Les nuits étaient devenues un terrain de bataille pour Maxime. Le silence de la prison, ponctué par les cris lointains des autres détenus ou le grincement des barreaux sous l’effet du vent, laissait libre cours à ses pensées les plus sombres. Allongé sur sa couchette, il fixait le plafond comme s’il espérait y trouver des réponses, ou du moins un répit à l’angoisse qui l’étreignait. Le visage de sa famille, leur regard accusateur, hantait ses rêves, les transformant en cauchemars récurrents.
Il se revoyait ce jour-là, immobile, incapable de bouger alors que l’homme masqué avait méthodiquement détruit tout ce qu’il aimait. Maxime n’arrivait pas à comprendre pourquoi il avait été épargné. Pourquoi l’assassin avait-il tué sa famille sous ses yeux, avant de simplement s’en aller en lui faisant un signe de la main, comme si tout cela n’était qu’un jeu ? Cette image le hantait, l’empêchait de trouver la paix, rongeant son esprit comme un poison lent.
Maxime se redressa sur sa couchette, passant une main tremblante sur son visage. Il se sentait épuisé, vidé par les années de lutte et de douleur. La rancœur avait germé en lui dès le moment où les portes de la prison s’étaient refermées derrière lui. Il n’avait jamais cessé de clamer son innocence, mais ses mots avaient été noyés sous le poids des preuves contre lui, ou du moins de ce que la police considérait comme des preuves. Aux yeux du monde extérieur, il était coupable, et rien ne pouvait changer cela.
Cette culpabilité injuste, ce poids qu’il portait sur ses épaules, l’avait transformé. Il n’était plus le jeune homme plein d’espoir qu’il avait été à son entrée en prison. La rage et le désespoir l’avaient façonné, l’avaient rendu plus dur, plus cynique. Pourtant, quelque part en lui, subsistait une étincelle de l’ancien Maxime. Une part de lui qui refusait de se laisser totalement engloutir par les ténèbres. Mais cette étincelle devenait de plus en plus difficile à entretenir.
Et maintenant, il y avait Sidjil.
Le jeune gardien était apparu dans sa vie comme un coup de vent soudain, remuant des émotions que Maxime avait enfouies au plus profond de lui. Dès le premier regard échangé, Maxime avait senti cette tension, ce mélange étrange de défi et de curiosité. Il voyait bien que Sidjil n’était pas comme les autres gardiens. Il y avait en lui une gravité, une sorte de douleur silencieuse qui le rendait différent. Mais Maxime n’était pas sûr de pouvoir lui faire confiance. Pouvait-il vraiment se permettre d’abaisser ses défenses, de laisser cet homme entrer dans sa vie, quand tout ce qu’il avait connu jusqu’ici n’avait été que trahison et abandon ?
Ces pensées tournaient en boucle dans sa tête alors qu’il tentait en vain de trouver le sommeil. Il sentait en lui un tiraillement constant, un combat entre le désir de baisser les armes, de se laisser aller à cet espoir naissant, et la peur d’être à nouveau blessé, d’être une fois de plus victime d’une injustice. Mais plus il passait de temps avec Sidjil, plus il se rendait compte que quelque chose avait changé en lui, un changement qu’il ne pouvait pas simplement ignorer.
De son côté, Sidjil luttait avec ses propres démons. Chaque matin, alors qu’il se préparait à affronter une nouvelle journée dans la prison, il se retrouvait à fixer son reflet dans le miroir, cherchant des réponses dans les yeux de l’homme qu’il était devenu. Son passé le rattrapait, lui rappelant pourquoi il avait choisi de travailler dans cet enfer de béton. Mais ce qui avait commencé comme une quête de rédemption, comme une manière de faire justice à sa manière, s’était compliqué.
Quand il avait commencé son travail à Saint-Éloi, il s’était promis de rester détaché, de ne jamais se laisser entraîner dans les drames personnels des détenus. Il voulait simplement faire son travail, rétablir un semblant d’ordre dans un monde en désordre. Mais Maxime… Maxime avait chamboulé toutes ses certitudes.
Chaque interaction avec Maxime le laissait plus troublé que la précédente. Il avait vu au-delà du masque de colère que Maxime portait, au-delà de la façade de dureté qu’il montrait aux autres. Il avait perçu cette souffrance profonde, cette solitude désespérée qui résonnait étrangement avec la sienne. Et cela le déstabilisait. Sidjil n’avait pas prévu de ressentir quelque chose pour un détenu. Encore moins quelqu’un comme Maxime, accusé d’un crime aussi horrible.
Ces sentiments qu’il essayait de réprimer depuis des jours devenaient de plus en plus difficiles à ignorer. Il se demandait comment il en était arrivé là, à ce point où chaque regard échangé avec Maxime le laissait plus confus, plus ébranlé. Était-ce de la compassion ? De l’empathie ? Ou bien quelque chose de plus profond, de plus dangereux ?
La question le rongeait, le laissant partagé entre son devoir de gardien et ses émotions grandissantes. Comment pouvait-il continuer à faire son travail en restant objectif, quand tout en lui criait le contraire ? Maxime était devenu plus qu’un simple détenu à ses yeux. Il représentait un espoir, un lien fragile qui le raccrochait à l’humanité qu’il sentait peu à peu s’échapper.
Mais cette attirance, cette connexion naissante, était aussi une menace. Sidjil savait que s’il laissait ses sentiments prendre le dessus, il risquait non seulement sa carrière, mais aussi sa propre intégrité. Comment pouvait-il être juste, impartial, s’il laissait son cœur dicter ses actions ? Et pourtant, chaque jour qui passait, chaque moment partagé avec Maxime le rapprochait un peu plus de ce précipice.
Cette tension le suivait partout. Même en dehors des heures de travail, il n’arrivait pas à se débarrasser de ces pensées. Il rêvait souvent de Maxime, de conversations qu’ils n’avaient jamais eues, d’un futur qui semblait impossible. Ces rêves le laissaient éveillé, le cœur lourd, la tête pleine de doutes.
Sidjil se sentait déchiré, comme pris au piège entre deux mondes. Le monde froid et rigide de son devoir, où les règles étaient claires et les actions mesurées, et ce monde intérieur, chaotique et émotionnel, où rien n’était simple, où chaque décision semblait porter en elle la promesse d’une catastrophe.
Les jours passaient, et la tension entre les deux hommes ne faisait que croître, se transformant en une sorte de danse silencieuse. Ils s’évitaient parfois, pour mieux se chercher ensuite. Chaque regard, chaque mot échangé devenait un combat en soi, une lutte pour conserver un semblant de contrôle alors que tout en eux les poussait vers l’autre.
Et dans ce chaos, Maxime et Sidjil savaient que quelque chose devait céder. Qu’un jour, ils devraient affronter cette réalité, ces sentiments qu’ils tentaient de refouler. Mais pour l’instant, ils continuaient de se battre, chacun à sa manière, espérant trouver une issue dans ce dédale de contradictions et de désirs refoulés.
Les murs de la prison semblaient se refermer un peu plus chaque jour, écrasant leur résistance, leur volonté de ne pas céder à ce qui semblait inévitable. Maxime se demandait combien de temps encore il pourrait tenir avant de s'effondrer sous le poids de ses émotions. Sidjil, de son côté, se demandait combien de temps encore il pourrait prétendre que tout cela n’était qu’un simple jeu d’apparences.
Un choix allait devoir être fait, un choix qui pourrait bien les briser ou, au contraire, les libérer. Mais pour l’instant, ils restaient là, enfermés dans leur propre prison intérieure, chaque jour un peu plus consumés par les conflits qui déchiraient leur âme.
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Liaison Derrière les Barreaux ~Djilxime~
FanfictionDepuis six ans, Maxime purge sa peine dans une prison réputée pour sa rigueur. Son quotidien, rythmé par l'hostilité et la solitude, semble immuable jusqu'à l'arrivée de Sidjil, un nouveau gardien au passé mystérieux. Entre méfiance et attirance, un...