La lueur des néons blafards traversait les barres de la cellule de Maxime, dessinant des ombres nettes sur le sol bétonné. Maxime fixait ces ombres, perdu dans ses pensées, lorsqu’il entendit des pas familiers résonner dans le couloir. C’était Sidjil, fidèle à sa ronde nocturne. Pourtant, ce soir-là, quelque chose semblait différent. Il y avait dans sa démarche une lenteur inhabituelle, comme si chaque pas était plus lourd que d’habitude.
Maxime se redressa légèrement, le regardant s’approcher. Sidjil s’arrêta devant la cellule, ses yeux sombres plongés dans ceux de Maxime. Ce n’était pas la première fois qu’ils partageaient le silence, mais ce silence-ci avait un goût particulier, celui des vérités cachées.
Maxime brisa le silence. « On dirait que tu portes le monde sur tes épaules, Sidjil. Qu’est-ce qui te tracasse ? »
Sidjil resta silencieux un instant, comme s’il pesait la décision de répondre. Finalement, il se laissa tomber sur la chaise qu’il utilisait souvent pour discuter avec Maxime, et poussa un long soupir.
« Tu n’as jamais demandé pourquoi j’étais ici, pourquoi j’ai choisi de travailler dans cette prison, » commença Sidjil, d’une voix rauque.
Maxime haussa légèrement les épaules. « Chacun a ses raisons. Mais maintenant que tu en parles, je dois avouer que je me le suis souvent demandé. Pourquoi un jeune comme toi choisirait un endroit aussi pourri que celui-ci ? »
Sidjil esquissa un sourire sans joie, puis ses traits se figèrent dans une expression de douleur contenue. « Ce n’est pas par hasard, » dit-il. « Ce travail, je l’ai choisi pour des raisons personnelles. Très personnelles. »
Maxime se tut, sentant que ce moment était important, que ce qu’il allait entendre révélait quelque chose de fondamental sur l’homme qui se tenait devant lui.
Sidjil prit une profonde inspiration. « J’avais un frère, Adam. Il était tout pour moi. C’était mon modèle, celui que je voulais suivre partout, même si ça voulait dire prendre des chemins dangereux. Il m’a toujours protégé, même quand je faisais des conneries. Mais un jour, c’est moi qui l’ai suivi sur une route qu’il n’aurait jamais dû prendre. »
Les mots de Sidjil étaient lourds, imprégnés d’une tristesse qu’il semblait avoir longtemps réprimée. Maxime le regardait avec intensité, comprenant que ce qu’il allait entendre expliquait bien plus que la simple présence de Sidjil dans cette prison.
« Adam s’est laissé entraîner dans des affaires qui n’étaient pas les siennes, » poursuivit Sidjil. « Des affaires dangereuses. Il pensait pouvoir s’en sortir, il pensait qu’il pouvait tout contrôler. Mais c’était une illusion. Un soir, il m’a emmené avec lui, disant qu’il avait besoin de quelqu’un de confiance. Je ne me suis pas posé de questions. Pourquoi l’aurais-je fait ? C’était mon frère, mon sang. Mais ce soir-là, tout a basculé. »
Maxime sentit un frisson lui parcourir l’échine. Il voyait où cette histoire allait les mener, et il comprenait maintenant pourquoi Sidjil semblait parfois porter un fardeau invisible.
« Ce qui devait être une simple transaction est devenu un cauchemar, » reprit Sidjil, les poings serrés sur ses genoux. « Il y a eu des coups de feu. Adam… il s’est interposé pour me protéger. Il a pris la balle à ma place. Je l’ai vu s’effondrer, le sang se répandant sous lui. Je n’ai jamais pu oublier son regard dans ces derniers instants, comme s’il m’en voulait de l’avoir suivi, comme s’il savait qu’il allait me laisser seul. »
Maxime se tut, incapable de trouver les mots. Le récit de Sidjil était un miroir déformé du sien, une histoire de perte et de culpabilité que seuls ceux qui avaient vu leur monde s’effondrer pouvaient comprendre.
« La police est arrivée, » ajouta Sidjil, sa voix se durcissant. « Ils m’ont trouvé là, avec le corps de mon frère dans les bras. Pour eux, j’étais coupable, ou au moins complice. J’ai été arrêté, interrogé, traité comme un criminel. Mais je n’étais qu’un gamin qui avait suivi son frère jusqu’au bout. Un avocat a réussi à me sortir de là, prouvant que je n’avais rien à voir avec tout ça. Mais ça ne change rien. Adam est mort à cause de moi, et ça… ça, je ne peux pas l’oublier. »
Le silence retomba, plus lourd que jamais. Maxime comprit que derrière l’attitude ferme et déterminée de Sidjil, il y avait un jeune homme qui luttait chaque jour contre les démons de son passé.
« C’est pour ça que tu es ici, » murmura Maxime. « Tu cherches à réparer ce qui s’est passé. À faire justice, à ta manière. »
Sidjil acquiesça lentement. « Oui. Je suis devenu gardien pour comprendre pourquoi des hommes comme Adam finissent dans des situations comme celle-là. Pour éviter que d’autres ne se perdent en chemin. Mais aussi… pour me punir. »
Maxime leva les yeux vers Sidjil, et dans ce regard, il vit un mélange de douleur, de regret, mais aussi d’espoir. L’espoir que peut-être, ensemble, ils pourraient trouver une forme de rédemption.
« Tu n’es pas seul dans cette lutte, Sidjil, » dit Maxime doucement. « Nous sommes tous les deux ici, pour des raisons que nous ne comprenons peut-être pas entièrement. Mais tant qu’il y a une chance de justice, de vérité… nous devons la saisir. »
Sidjil hocha la tête, un sourire triste étirant ses lèvres. « Peut-être que tu as raison, Maxime. Peut-être que cette prison n’est pas juste un endroit où l’on enferme des hommes, mais aussi un lieu où l’on peut trouver ce qui a été perdu. »
Et dans ce moment de vulnérabilité partagée, une nouvelle compréhension naquit entre les deux hommes. Ils savaient que la route serait encore longue et douloureuse, mais avec la vérité à portée de main, ils avaient enfin une raison de se battre. Ensemble.
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Liaison Derrière les Barreaux ~Djilxime~
FanficDepuis six ans, Maxime purge sa peine dans une prison réputée pour sa rigueur. Son quotidien, rythmé par l'hostilité et la solitude, semble immuable jusqu'à l'arrivée de Sidjil, un nouveau gardien au passé mystérieux. Entre méfiance et attirance, un...