Pour une fois, Éléonore ne partit pas seule en direction de la classe. À ses côtés, marchait en silence sa sœur de cœur, Azura, les bras chargés de livres qu'elle avait sûrement dû étudier toute la nuit. Il y avait une certaine tranquillité dans ce moment, un silence confortable que peu de mots pouvaient briser. Éléonore savourait cet instant, profitant de cette trêve entre elles, leurs pas résonnant en rythme sur les chemins pavés de l'académie. C'était comme une parenthèse où, enfin, elle ne se sentait pas jugée.
"- Tu vas mieux depuis hier ?"
Azura parla soudainement, rompant le calme d'une voix douce, dépourvue de la froideur habituelle. Éléonore tourna la tête vers elle, légèrement surprise.
"- Hier ?"
"- Oui, au lac."
Ah, bien sûr... Éléonore sentit une légère gêne monter en elle. Visiblement, tout le monde en avait entendu parler. Sa mésaventure n'avait pas échappé aux oreilles des autres élèves. Elle se demanda à quel point les rumeurs s'étaient propagées. La simple pensée de devenir le sujet de conversations chuchotées lui fit monter une boule d'angoisse.
"- Oui, heureusement, une fille m'a aidée et a retrouvé ma broche."
En disant cela, elle caressa doucement la broche en forme d'aigle accrochée à son col. Le geste la rassura quelque peu, comme si ce simple contact avec cet héritage précieux apaisait ses tourments intérieurs. Le regard d'Azura se posa un instant sur l'aigle, mais son expression restait impénétrable.
"- Ah ?"
Éléonore hocha la tête et continua :
"- Oui, je ne sais pas son prénom, mais elle a les cheveux et les yeux gris. Je pense que c'est une terminale, elle a été gentille avec moi."
Elle n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit d'autre. L'air d'Azura changea brusquement, et sa voix se fit plus froide, presque tranchante :
"- Ne te fais pas d'illusions, tout le monde n'est pas ce qu'il semble être."
La brusquerie de cette remarque laissa Éléonore perplexe. Pourquoi un tel changement de ton ? Elle sentit une vague d'inconfort l'envahir. Ce soudain mur entre elles la perturbait. Elle avait cru qu'elles étaient en train de construire quelque chose, même infime. Ce commentaire, si sec et désenchanté, fit vaciller cette certitude. Elle choisit de ne pas répondre, gardant le silence tout le reste du chemin, troublée par l'attitude de son amie.
Malheureusement, la paix ne dura pas. Dès qu'elles arrivèrent devant la classe, l'atmosphère changea. Les élèves, rassemblés en petits groupes, attendaient que le professeur leur ouvre la porte. Mais leurs regards ne pouvaient s'empêcher de se tourner vers Éléonore, noirs, accusateurs. Elle les sentait sur elle, comme des aiguilles perçant doucement sa peau. Les chuchotements commencèrent, et bien que la plupart des mots lui échappent, elle en saisit quelques-uns : "Diana", "honte", "dégoût." Chaque mot était une lame. Le poids de leur hostilité lui écrasait la poitrine, et une boule d'angoisse se forma dans son estomac, se resserrant à chaque seconde.
Elle tenta de garder la tête haute, comme sa mère le lui avait enseigné, mais son cœur battait à tout rompre. Ses mains tremblaient légèrement, et elle craignait de ne pas pouvoir maintenir ce masque d'indifférence bien longtemps. Ses yeux verts, trahissant son malaise, cherchèrent désespérément un soutien. C'est alors que la voix d'Azura, forte et sans retenue, déchira l'air.
"- Quand vous aurez fini de parler comme des grosses dindes, j'aimerais rentrer en classe, car j'ai un avenir, moi."
Le silence s'abattit immédiatement. Les élèves baissèrent les yeux, fuyant le regard d'Azura, leurs chuchotements étouffés par la honte et le regret. La boule dans l'estomac d'Éléonore se détendit légèrement, remplacée par un mélange de soulagement et d'admiration. Azura n'avait peut-être pas les manières les plus élégantes, mais une chose était sûre : elle n'avait peur de rien, et aujourd'hui, elle avait choisi de la défendre.
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Ecumes et Cendres
Roman d'amourÀ l'Académie Sainte-Lysiane, le prestige n'est pas seulement une question de tradition, mais aussi de secrets bien gardés. Éléonore Dubois, jeune héritière d'une noble lignée française, est transférée dans cette institution élitiste où l'excellence...