Chapitre 30

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La pluie d'Imola ne semblait jamais vouloir s'arrêter. J'avais passé la majeure partie de la matinée à jongler entre les anomalies télémétriques de la voiture de Max et les multiples cafés que je descendais pour rester éveillée. Mon estomac commençait sérieusement à me rappeler qu'il n'était pas conçu pour fonctionner uniquement à base de caféine.

Assise devant mon écran dans le motorhome, je fixais les données qui défilaient, cherchant désespérément un indice, une raison, quelque chose qui expliquerait pourquoi ces fichus pics de température continuaient de perturber nos relevés. À chaque fois que je pensais avoir une piste, elle s'évaporait sous mes yeux, comme cette pluie qui ne semblait jamais vouloir s'arrêter.

Nathan, qui avait pris une pause pour s'aérer l'esprit, revint avec un sandwich à la main. « Je t'ai pris un truc à manger. Si tu continues de carburer au café, tu vas finir par imploser avant la fin de la course. »

Je le remerciai d'un sourire fatigué et attrapai le sandwich qu'il me tendait. « T'as peut-être raison. Et puis, c'est pas comme si j'allais trouver une solution en devenant un zombie caféiné. »

« Des nouvelles de la sécurité ? » demanda Nathan, tout en s'installant à côté de moi.

Je secouai la tête. « Non, rien pour le moment. Et j'ai toujours cette foutue télémétrie qui clignote rouge sur les relevés de Max. »

Nathan grimaça en regardant les données. « Ce n'est pas bon, ça. Je vais essayer de voir si on peut isoler ces relevés pour éviter que ça influence les stratégies, mais on doit rester discrets. »

C'était la règle depuis que nous avions découvert ces anomalies : seuls le personnel de direction de chez Red Bull est au courant. Pas question que ça sorte des murs de l'équipe, même en interne, seuls Nathan, quelques responsables techniques et moi-même étions informés.

« Ça m'énerve de ne pas savoir qui est derrière tout ça, » murmurai-je en mordant dans mon sandwich. « J'ai l'impression qu'on se fait attaquer de l'intérieur. »

Nathan hocha la tête, son visage empreint de la même frustration. « Si c'est vraiment quelqu'un de l'équipe, il ou elle est sacrément bien planqué. Mais on va finir par les coincer. »

Je jetai un coup d'œil à l'horloge. Il me restait quelques heures avant le briefing stratégique de l'après-midi, et je savais que j'aurais besoin de toute mon énergie pour affronter ce moment. Mais pour l'instant, j'avais un autre rendez-vous, bien plus agréable. Et celui-là, j'avais vraiment hâte d'y être.

Je terminai rapidement mon sandwich avant de jeter un dernier regard aux données. Rien n'avait changé. Les pics étaient toujours là, comme un fantôme insaisissable qui continuait de hanter nos écrans. Mais pour l'instant, il était temps de décompresser un peu.

En sortant du motorhome, je me dirigeai vers le parking où Pierre m'attendait déjà. Il était adossé contre sa voiture, un sourire en coin, les mains dans les poches. Toujours aussi décontracté, même sous la pluie battante.

« Je vois que tu es déjà en mode 'j'affronte le monde sans m'inquiéter' », plaisantai-je en arrivant à sa hauteur.

« C'est un talent naturel, que veux-tu ? » répondit-il en souriant encore plus. « Mais sérieusement, tu as l'air d'avoir besoin de souffler un peu. »

Je haussai les épaules. « La course, les relevés qui clignotent, et des tonnes de caféine... Il est possible que je sois un peu stressée, oui. »

« Alors viens, j'ai le remède parfait. » Pierre ouvrit la portière passager et fit signe que je monte dans sa voiture.

Je n'avais aucune idée de ce qu'il avait prévu, mais une chose était certaine : j'avais bien besoin de sortir de l'ambiance pesante du paddock. Je m'installai à côté de lui et, avant même que je puisse demander où il comptait m'emmener, il démarra en trombe, comme s'il était sur la ligne de départ d'un Grand Prix.

« C'est une blague, tu conduis toujours comme ça, même en dehors des courses ? » demandai-je en m'agrippant instinctivement à la poignée de la portière.

« C'est ça, le vrai moi, » répondit-il en riant. « Un peu d'adrénaline avant de se détendre, ça fait du bien. »

Nous roulâmes pendant quelques minutes avant d'arriver dans une petite rue à l'écart, loin du bruit du paddock et des regards curieux. Pierre arrêta la voiture devant un petit café italien que je n'aurais jamais remarqué si je n'avais pas été avec lui.

« On va prendre un café ? Sérieux, Pierre, tu sais que je suis déjà à la limite de l'overdose, non ? »

« Pas un café, Nonore. Ils ont ici les meilleurs tiramisus de toute l'Italie. Tu verras, ça va te remettre d'aplomb. »

Je roulai des yeux, mais l'idée d'un bon dessert sucré pour faire descendre tout le stress de la matinée ne me semblait finalement pas si mauvaise. Nous entrâmes dans le café, une petite cloche sonnant à l'entrée. L'ambiance à l'intérieur était chaleureuse, les murs décorés de photos anciennes, et l'odeur de pâtisserie flottait dans l'air. Instantanément, je me sentis plus détendue.

Nous prîmes place dans un coin tranquille et, fidèle à sa promesse, Pierre commanda deux tiramisus.

« Alors, raconte-moi, » dit-il en me fixant avec ce regard qui mélangeait toujours curiosité et amusement. « T'as l'air ailleurs depuis ce matin. »

Je soupirai, me penchant légèrement en avant. « C'est juste la course. Ça me prend la tête parfois, mais bon, tu sais ce que c'est. »

Pierre sourit, hochant la tête. « Ouais, je connais. Parfois, ça devient tellement intense qu'on a besoin de sortir, juste pour respirer. »

Il resta silencieux un instant, puis éclata de rire. « Et là, tu te retrouves dans un café italien avec moi, en pleine mission 'tiramisus et calme'. Ça change, non ? »

Je souris malgré moi. « C'est exactement ça. Une mission très sérieuse. »

« Eh bien, moi je suis là. Et je peux être beaucoup plus drôle que Tom Cruise, » répondit-il en levant son verre de tiramisu vers moi.

« Tu n'as pas tort, » dis-je en trinquant avec lui.

Le tiramisu fut aussi bon que promis, et pendant un moment, je réussis à oublier les problèmes de course, les relevés corrompus, et même cet appel anonyme qui me menaçait. Pierre avait cette capacité unique de me faire rire et de me détendre, même dans les situations les plus tendues.

Après ce moment de détente, nous retournâmes tranquillement vers le paddock, sous la pluie qui, visiblement, ne comptait jamais s'arrêter. Mais je me sentais plus légère, prête à affronter les problèmes qui m'attendaient.

En revenant vers le motorhome, je vis Nathan qui m'attendait près de l'entrée. Son expression inquiète n'augurait rien de bon.

« Éléonore, la sécurité a trouvé quelque chose. »

Mon cœur se serra. Le répit avait été de courte durée. La course n'était pas encore commencée, mais la bataille pour découvrir qui jouait avec nos données venait de s'intensifier.

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