"Mon premier amour..Et Dernier?"

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Les mois avaient filé comme des pages arrachées d'un calendrier, chacune marquée par une transformation lente mais inévitable. J'avais laissé derrière moi le monde clinquant et vide dans lequel j'avais évolué pendant tant d'années. Mon ancienne vie, avec ses soirées mondaines et ses faux-semblants, n'était plus qu'un lointain souvenir. Aujourd'hui, je m'épanouissais dans un endroit où les choses simples avaient retrouvé toute leur valeur : une petite pâtisserie nichée dans une rue tranquille, loin du tumulte de la ville.

La pâtisserie, je l'avais appelée *Douceurs d'Emma*. Chaque jour, je me réveillais avec l'odeur du pain chaud et du sucre fondant. J'avais troqué mes costumes sophistiqués pour des tabliers farcis de farine, et mes talons hauts pour des chaussures confortables, prêtes à affronter une journée de création sucrée. Le bonheur simple de pétrir la pâte, de décorer des gâteaux, et de voir des sourires illuminer les visages des clients, tout cela me comblait d'une manière que je n'avais jamais imaginée.

Gabriel passait souvent, commandant son café noir et s'asseyant à la petite table près de la fenêtre. Il lisait parfois, écrivait d'autres fois, mais toujours avec ce même air de sérénité. Nous avions retrouvé une complicité douce.

Un soir, alors que le ciel se couvrait de nuages lourds, nous fermions la boutique ensemble. L'air était chargé d'humidité, et une odeur de terre et de pluie prochaine flottait dans l'atmosphère. Gabriel me proposa de marcher un peu, de profiter de la fraîcheur de la nuit avant la tempête annoncée. J'acceptai, curieuse de prolonger ces moments où la simplicité de notre compagnie était tout ce dont j'avais besoin.

Les premières gouttes commencèrent à tomber doucement, puis s'intensifièrent en une pluie drue. Au lieu de chercher à nous abriter, nous restâmes là, sous les cieux ouverts, à rire de la soudaine explosion du ciel. Les rues se vidèrent rapidement, les gens cherchant refuge, mais nous, nous courions dans cette averse comme des enfants, nos rires se mêlant au crépitement des gouttes sur le pavé.

Gabriel attrapa ma main, et nous courûmes plus vite, nos pas résonnant dans les ruelles désertes. Nos vêtements étaient trempés, nos cheveux plaqués sur nos visages, mais rien de tout cela ne semblait avoir d'importance. Il y avait une liberté dans cette pluie, une délivrance qui lavait les dernières traces de notre passé compliqué. Le monde s'effaçait autour de nous, ne laissant que cette course folle sous un ciel déchaîné, cette joie pure, sans raison, juste là pour nous rappeler que nous étions vivants, ensemble.

Essoufflés, nous nous arrêtâmes sous un arbre, nos corps encore secoués de rires. Gabriel me regarda avec une telle intensité que mon cœur sembla s'arrêter un instant. La pluie continuait de tomber, mais entre nous, il n'y avait plus que cette étincelle, ce moment suspendu où tout semblait possible. Sans un mot, il essuya une mèche mouillée qui collait à mon front, et je sentis une chaleur familière m'envahir, celle qui avait toujours existé entre nous, mais qui semblait plus vive, plus réelle que jamais sous cette pluie battante.

Alors que nous étions encore sous l'arbre, abrités à moitié de la pluie qui ne cessait de tomber, Gabriel serra ma main un peu plus fort. Nos rires s'étaient éteints, remplacés par un silence doux, presque fragile. Tout autour de nous, le monde continuait de s'écraser sous le poids de l'eau, mais entre nous, le temps semblait suspendu.

« Tu sais, Emma... » murmura-t-il, comme s'il avait peur que les mots puissent rompre la magie du moment. Je le regardai, son visage encore perlé de gouttes, ses yeux sombres et profonds me fixant avec une intensité nouvelle. « Je n'ai jamais pensé que je pourrais être aussi heureux, aussi... libre. »

Je sentis mon cœur se serrer légèrement. Il y avait tant d'émotions dans sa voix, une vulnérabilité qu'il ne montrait presque jamais. Gabriel était quelqu'un qui portait le poids du monde sur ses épaules, quelqu'un qui avait trop souffert pour se permettre de croire facilement au bonheur. Et pourtant, en cet instant, sous cette pluie d'été, il était là, avec moi, à ouvrir son cœur.

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