Chapitre 29

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« Sérieusement, c'est quoi ce temps ? On se croirait à Londres un jour de novembre ! » râla Lando en remontant le col de son pull, essayant désespérément de se protéger de la pluie fine qui tombait sans relâche sur le paddock d'Imola.

Je souris en l'entendant, sans pouvoir m'empêcher de me moquer intérieurement. Lando et la pluie, c'était toute une histoire. Toujours à s'en plaindre alors qu'il oubliait systématiquement de vérifier la météo avant de partir.

« Tu vois, c'est pour ça que je dis toujours de prévoir un parapluie, même quand on va en Italie, » lança Max en ajustant tranquillement sa casquette Red Bull. Lui, il ne se laissait jamais surprendre.

« Encore une leçon de vie par Max Verstappen, grand maître de la météo, » murmura Carlos en rigolant, avec ce ton moqueur qui lui allait si bien.

Je rigolai doucement tout en les suivant vers les stands. En tant qu'ingénieure terrain pour Red Bull, j'étais habituée à être constamment dans le feu de l'action, entre les box, les briefings, et les crises techniques à gérer. Mais aujourd'hui, cette pluie incessante semblait vouloir ajouter un grain de folie supplémentaire.

« Allez Dodo, ce n'est pas si terrible. Ça rajoute un peu de fun à la course, non ? » dis-je à Lando en le rejoignant dans sa lutte contre les éléments.

Il bouda, comme à son habitude. « Fun ? Attends qu'on soit tous trempés jusqu'aux os dans les stands. Tu verras si c'est fun ! »

Nous arrivâmes enfin près des stands, et je fis une pause, le regard fixé sur les box qui s'étendaient devant nous. Le calme avant la tempête. Même avec la pluie, l'énergie dans l'air était palpable. Chaque week-end de course apportait son lot d'excitation, mais il y avait une tension particulière cette fois-ci.

En arrivant dans le motorhome, Nathan me fit signe. « Éléonore, on a un truc étrange avec les données télémétriques de Max. Tu peux jeter un coup d'œil ? »

« Étrange comment ? » demandai-je, même si j'avais une petite idée de la réponse.

Nathan fronça les sourcils, visiblement aussi perplexe que moi. « Des pics de température moteur qui n'ont aucun sens. On a vérifié les capteurs, ils fonctionnent bien. »

Je pris une profonde inspiration, sentant une pointe d'anxiété monter en moi. Depuis quelques semaines, les anomalies s'étaient multipliées. Rien de grave jusqu'à présent, mais il y avait quelque chose qui clochait. Je me dirigeai vers mon poste de travail pour analyser les données de plus près. Et c'est là que je les vis.

Encore ces fameux pics. Des surchauffes moteurs ponctuelles qui n'avaient aucune explication logique. « Ça ne peut pas venir du système, » murmurai-je, tout en repassant mentalement les étapes de notre processus de collecte des données.

Max arriva quelques minutes plus tard, toujours aussi détendu malgré les problèmes techniques. « Alors, on a trouvé le problème, Sherlock ? » plaisanta-t-il en s'installant à côté de moi.

Je ne pus m'empêcher de sourire. « Pas encore, Watson, mais on y travaille. »

Il haussa les épaules, toujours confiant. « J'ai confiance. De toute façon, tant que la voiture roule et que je peux aller vite, c'est tout ce qui compte. »

J'hochai la tête, mais mon esprit était déjà ailleurs. Je savais que ces anomalies n'étaient pas des erreurs de capteur. Quelqu'un avait dû manipuler les données. Et ce n'était pas une coïncidence que ça affecte les fichiers de Max, le pilote vedette de Red Bull.

« Max, tu penses pouvoir tenir le coup si on doit jouer avec ces données en course ? » demandai-je, plus pour gagner du temps que par véritable besoin.

Il sourit en coin. « Tant que ça ne m'explose pas au visage, ça devrait aller. »

Je secouai la tête, amusée malgré moi. « Ne t'en fais pas, on va régler ça. »

Après avoir passé la matinée à analyser les fichiers, je sentis la frustration monter. Rien ne semblait faire sens, et malgré toutes mes compétences, je n'arrivais pas à trouver la cause de ces anomalies. En même temps, l'idée qu'il puisse y avoir une manipulation externe me hantait. Il fallait que je creuse davantage.

Alors que je terminais ma dernière série d'analyses, mon téléphone vibra sur la table. Un message de Nathan.

Nathan : « On a de nouveaux accès non autorisés dans les fichiers télémétriques. C'est ton identifiant qui a été utilisé. »

Mon estomac se noua. C'était exactement ce que je craignais. Depuis plusieurs semaines, je sentais que quelque chose ne tournait pas rond avec mon compte, mais là, c'était la confirmation. Quelqu'un utilisait mon identifiant pour accéder aux données sensibles de l'équipe.

Moi : « Il faut qu'on se parle. RDV dans le motorhome en 10 min. »

Je jetai un coup d'œil autour de moi. Le motorhome était relativement calme, mais je ne pouvais m'empêcher de me sentir observée. Et si quelqu'un à l'intérieur de l'équipe était derrière tout ça ? Les pensées tournaient en boucle dans ma tête, me plongeant dans une spirale de paranoïa.

Nathan arriva quelques minutes plus tard, l'air aussi inquiet que moi. « C'est pas bon, Nonore. Les gars de la sécurité informatique sont sur le coup, mais ils pensent que quelqu'un a trouvé un moyen d'utiliser ton compte. »

« Mais comment ? » demandai-je, incapable de masquer mon angoisse.

« Je ne sais pas encore. Peut-être une intrusion, un malware, ou pire, quelqu'un de l'équipe. »

Cette dernière phrase me fit l'effet d'un coup de poing dans l'estomac. Quelqu'un de l'équipe ? Non, c'était impossible. Mais plus j'y pensais, plus l'hypothèse me semblait plausible. Seuls des gens internes pouvaient avoir accès à ce genre d'informations.

« On doit être prudents », dit Nathan en baissant la voix. « Je ne veux pas te faire flipper, mais si quelqu'un est vraiment derrière tout ça, il ou elle pourrait être plus proche que tu ne le penses. »

Je déglutis difficilement. « Tu penses que ça pourrait être lié à une autre équipe ? »

Nathan resta silencieux un instant, puis haussa les épaules. « Je n'écarte aucune piste. On sait que les tensions avec Mercedes sont à leur comble cette saison. Mais ça peut être n'importe qui. »

Je n'en revenais pas. J'étais censée être ici pour faire mon travail d'ingénieure, pour m'assurer que les voitures de Max et Checo soient performantes en piste. Et voilà que je me retrouvais plongée dans une histoire de vol de données, peut-être même de sabotage.

La journée s'écoula sans autres incidents majeurs, mais l'inquiétude ne me quittait pas. En fin d'après-midi, après avoir échangé un dernier regard inquiet avec Nathan, je décidai d'aller me changer avant de rejoindre Pierre pour dîner.

Alors que je traversais le paddock pour rejoindre mon hôtel, mon téléphone vibra une nouvelle fois. Un numéro inconnu.

Je décrochai, tentant de garder un ton neutre. « Allô ? »

Une voix rauque se fit entendre à l'autre bout de la ligne. « Si tu tiens à ta carrière, tu ferais mieux d'arrêter de fouiller. »

Mon sang se glaça instantanément. Je restai immobile, incapable de prononcer un mot, alors que la ligne se coupait brusquement.

Je me retrouvai là, figée au milieu du paddock, le téléphone toujours collé à mon oreille. C'était un avertissement clair. Quelqu'un savait que j'étais sur la piste de la vérité et essayait de m'intimider. Mais ce qu'ils ne savaient pas, c'est que je ne comptais pas me laisser faire.

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