RESILIENCE

Chapitre 8 - Ava

Je ne sais pas combien de temps j'ai réussi à dormir mais les chuchotements de mes deux amies finissent par me réveiller. J'ai très mal à la tête et lorsque je croise le regard des filles, j'y vois toute leur inquiétude.

 – Ça va mieux ? Me demande Amber en attrapant une mèche de mes cheveux et en me fixant, l'air désolé. 

– Ça ira, réponds-je de façon laconique en fuyant son regard, l'émotion colorant chacun de mes mots. 

– Que s'est-il passé Ava ? M'interroge alors River agenouillée devant moi, en allant droit au but comme à son habitude. 

– Vous croyez aux fantômes ? Les questionné-je en osant relever les yeux, les pensées plus que jamais embrouillées et de nouvelles larmes menaçant de couler. 

– Tu veux dire comme dans mes mangas ? Tente de répondre ma coloc en essayant d'alléger l'atmosphère. 

J'esquisse un très léger sourire en entendant sa dernière remarque et leur demande de me laisser un peu de temps encore. Je vois bien que Amber culpabilise à l'idée de m'avoir laissé en plan pendant la fête mais je n'ai pas la force pour l'instant de la rassurer et de lui dire qu'elle n'est pas responsable de mon état. 

En venant régulièrement dans ma chambre, Amber a appris à connaître River et toutes les deux semblent s'apprécier. Je ne peux pas nier que des liens se sont tissés entre nous trois mais me confier sur mon passé est un acte beaucoup trop intime et je ne suis pas prête pour cette nouvelle étape. 

Les filles n'insistent pas et décident de sortir nous acheter à manger. J'en profite pour appeler ma meilleure amie et vider mon sac. – Salut ma belle, alors comment ça se passe ? Me lance-t-elle, excitée de m'entendre.

– Qui m'a dit que la fac était une expérience géniale déjà ? La questionné-je, à voix basse comme pour étouffer mes sanglots. 

– Ava ?!... Qu'est-ce qu'il y a ma belle ? Demande-t-elle, la voix empreint d'inquiétude. 

– Justin... Me contenté-je de prononcer dans un souffle comme si prononcer son prénom à haute voix pouvait déclencher une autre vague de larmes. 

– Justin...Quoi Jus... ? Se contente-t-elle de répéter avant de percuter et de laisser un long silence s'installer.

 – Il est ici...Dis-je pour rompre cette attente insupportable. 

– Merde Ava, Comment c'est possible ? Vous vous êtes parlés ? Qu'a-t-il dit ? Comment t'as réagi ? Tu gères ? Me bombarde-t-elle de questions sans me laisser le temps d'y répondre. 

– On ne s'est rien dit, j'ai laissé ma main prendre la parole, ajouté-je, ma voix devenant plus forte au fur et à mesure que ma détresse laisse place à une profonde colère. 

– Rassure-moi, tu ne l'as quand même pas assommé ? Me dit-elle se moquant de mon petit gabarit.

 – J'aurais tellement aimé Lia ! Ça l'aurait sûrement aidé à refermer la bouche... 

Il était tellement choqué de me trouver devant lui. Mes mots se bousculent trahissant mon dégout. 

– Ava, je te connais par cœur, je sais que tu essaies de montrer que tu n'es pas autant affectée mais merde Ava c'est Justin dont on parle là ! Clame-t-elle pour me confronter à la réalité et me faire redescendre. 

La colère emporte tout sur son passage, paralysant ma raison et m'empêchant de réagir de manière réfléchie malgré ses mots. J'ai l'impression d'être en pilote automatique depuis que je l'ai revu, je n'ai plus envie de penser, je laisse mes émotions prendre les commandes... 

– Je sais mais...Ne puis-je poursuivre, l'esprit définitivement submergé. 

– ...Et il a les réponses aux questions qui te hantent depuis plusieurs années et qui t'empêchent d'avancer et tu n'as rien dit ? Enchaîne-t-elle à la fois étonnée et autoritaire. 

– Lia, Stop ! J'étais sous le choc ! Tu comprends ?! Mon cerveau a disjoncté ! Je n'ai pas l'intention de le revoir ! Plus jamais ! Tu m'entends ?! Je me fous de ce qu'il est devenu. Il a poursuivi sans moi, elle est là la réponse à ma putain de question ! Il m'a abandonnée ! Crié-je sans le vouloir, en laissant les sanglots que j'avais réussi à contenir, me submerger à nouveau. 

– Très bien Ava, tente de me calmer ma meilleure amie. Alors vis ta vie d'étudiante, ignore-le, montre-lui que tu t'en es très bien sortie sans lui et que tu as tiré un trait sur votre passé, que tu te fous de ce qu'il est devenu... Enchaîne-t-elle d'une voix plus calme et résolument bienveillante.

Pourquoi ses mots brûlent autant mes tympans et me font si mal ? Si je ne la connaissais pas aussi bien, je penserais qu'elle essaie de provoquer une réaction. Mais visiblement je suis encore trop secouée pour me reprendre.

– ...

– Ava ? T'es là ? Tu m'écoutes ? Se risque-t-elle à demander prudemment.

– Oui je suis là, reniflé-je malgré moi en me râclant la gorge pour essayer de retrouver un semblant de voix.

– Ma belle, ne pleure pas, ça me tue de savoir que tu n'es pas bien et que nous sommes loin, m'informe-t-elle sur un ton désolé.

– Ce n'est rien, ça va passer, ça va aller Lia, tenté-je de la rassurer malgré les reniflements qu'elle perçoit. 

– Bien sûr que ça va aller ! À partir de maintenant, tu vas pouvoir regarder devant, te consacrer à ta vie, à ton avenir, faire de nouvelles rencontres, laisser ton passé où il est et ne plus culpabiliser à l'idée de vivre ! Lance-t-elle sur un ton qui se veut enjoué.

Ne plus culpabiliser à l'idée de vivre... Ses derniers mots résonnent en moi...Est-ce que je pourrai vraiment être capable de poursuivre ma vie et couper ce lien invisible qui me retenait inlassablement au passé ? Ses recommandations sonnent pourtant faux mais elle me connaît très bien et sait pertinemment que je ne suis pas encore prête à affronter toutes mes peurs. Alors je prétexte une visite imprévue pour mettre fin à notre conversation et je la salue en lui promettant de la recontacter très prochainement.

Quelques minutes à peine après avoir raccroché, mon portable bipe annonçant l'arrivée d'un message.

[Alors cette sortie sans moi c'était comment ? A mourir je parie ?!]

Lewis me décroche un léger sourire comme à chaque fois que nous discutons, l'atmosphère s'allège et je me détends. Je ne lui avouerai jamais mais je suis reconnaissante qu'il ait insisté pour que nous soyons amis. Il me bouscule autant qu'il m'apaise.

                                                                                                                                              [Si seulement tu savais !] 

River et Amber entrent dans la chambre, les bras chargés de boîtes à pizzas et de bonbons et je mets fin à ma conversation avec Lewis lui promettant de tout lui raconter...Ou pas. Je souris en voyant les filles improviser une table sur mon lit. Nous mangeons dans une atmosphère plus légère où les mots de ma meilleure amie continuent de flotter : ... Montre-lui que tu t'en es très bien sortie sans lui...