Le poids de choix

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Les mois avaient défilé rapidement, et l'atmosphère chez les Diagne devenait de plus en plus tendue. Amadou avait finalement pris la décision d'épouser Maryam. Non pas parce qu'il en avait envie, mais parce que ses options s'étaient réduites à néant. Sohna, celle qu'il aimait depuis des années, avait refusé de divorcer. Elle l'avait tenu en haleine pendant des mois, promettant de "réfléchir", mais sans jamais faire de véritables efforts pour quitter Mamadou, son mari puissant et influent.

Amadou savait qu'il ne pouvait plus continuer ainsi. Sa relation avec Sohna, aussi passionnée soit-elle, était devenue une impasse. Il n'y avait pas d'issue favorable pour eux deux, et il ne pouvait pas sacrifier sa famille, sa réputation, et sa foi pour cette liaison illicite. Alors, un matin, résolu mais le cœur lourd, il prit une décision radicale : couper tous les ponts avec elle. Il la bloqua sur tous ses moyens de communication, lui envoyant un dernier message sec : "C'est fini. Pour de bon."

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La douleur qu'il ressentit en prenant cette décision était presque physique. Il avait toujours su que Sohna et lui vivaient une histoire impossible, mais cela n'avait pas empêché son cœur de s'attacher à elle. Maintenant, sans elle est dans sa vie, il se sentait vide, déchiré. Mais ce vide ne se remplissait pas de tristesse. Il se remplissait d'amertume.

Amadou devenait de plus en plus aigri. Il commença à développer une attitude distante, presque froide, envers sa famille. Même ses frères et sœurs, avec qui il avait autrefois partagé des rires et des moments complices, se retrouvaient face à un homme méconnaissable. Il était irritable, impatient, et ses remarques tranchantes faisaient mal. Sa douleur intérieure se reflétait dans son comportement, et toute la maison en souffrait.

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Pendant ce temps, Amadou passait de plus en plus de temps avec Maryam, comme le voulait la tradition. Ils se voyaient fréquemment pour faire connaissance avant leur mariage, mais chaque rencontre était pour lui un supplice. Il ne voyait en elle qu'une ombre pâle par rapport à Sohna, et il ne pouvait s'empêcher de la traiter avec une certaine méchanceté, même inconsciemment.

"Tu es bien trop effacée, Maryam. Tu penses que ça suffit d'être là, silencieuse, à hocher la tête à tout ce que je dis ?" lui lança-t-il un jour, après une sortie pour acheter des cadeaux pour leurs fiançailles.

Maryam, douce et patiente, baissa les yeux. "Je suis désolée, Amadou. Je ne veux pas te contrarier. Je... je fais de mon mieux."

Amadou soupira, agacé. "Ton 'mieux' n'est pas suffisant."

Malgré ses paroles dures, Maryam continuait d'endurer. Elle voyait bien qu'Amadou n'était pas lui-même. Il souffrait de quelque chose de plus profond qu'elle ne pouvait comprendre. Elle connaissait son devoir en tant que future épouse : soutenir son mari, être patiente, et attendre que son cœur guérisse. Mais cela ne rendait pas la situation plus facile.

Ses amies et sa famille voyaient bien que quelque chose n'allait pas. Lors d'une soirée avec ses proches, sa meilleure amie, Fatou, lui posa directement la question.

"Maryam, tu sembles si triste ces derniers temps. Qu'est-ce qui ne va pas avec Amadou ? Il est si... distant."

Maryam hésita avant de répondre. "Il a traversé quelque chose de difficile, je pense. Je ne sais pas ce que c'est exactement, mais je sens qu'il est en souffrance. Je dois être patiente. C'est mon rôle."

Fatou fronça les sourcils. "Ton rôle, oui, mais il ne faut pas non plus que tu te perdes dans cette patience. Un mariage, ce n'est pas une punition. Si ça ne va pas, tu as le droit de le dire."

Maryam hocha doucement la tête, bien que l'idée de confronter Amadou ne l'enchantait guère. Elle croyait fermement qu'avec le temps, il finirait par l'accepter, peut-être même par l'aimer.

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Pendant ce temps, la vie de Sohna prenait une tournure encore plus compliquée. Son mariage avec Mamadou n'avait jamais été basé sur l'amour, mais plutôt sur la sécurité et le confort matériel. Elle avait pris l'habitude de mener une double vie, jonglant entre sa relation secrète avec Amadou et sa façade d'épouse modèle. Mais depuis qu'Amadou l'avait quittée, elle se retrouvait face à une réalité brutale : elle n'avait plus de refuge émotionnel.

Mamadou, son mari, était de plus en plus absent, absorbé par ses affaires et ses voyages d'affaires. Leur relation, déjà fragile, s'effritait encore davantage. Sohna, qui avait toujours su manipuler les situations à son avantage, se retrouvait cette fois sans plan de secours. Elle regrettait amèrement de ne pas avoir pris le risque de quitter Mamadou pour Amadou, mais maintenant, il était trop tard.

Un soir, alors qu'elle tentait de discuter avec Mamadou à propos de leur mariage, il la coupa froidement. "Sohna, tu as ce que tu veux. Tu as la maison, l'argent, la vie de rêve que tout le monde envie. Pourquoi voudrais-tu changer quoi que ce soit ?"

Elle resta silencieuse, incapable de lui dire la vérité. Elle avait tout, mais elle n'avait plus rien qui faisait battre son cœur.

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Plus les jours avançaient, plus le mariage entre Amadou et Maryam se rapprochait. Mareme, la mère d'Amadou, était en effervescence, préparant chaque détail avec soin. Elle voyait en Maryam la parfaite épouse pour son fils, celle qui allait l'apaiser et le ramener sur le droit chemin. Mais même elle commençait à remarquer l'attitude distante de son fils.

Un jour, alors qu'elle était seule avec lui, elle décida de lui parler franchement.

"Amadou, je ne peux pas m'empêcher de remarquer que tu es distant. Ce mariage est une bénédiction, mon fils. Maryam est une femme formidable. Pourquoi n'es-tu pas heureux ?"

Amadou regarda sa mère, sentant un nœud se former dans sa gorge. Il ne pouvait pas lui dire la vérité. Pas à elle. Elle ne comprendrait jamais.

"Je suis juste... fatigué, Maman. Tout va bien."

Mais Mareme n'était pas dupe. Elle voyait bien que son fils portait un fardeau bien plus lourd qu'il ne voulait l'admettre.

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Alors que le mariage approchait, Amadou se retrouvait face à une impasse. D'un côté, il devait épouser Maryam, une femme parfaite aux yeux de sa famille et de la société. De l'autre, il ne pouvait s'empêcher de penser à Sohna, même s'il savait que cette histoire était terminée. Il avait fait le choix de se conformer aux attentes de sa famille, mais à quel prix ?

Ses nuits étaient remplies de rêves troublants, où il voyait Sohna l'appeler, le supplier de revenir, mais chaque matin, il se réveillait avec le sentiment d'être piégé dans une vie qu'il n'avait pas choisie.

Il savait qu'il devait avancer. Il savait que Maryam, avec sa patience et sa douceur, méritait mieux que la froideur qu'il lui offrait. Mais le cœur d'Amadou était un terrain de guerre, et il n'était pas sûr d'en sortir indemne.

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Ainsi, alors que les préparatifs du mariage se finalisaient, l'histoire d'Amadou, de Sohna et de Maryam continuait de se tisser dans un enchevêtrement d'amours contrariés, de devoirs et de sacrifices. Amadou savait qu'il devait trouver un moyen de se réconcilier avec ses choix, mais la question restait : pourrait-il un jour trouver la paix ?

Les Héritiers de DakarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant