"Promesses perdues"

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Aujourd'hui, c'est mon anniversaire, et je me prépare pour la soirée avec une étrange sensation au creux de l'estomac. Je passe devant le miroir, observant mon reflet : une robe rouge de chez Gucci drape mon corps, élégante et raffinée, mais je ne me reconnais pas dans cette image. Le rouge a toujours été ma couleur préférée, celle de la passion, de la vie, et pourtant, ce soir, il semble évoquer autre chose... un écho du passé, une promesse oubliée.

Mes amis ont insisté pour m'emmener dans un restaurant chic, un de ces lieux où les rires sont feutrés et où les conversations se perdent dans le tintement des verres de cristal. J'aurais dû dire non, mais je n'ai pas su résister. Peut-être par habitude, peut-être par peur de la solitude. Alors que je sors de chez moi, le poids de la promesse que j'avais faite à Gabriel se rappelle à moi, une promesse que je n'ai jamais tenue.

Gabriel... je t'avais promis de ne plus leur parler, de tourner le dos à ce monde superficiel et faux, celui que tu détestais tant. Et pourtant, me voilà, les suivant encore, riant de leurs blagues creuses, me parant de leurs sourires artificiels. Je m'en veux de n'avoir pas eu la force de te suivre, de m'être laissé entraîner dans ce tourbillon de faux-semblants. Peut-être que je me suis trompée sur moi-même, ou peut-être que j'ai simplement eu peur de ce que serait la vie sans eux.

Lorsque nous arrivons au restaurant, une foule est rassemblée de l'autre côté de la rue. Des fans, excités, se pressent autour d'une silhouette élégante, espérant une signature, un mot, une attention. Un écrivain, paraît-il. Je jette un coup d'œil distrait, sans vraiment m'intéresser à l'agitation.

Nous dînons, mes amis bavardent, et je souris mécaniquement, mon esprit vagabondant ailleurs, vers des souvenirs enfouis. La soirée est une danse de lumières, de rires forcés, et je me sens de plus en plus détachée, comme si une partie de moi flottait loin de cette scène.

En quittant le restaurant, nous montons dans une voiture qui nous attend. Alors que nous passons devant le groupe de fans toujours massé devant l'entrée, quelque chose capte mon regard. Je me tourne, et mon cœur manque un battement. C'est lui.

Gabriel.

Il est là, au centre de cette foule, une aura de mystère et de charisme l'entourant. Il signe des livres, échange des sourires avec ses lecteurs, mais il n'a plus rien du garçon que j'ai connu. Son regard, même à distance, semble porter tout le poids du monde, mais il y a une force en lui, une résilience que je ne lui avais jamais vue.

Le temps semble s'arrêter. La voiture continue de rouler, mais mon esprit reste figé sur cette image. Gabriel, l'écrivain, celui qui a transformé sa douleur en mots, en histoires, en quelque chose de plus grand que nous tous. Il a trouvé une voie, une lumière dans l'obscurité que je n'ai jamais su atteindre. Et moi, je suis restée dans l'ombre, fidèle à des promesses non tenues.

Alors que la voiture s'éloigne, je ferme les yeux, tentant de retenir mes larmes. Je l'ai perdu, je le sais. Mais ce soir, en le voyant là, entouré de cette foule, je réalise que je l'ai peut-être perdu bien avant... quand j'ai choisi de rester là où il ne voulait plus être.

L'anniversaire n'a plus de goût, et la robe rouge me pèse sur les épaules. Le rouge, ce soir, ne parle plus de passion, mais du sang de nos promesses brisées.

Le lendemain de mon anniversaire, j'allai rendre visite à mon père. C'était une routine presque rassurante, un moyen de m'ancrer dans une réalité familière après la soirée troublante que j'avais passée. Mon père, photographe reconnu, était souvent absorbé par ses projets, et j'appréciais ces moments volés dans son univers, loin des apparences que je devais maintenir ailleurs.

En entrant dans son studio, je le trouvai en pleine préparation pour une séance photo. Les éclairages étaient déjà en place, les appareils réglés avec précision. Il m'accueillit avec un sourire et m'annonça qu'il allait photographier un écrivain pour la couverture de son prochain livre. Son enthousiasme était palpable, mais je restais détachée, encore hantée par la vision de Gabriel la veille.

"Tu devrais rester, Emma," me dit-il en ajustant un objectif. "C'est un auteur très en vue en ce moment, et ses livres sont incroyables. Je suis sûr que tu l'aimerais."

Je hochai la tête, m'installant sur le canapé du studio, plus par politesse que par réel intérêt. Le temps s'écoulait lentement, chaque minute amplifiant l'écho de mes pensées, jusqu'à ce que la porte du studio s'ouvre et que je le voie entrer.

Gabriel.

Il s'arrêta net en apercevant mon père, ses yeux s'écarquillant de surprise. Je pouvais voir l'étonnement dans ses yeux, un mélange d'incrédulité et de confusion. Il échangea quelques mots avec mon père, se reprenant rapidement, puis le shooting commença.

Je restai assise sur le canapé, les jambes croisées, tentant de paraître désinvolte alors que mon cœur battait plus fort à chaque regard furtif que Gabriel lançait dans ma direction. Il posait pour les clichés, adoptant différentes expressions, mais à chaque pause, son regard revenait vers moi, rapide et presque imperceptible, mais toujours là.

Mon attention se porta sur le sac de Gabriel, posé négligemment à quelques pas de moi. Juste à côté, je remarquai un livre. Le titre me sauta aux yeux : c'était son dernier ouvrage, celui qu'il signait la veille. Le désir de le lire, de découvrir ses pensées couchées sur le papier, s'empara de moi. Une part de moi savait que c'était mal, mais les regrets et les remords ne pesaient pas assez lourd pour me dissuader.

Alors que mon père était concentré sur ses clichés et que Gabriel se détournait un instant, je tendis discrètement la main et pris le livre. Mes doigts effleurèrent la couverture rigide, et un frisson parcourut ma colonne vertébrale. C'était une impulsion irrépressible, presque désespérée. Je glissai le livre dans mon sac sans que personne ne le remarque, mon cœur battant à tout rompre.

Le shooting se termina, et Gabriel s'approcha de mon père pour le remercier. Nos regards se croisèrent une dernière fois, et je me demandai s'il pouvait deviner ce que je venais de faire. Mais il ne dit rien, se contentant de me regarder avec une intensité que je ne parvins pas à déchiffrer.

Je quittai le studio peu après, le livre de Gabriel caché dans mon sac, pesant comme un secret brûlant. À chaque pas, je sentais la culpabilité me ronger, mais une part de moi ne pouvait s'empêcher de vouloir savoir. Savoir ce qu'il avait écrit, ce qu'il avait ressenti, ce qu'il pensait du monde qu'il avait fui... et peut-être aussi de moi.

Je ne pouvais plus attendre. À peine rentrée chez moi, je me précipitai dans ma chambre, le livre de Gabriel serré contre ma poitrine. Je m'assis sur mon lit, mes doigts tremblant légèrement alors que j'ouvrais la couverture. Le titre, simple et direct, me frappa comme une claque en plein visage : **"Cher journal"**.

Mon cœur battait à tout rompre tandis que je commençais à lire les premières lignes. Il écrivait avec une sincérité brute, presque douloureuse, chaque mot semblait être arraché de son âme. Les pages défilèrent sous mes yeux, et bientôt, je tombai sur un passage qui me fit l'effet d'une lame en plein cœur.

Il parlait d'une fille. Une fille qu'il avait aimée. Une fille à qui il avait confié tous ses secrets, toutes ses peurs, ses espoirs. Une fille qu'il avait laissé entrer dans son monde, mais avec qui il avait tout gâché. Les mots étaient chargés de regret, de douleur. À chaque phrase, je sentais une nouvelle fissure se former dans mon cœur, et je savais, je savais exactement de qui il parlait.

Il parlait de moi.

Les larmes commencèrent à couler avant même que je ne puisse les retenir. Elles roulèrent sur mes joues, chaudes et amères, emportant avec elles tout le poids des souvenirs, des regrets et des rêves brisés. Je lisais, encore et encore, chaque mot résonnant dans ma tête comme un écho cruel de ce que nous avions été, de ce que nous aurions pu être.

Les sanglots me secouèrent, puissants, incontrôlables. Je pleurais pour ce que nous avions perdu, pour ce que j'avais perdu en lui. Je pleurais pour toutes les promesses non tenues, pour tous les rêves que nous avions abandonnés. Mon cœur se brisait de nouveau, plus fort, plus profondément que jamais auparavant.

Je laissai le livre tomber sur le sol, incapable de lire davantage. Mes mains se portèrent à mon visage, couvrant mes yeux rougis, mais rien ne pouvait étouffer la douleur qui m'envahissait. Gabriel avait mis en mots ce que je n'avais jamais su exprimer, et ces mots m'avaient transpercée comme une épée.

Dans ce livre, il avait enfermé son amour, ses regrets, et maintenant, je les partageais avec lui, mais trop tard. Tout était trop tard. Je pris mon journal intime, toujours bleu et beau, et continua à écrire je vis que les deniers mots que j'avais écris, 2 ans avant étaient :

"Il m'a détruit mon cœur"

•Dear Diary• Où les histoires vivent. Découvrez maintenant