Chapitre 7

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La journée a été longue et quelque peu monotone, comme souvent dans ce petit hôtel où je travaille. Entre les arrivées des clients, les appels pour des réservations, et les quelques plaintes habituelles à propos du bruit des voisins de chambre ou de l'eau chaude, le temps a semblé s'étirer à l'infini.

L'horloge derrière le comptoir indique la fin de mon service et c'est avec un soupir de soulagement que je range mes affaires. En quittant l'hôtel, je sens la fraîcheur du début de soirée sur mes joues. L'air a cette odeur caractéristique de l'océan non loin que j'adore. Je me dirige rapidement vers ma voiture. Je dois me dépêcher de rejoindre Quil, ce soir il m'accompagne à la garderie. S'il doit faire partie de ma famille, je dois demander à ce qu'il soit enregistré parmi les personnes autorisées à venir chercher Claire.

Le trajet vers la garderie est court et lorsque j'arrive devant le bâtiment, je constate que Quil est déjà là, appuyé contre le mur à côté de l'entrée, son visage est calme et serein comme à son habitude. Quand il aperçoit ma voiture, il se redresse et avance vers moi tranquillement, les mains dans les poches de son bermuda.

— Salut, ça fait longtemps que tu attends ?, demandé-je en souriant.

Il me rend mon sourire.

— Non, je suis arrivé il y a quelques minutes, m'informe-t-il en souriant doucement, les mains toujours enfoncées dans les poches.

Nous avançons ensemble vers l'entrée de la garderie. Les parents que nous croisons me saluent poliment que je leur rends poliment tout en présentant brièvement Quil. Enfin, j'entre dans le hall de la garderie, Quil sur les talons. Les éducatrices nous saluent gentiment joyeusement.

— Bonjour Skyler ! Claire a passé une excellente journée, m'informe Loïs en s'approchant. Nous avons fait des jeux de construction et une petite séance de peinture..., raconte-t-elle.

Je hoche la tête avec un sourire de façade. Honnêtement, j'aimerais parfois qu'on me cale ma fille dans les bras sans un mot. Claire va tout me raconter dans les moindres détails dès qu'on sera dans la voiture alors je n'ai pas vraiment besoins que les éducatrices me fassent un débrief...

— Merci Loïs, la coupé-je. En fait, je suis venue accompagnée aujourd'hui, je vous présente Quil. Je l'ai embauché comme nounou alors il va être amené à venir chercher Claire régulièrement.

Quil hoche la tête en signe de salutation. Je lui demande alors de me donner sa pièce d'identité pour qu'une copie y soit versée au dossier de Claire. Quil sort sa carte dans son portefeuille et me la tend. Je m'en saisis et y jette un coup d'œil rapide. Je fronce les sourcils et tourne la tête vers lui.

— 25 ans ?, articulé-je silencieusement avec un sourire en coin.

Quil sourit et il me fait comprendre d'un mouvement de la main qu'il m'expliquera plus tard. Sa carte d'identité est fausse, mais ressemble à s'y méprendre à une vraie ! Je secoue la tête et m'engage dans le couloir menant au secrétariat de la garderie.

Loïs s'occupe de faire une copie de la carte de Quil, tandis que je me charge de remplir un formulaire attestant que le Quileute est légalement autorisé à récupérer Claire. L'ensemble des documents est rangé dans le dossier d'inscription de ma fille et je peux m'en aller.

Je retourne dans le hall pour rendre sa carte d'identité au Quileute avant de pénétrer dans la salle de vie des enfants. Claire se précipite vers moi et je la prends dans mes bras. Je récupère alors son manteau et son petit sac à dos d'une main avant d'aller rejoindre Quil.

Claire, en voyant Quil, bondit dans ses bras. Il la rattrape au vol avec une facilité déconcertante et la cale contre lui. Loïs nous observe un instant alors que ma fille s'exclame avec joie qu'elle est contente que Quil soit venu.

— Lolo !, appelle-t-elle Loïs qui s'approche. C'est mon tonton Puil !

Loïs sourit avant de nous saluer. D'autres parents venant d'arriver dans le hall, il est grand temps pour nous de rentrer à la maison. Sur le chemin du retour, je ne peux m'empêcher de me tourner vers Quil avec un sourire en coin et de poser la question à un million.

— Alors... 25 ans ?, demandé-je.

Quil esquisse un sourire, amusé.

— C'est un cadeau de Billy, explique-t-il. C'est pour éviter d'avoir à justifier pourquoi j'ai l'air d'avoir 25 ans alors que j'en ai en réalité 16. Vu que c'est lui le chef de la Tribu et comme on a nos propres pièces d'identités valables dans toutes les réserves autochtones du pays...

Je comprends où il veut en venir.

— Il t'en a fourni une fausse-vraie. Pratique, admis-je. Tu utilises cette carte quand tu es ici, par contre tu utilises ta carte nationale des Etats-Unis quand tu es à Fork ou ailleurs sur le territoire.

— Ouais, répondit Quil en souriant à Claire. Et c'est pratique pour toi aussi, tu n'auras pas à expliquer ce que fait un mineur chez toi.

Je hausse les épaules et ris. Personne ne m'aurait posé la moindre question, mais c'est vrai que les ragots de Neah Bay seront moins sordides. J'imagine déjà les commères raconter que « Skyler Young fait passer son nouveau mec pour la nounou de sa fille » !

Celle que je ne suis pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant