Chapitre 7.1

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Ha-joon

La voiture s'arrête devant mon immeuble et je me dépêche d'enfiler mon casque. Ji-ho fait de même avec un masque chirurgical et son éternel bonnet noir. Nous nous extrayons de l'habitacle et descendons ma moto du coffre. Une fois à terre, j'en ferme la porte et mon ami s'approche de moi.

— Merci pour cette soirée, déclare-t-il quand il n'est plus qu'à un centimètre de moi. Je le dis en mon nom, mais aussi pour les autres. Tu nous manquais...

Sans me laisser le temps de lui répondre, il réduit la distance qui nous sépare et enroule ses bras autour de moi avant de coller sa tête contre mon torse. Surpris par ce soudain contact physique, je me fige et mes joues ainsi que mes oreilles me brûlent. Mon cœur, ce traître, s'emballe alors que l'odeur mentholée de Ji-ho titille mes narines malgré mon casque. Je croise les doigts de toutes mes forces pour qu'il ne l'entende pas. Il inspire à fond quand je lui rends son étreinte, sans doute soulagé que je ne le repousse pas, et je pose mon menton sur le haut de son crâne.

— C'est moi ou tu as perdu quelques centimètres ? le taquiné-je alors que ce moment hors du temps se prolonge et me coupe du monde.

Il pouffe, raffermit son emprise autour de mon torse et je manque de m'étouffer.

— Tu me manges peut-être la soupe sur la tête à présent, mais j'ai gagné en force.

Ce disant, il continue de contracter ses muscles au point que c'en devient douloureux. Je gesticule pour tenter d'échapper à son étreinte qui se resserre sur ma cage thoracique au fur et à mesure de mes respirations.

— Mea culpa, parvins-je à articuler alors que ses bras me rappellent la manière d'étouffer des pythons. Je ne pensais pas que ta taille était un sujet sensible.

Il me relâche et j'inspire autant que je le peux. Il s'éloigne de moi sans pour autant ôter ses mains bouillantes de mon corps qui glissent de mon dos jusqu'à se loger sur mes hanches étroites.

— Ah. Ah. Ah. Tu viens me dire ça à moi, le membre le plus petit du groupe...

— C'est pas la taille qui compte...

— Stop !

— ... mais le talent.

J'esquisse un sourire taquin et relève un sourcil amusé face à ses pommettes qui virent à l'écarlate et aux éclairs que me lance son regard assombri par la gêne.

— À quoi pensais-tu, mon cher Ji-ho ?

Il clôt les paupières, à la fois embarrassé et agacé par mon humour grivois. C'est vrai que je n'avais plus fait de remarques de la sorte depuis que nous sommes devenus des trainees... Soit une éternité. Après tout, nous étions toujours filmés et chacun de nos mots, même une simple boutade, menaçait de se retourner contre nous. Autant dire qu'il était hors de question de prendre le risque de formuler une telle blague.

— Je déteste quand tu fais ce genre de sous-entendu... parce que ça me fait encore plus prendre conscience que tu ne fais plus partie de l'industrie.

— Vois ça comme une sorte de délivrance, le rassuré-je en posant une main sur son épaule. Au moins, je n'ai plus à supporter la pression que Si-won et la direction me mettaient afin de boucler nos chansons en trois mois avec presque un an en avance par rapport à la date de sortie de notre album.

— Mais ce n'est plus pareil...

— Peut-être, l'interromps-je plus sèchement que prévu, mais c'est ainsi. Toi comme les autres vous devez vous y faire et ne plus penser à notre passé ensemble. Avancez, profitez de votre renommée et de tout ce qu'il vous arrive parce que vous le méritez.

Ji-ho baisse la tête, les yeux rouges. Ma tirade, que je voulais encourageante, l'a blessé et des larmes floutent ses iris céruléens. Je peste intérieurement et ne parviens pas à retenir le soupir d'exaspération face à mon comportement. Une première perle d'eau salée dévale sa joue creuse et je le prends à mon tour dans mes bras. Il ne se fait pas prier et me serre contre son cœur de toutes ses forces.

— Profitez de cette expérience, lui chuchoté-je en le berçant. C'est compris ?

Il hoche la tête sans un mot, blotti contre moi. Je devine à son silence qu'il refuse de m'en montrer plus de la douleur qui le tiraille.

— Je suis désolé d'avoir coupé les ponts avec vous aussi brusquement et de vous avoir fait autant de peine, mais c'était nécessaire pour mon bien-être. À présent que je vais mieux et que tu m'as retrouvé, j'essaierai d'être plus présent pour vous et d'être joignable quand vous en avez besoin.

Ses sanglots muets mouillent mes pectoraux à travers mon tee-shirt et je pose ma main sur sa nuque. Mes doigts dessinent des mouvements concentriques sur sa peau et à la base de ses cheveux. C'est une habitude que j'ai gardé de notre enfance : petit, Ji-ho faisait beaucoup de crises d'angoisse et seule ma présence couplée à ce contact physique lui permettait de reprendre pied.

Agacé par la distance que m'impose mon casque, je m'éloigne de Ji-ho, l'enlève et le laisse tomber par terre, puis je l'attire à nouveau à moi. Ma joue plaquée contre le sommet de sa tête, je reprends mon massage et, doucement, Ji-ho se calme dans mes bras.

— Ça va mieux ? lui demandé-je après un moment où seules nos respirations brisent le silence de la nuit.

Il acquiesce, toujours sans décrocher un mot, puis recule de plusieurs pas quand il entend la portière de la voiture s'ouvrir. Instinctivement, je me détourne de Ji-ho et de son chauffeur pour que ce dernier ne puisse pas distinguer mon visage de l'endroit où il se trouve.

— Monsieur Ji-ho, le hèle-t-il d'une voix basse. Il faudrait se mettre en route vers le domaine ou je crains que votre manager ne s'aperçoive de votre escapade nocturne...

— J'arrive, Seo-jun !

La porte se referme et Ji-ho reporte son attention sur moi.

— Quand penses-tu que nous pourrons organiser une nouvelle soirée ?

Toute trace de pleurs est effacée de son visage aux traits parfaits. Seule demeure la nostalgie dans ses yeux bleus aussi clairs que l'azur du ciel.

— Faites en fonction de votre emploi du temps. Je pourrai m'arranger avec mon chef et mes collègues.

Il acquiesce et me fait une accolade d'où ressortent sa joie et son excitation.

— Est-ce que je peux créer un groupe avec toi et les autres sur Instagram, s'il te plaît ? Ce sera plus simple pour échanger sur nos disponibilités et se mettre d'accord.

— Pas de souci. Il faut juste que je te donne mon nouveau nom de profil.

Il attrape son téléphone, le déverrouille et me le tend, la page de recherche du réseau social déjà ouverte.

— Tu avais tout prévu ?

Untitled for the momentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant