De nos jours
Le ralentissement brutal du car me réveille en sursaut. Je mets quelques secondes à recouvrer mes esprits et comprendre où je suis. Mon souffle tarde à ralentir, je frotte instinctivement la petite cicatrice au-dessus de mon arcade sourcilière, celle-là même qui s'était ouverte après que Bendorf me bouscule dans la cuisine. J'ai l'impression de me réveiller d'une longue paralysie. Je suis en nage, je regarde autour de moi pour m'assurer que personne n'a été témoin de mon cauchemar mais ne croise aucun regard. Je réchauffe ma peau au contact du soleil qui frappe ma vitre et cela m'aide à m'apaiser. Mon voisin lui, n'est plus là, je le cherche et le trouve quelques sièges devant le mien, en grande conversation avec une femme plus âgée. Elle rit avec lui, touche son avant-bras et je ne peux m'empêcher de sourire en m'imaginant quel genre de garçon il devait être plus jeune.
Nous empruntons finalement l'artère principale du campus, reconnaissable à ces centaines de chênes qui longent la route. À peine descendue, je perçois déjà la folle effervescence des derniers jours avant la rentrée. Des dizaines de voitures sont garées le long des trottoirs, devant les résidences où un balai incessant de valises et d'étudiants se forme. Des parents pleurent, des amoureux s'étreignent se promettant certainement de tenir leurs engagements malgré la distance. Je ne peux m'empêcher de regarder toute cette agitation avec envie et tristesse. J'aurais tellement aimé que mes parents soient là, qu'ils me voient et fassent toutes ces choses banales comme ces familles le font devant moi.
Je respire profondément et chasse ces pensées lorsque le chauffeur du car dépose brutalement mon sac sur mes pieds. J'avance vers le panneau indiquant les différentes résidences et met cinq minutes à trouver le bâtiment Roosevelt qui m'accueillera pour les quatre prochaines années. Je prends en photo le plan, note le nom de l'allée et active mon GPS. Je passe devant la bibliothèque Rendal puis la bibliothèque Norman et arrive jusqu'à un immense complexe sportif qui pourrait presque me donner envie si je n'étais pas aussi réfractaire à toute forme de torture physique. Un grand panneau juste en face du terrain extérieur de basket m'indique que je suis arrivée chez moi. J'approche de l'entrée principale quand j'aperçois une fille tentant de garder en équilibre un bocal à poisson rouge et ce qui semble être une cage recouverte d'un drap bleu. J'avance rapidement et ai juste le temps d'attraper l'aquarium avant que Nemo ne finisse ses jours sur la pelouse de la résidence. La fille pousse un cri, pose la cage à ses pieds et m'étreins fort dans ses bras. J'ai beaucoup de mal à supporter la proximité en temps normal alors cet élan de tendresse avec une inconnue est d'autant plus difficile à gérer que je tiens toujours son poisson dans la main. Je vacille, essaie de maintenir le bocal à peu près droit et prie gentiment la fille de me lâcher. Elle s'excuse, attrape l'aquarium et le pose au sol. Quand elle recule, je remarque qu'elle est petite, qu'elle a visage fin, de beaux yeux bleus qu'une très belle chevelure brune met en valeur.
– Merci beaucoup ! Dit-elle sur un ton si enjoué que je fais instinctivement un pas en arrière de peur qu'elle ne m'enlace à nouveau.
– Je t'en prie me contenté-je de répondre en empruntant un ton à l'opposé du sien pour tenter de contenir son enthousiasme.
– Moi c'est Amber et voici Sky et là sous le drap, dort Percy mais je ne peux pas retirer le tissu avant d'être dans ma chambre. Il n'apprécie pas trop le changement m'annonce-t-elle le plus sérieusement du monde.
– Je vois... Sky donc ? C'est original pour un poisson quoique prémonitoire quand on pense qu'il a failli voler il n'y a pas cinq minutes, réponds-je.
Amber rit aux éclats, faisant valser sa frange de droite à gauche le long de son front. Je m'apprête à franchir le seuil de la résidence quand elle saisit mon bras. Instinctivement, mon corps se tend et mes yeux fixent sa main. Elle doit le sentir car elle retire immédiatement ses doigts et me gratifie d'un sourire timide.
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RESILIENCE
RomantizmAva et Justin, deux enfants dont l'enfance a été marquée par la violence chez les Bendorf, leur famille d'accueil, trouvent du réconfort l'un avec l'autre. Leur vie est bouleversée lorsqu'une nuit, le père Bendorf est tué, forçant Justin à fuir et à...