance« Il était mon premier amour et mon corps refusait de passer à autre chose tant que je n'avais rien tenté. Parce que c'est ça un premier amour : un amour si fort qu'il en devient irrationnel, égoïste et dévorant s'il ne voit pas le jour à un moment...