Les Héritiers de Dakar

Distance et Chagrin

Les mois avaient passé, et la complicité entre Fanta et Eric s'était renforcée. Ils partageaient désormais plus que de simples moments professionnels : des confidences, des rires, et même des silences paisibles qui disaient tout. Fanta n'avait jamais ressenti une telle connexion avec quelqu'un, et bien qu'elle n'osait pas se l'avouer, ses pensées commençaient à déborder du cadre amical.

Un après-midi, alors qu'ils rangeaient les derniers articles de la boutique, Eric reçut un appel. Son visage se décomposa immédiatement.

« Eric, ça va ? » demanda Fanta, inquiète en voyant son expression changer du tout au tout.

Eric raccrocha lentement, sa voix tremblant. « Mon père... il est... il est mort. »

Fanta sentit son cœur se serrer. Elle posa immédiatement sa main sur son bras. « Oh non, je suis tellement désolée. Eric, je... je ne sais pas quoi dire. »

Eric secoua la tête, tentant de garder son calme, mais sa voix était brisée. « Il était malade depuis un moment, mais je pensais... je pensais qu'il avait encore du temps. Je dois retourner en Espagne. Ma mère et ma sœur vont avoir besoin de moi. »

Fanta sentit une vague d'émotions l'envahir. « Je veux venir avec toi. Je ne peux pas te laisser traverser ça tout seul. »

Eric sourit tristement. « C'est gentil, Fanta, mais... »

Elle l'interrompit. « Non, je suis sérieuse. Je veux être là pour toi. »

Mais une fois à la maison, lorsqu'elle en parla à ses parents, leur réponse fut sans appel.

« Absolument pas, Fanta. » La voix de son père résonna dans le salon. « Tu n'iras pas en Espagne avec lui. »

Fanta, qui s'était préparée à une telle réaction, tenta de raisonner ses parents. « Mais papa, il traverse un moment difficile. C'est mon ami, je dois être là pour lui. »

Son père fronça les sourcils, fermement opposé. « C'est peut-être ton ami, mais il reste un homme, Fanta. Et puis, qu'irais-tu faire là-bas, dans une famille que tu ne connais pas, en Espagne ? Non, c'est hors de question. »

Fanta regarda sa mère, cherchant un soutien. « Maman... »

Mais sa mère secoua la tête. « Ton père a raison, ma fille. Ce n'est pas approprié. Laisse-le gérer ça avec sa famille. »

Fanta sentit les larmes monter. Elle savait que discuter ne servirait à rien. « D'accord... je comprends. »

Elle retourna voir Eric le lendemain, le cœur lourd. Ils étaient assis dans le petit café près de la boutique, une atmosphère mélancolique les entourant.

« Mes parents ne veulent pas que je t'accompagne... Je suis désolée. »

Eric la regarda, triste mais compréhensif. « Je m'y attendais, Fanta. Et je comprends, vraiment. C'est déjà beaucoup que tu veuilles venir. Ça signifie beaucoup pour moi. »

Fanta baissa les yeux. « Ça ne me semble pas suffisant. »

Eric posa doucement sa main sur la sienne. « Si, ça l'est. Juste savoir que tu penses à moi, ça m'aide. »

Les jours qui suivirent, Fanta accompagna Eric à l'aéroport. L'atmosphère était lourde d'émotions contenues. Avant de monter dans l'avion, Eric la prit dans ses bras, la tenant plus longtemps qu'il ne l'avait jamais fait.

« Prends soin de toi, » murmura Fanta, la gorge serrée.

« Je reviendrai bientôt, » répondit Eric, la voix brisée.

Et puis, il disparut dans la foule, laissant Fanta seule avec ses pensées et un vide qu'elle ne pouvait expliquer.

***

En Espagne, Eric retrouva sa famille dans leur petite maison modeste. Sa mère, Fernanda, l'attendait sur le pas de la porte, les yeux rouges de chagrin. Clara , sa petite sœur, était assise sur les marches, le visage fermé, essayant de masquer sa peine.

« Maman... » murmura Eric en la prenant dans ses bras.

Fernanda éclata en sanglots. « C'était si rapide, Eric. Il nous manque déjà tellement. »

Clara se leva et vint se réfugier dans les bras de son frère. « Maintenant, c'est toi le pilier, Eric. On a besoin de toi. »

Eric sentit le poids de la responsabilité s'abattre sur ses épaules. Il savait qu'il devait redoubler d'efforts pour subvenir aux besoins de sa mère et de sa sœur. La boutique de Fanta lui semblait si loin maintenant, et tout ce qui l'attendait en Espagne était travail et tristesse.

***

Pendant ce temps, à Dakar, Fanta ne cessait de penser à Eric. Elle se surprenait à imaginer ce qu'il devait vivre là-bas, entouré de sa famille en deuil. Chaque matin, en ouvrant la boutique, elle jetait un coup d'œil à l'endroit où il avait l'habitude de se tenir. Il lui manquait terriblement, et sa famille ne tarda pas à le remarquer.

« Fanta, tout va bien ? » demanda un jour son frère Moussa, inquiet de la voir si silencieuse.

Elle secoua la tête. « Oui, ça va. Eric me manque, c'est tout. »

Même son père, habituellement si strict, avait remarqué le changement. Un soir, alors qu'ils étaient tous à table, il posa une main bienveillante sur l'épaule de Fanta.

« Il reviendra, Fanta. Sois patiente. »

Fanta hocha la tête, mais l'absence d'Eric était plus douloureuse qu'elle ne voulait l'admettre. Les jours s'étiraient, et chaque minute semblait un peu plus vide sans lui à ses côtés.

Elle attendait son retour avec une impatience grandissante, espérant que, malgré la distance, rien ne changerait entre eux.