Chapitre 1.2

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Ha-joon


C'était un rythme qui me convenait à l'époque, surtout que Ji-ho avait le même que moi vu qu'il est le chorégraphe des Rythm Guys et que nous nous motivions l'un l'autre. Mais, avec le recul, je me rends compte à quel point je me ruinais la santé pour finalement ne recevoir que de la haine de la part de notre communauté... Comme je n'ai pas encore écouté le premier disque des Rythm Guys sans moi, j'ignore si leurs textes sont aussi profonds que ceux que j'écrivais.

— Qu'est-ce que tu chantes ? demandé-je à Hyun-ah qui murmure un air que je n'ai jamais entendu.

— Ça ? C'est la musique phare du nouvel album des Rythm Guys. Elle s'appelle Without you et je crois qu'elle s'adresse à Shinha, le membre qui a été forcé de quitter le groupe à cause de rumeurs de harcèlement. Tu connais ?

Je clos les paupières trois secondes et tente de rester impassible. Si je connais le groupe ? Totalement. Mieux que tout le monde. Si je connais la chanson ? Pas du tout.

— Non...

Je prie intérieurement pour que mon stress n'ait pas transparu dans ma voix. Si elle est une RyGie, je suis dans la mouise... Parce qu'elle ne tardera pas à me reconnaître et, sans doute, à en parler avec ses proches. Et je peux dire adieu à ma tranquillité dans ce café et cette ville paumée.

— Je les ai découverts il n'y a pas longtemps grâce à une amie qui est totalement fan de Doson. Elle m'a tout raconté sur eux, de la manière dont ils se sont formés, au départ de leur rappeur principal jusqu'à la sortie de leur dernier album et toutes les polémiques qui en ont découlées.

Elle continue son laïus que j'écoute à moitié alors que la salle se désemplit en même temps que le soleil se couche. Ji-ho est toujours assis au même endroit, le masque remonté sur sa bouche et un ordinateur devant lui. Sa présence ici me perturbe autant que les paroles de ma collègue qui ne s'arrête plus dans ses explications. J'ai envie de lui demander de se taire, non seulement parce que je sais déjà tout ce qu'elle me raconte, mais aussi parce qu'entendre tout cela me brise encore plus le cœur.

— Et du coup, la chanson Without you parle d'un ami accusé à tort jusqu'à ce qu'il soit forcé de s'en aller sans avoir la possibilité de se défendre. C'est a priori tous les membres qui l'ont écrite et composée ensemble. Ce qui est contraire à leurs habitudes depuis le départ de Shinha, car ils font désormais appel à un parolier et un compositeur externes au groupe.

— Je vois.

— Et ce texte rejoint leur style initial rock, légèrement pop. C'est pour ça qu'il a plus de succès que les autres qui restent dans les sentiers battus de l'industrie.

Je hoche la tête et Hyun-ah se tait enfin. J'inspire un grand coup, rassuré qu'elle ne me bassine plus avec toutes ces informations. J'avoue qu'en même temps, je lui suis reconnaissant de m'avoir donné autant de nouvelle sur mon groupe et que j'ai très envie de découvrir cette chanson une fois chez moi...

— Hyun-ah ! Eun-woo ! s'écrie Dong. Vous pouvez rentrer chez vous. Ha-joon et moi nous chargeons de la fermeture. Eun-woo, tu feras l'ouverture demain avec moi.

Les deux acquiescent et se retirent dans l'arrière-boutique afin de se changer et récupérer leurs affaires. Je profite du fait qu'ils traînent un peu pour leur préparer leurs repas et boissons dans des sacs en papier kraft.

— Oh ! Merci beaucoup, Ji-yoon ! s'exclame Hyun-ah en me plaquant une bise sur la joue quand je lui tends son paquet. T'es super gentil.

Je lui offre un rictus, crispé par la proximité qu'elle a instaurée entre nous, et la salue de la main alors qu'elle tourne les talons en compagnie de notre collègue. Quand la porte se referme dans leurs dos, je soupire de soulagement. Hyun-ah est une chic fille, mais qu'est-ce qu'elle peut être bruyante ! Mes oreilles bourdonnent à force d'avoir entendu sa voix.

— Ah ! La jeunesse...

Je reporte mon attention vers mon patron. Il est accoudé au comptoir, un sourire aux lèvres.

— Je ne sais pas comment elle fait pour avoir autant d'énergie après une journée à la fac, déclare-t-il.

— C'est clair... J'ai cru qu'elle ne cesserait jamais de bavarder.

— Ça n'a pas été trop... compliqué qu'elle te parle d'eux toute la fin d'après-midi ?

— Il fallait bien que ça arrive à un moment ou un autre, murmuré-je en haussant les épaules. Je préfère que ce soit elle, qui ne m'a pas reconnu, plutôt qu'un hater qui prend un malin plaisir à m'enfoncer encore plus.

Il acquiesce et pose une main sur ma nuque. Je lui souris pour le rassurer, mais aussi parce que je lui suis redevable de prendre autant soin de moi malgré mon passé et les rumeurs qui circulent toujours sur moi.

— Je vais aller faire les comptes dans l'arrière-boutique et mettre à jour notre inventaire. Tu peux te charger des derniers clients en salle ?

— Bien sûr. Je suis ton homme !

Il me remercie en riant, imprime un ticket qui regroupe toutes les ventes d'aujourd'hui avant de se retirer. Je m'accoude à la caisse et balaye le café du regard. Je soupire de soulagement quand je m'aperçois que la place qu'occupait Ji-ho pendant l'après-midi est vide. Et, en même temps, une pointe de déception serre mon cœur, comme si mon subconscient avait espéré que mon ancien ami me reconnaisse et vienne discuter avec moi...

Je secoue la tête pour chasser cette idée saugrenue et me détourne pour commencer à ranger les articles qui n'ont pas été vendus aujourd'hui. Alors que je m'apprêtais à mener le chariot en cuisine, des bruits de pas sur le carrelage du café m'interpellent et une voix que je distinguerai entre mille retentit tout proche :

— Hé bah dis donc ! Je ne pensais pas devoir attendre autant pour pouvoir te parler, Ha-joon.


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