Chapitre 13

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Depuis le festival, ma vie a repris son cours. Je jongle entre mon travail, Claire, et à chaque fois qu'il est possible, je donne des cours de quileute à Quil. Au fil du temps, notre complicité ne cesse de se développer.

Au fil des semaines, Quil s'est adapté à la vie de famille comme si c'était la chose la plus naturelle du monde et je ne peux qu'être admirative en le voyant s'occuper de Claire et de la maison sans sourciller. Évidemment, sa relation avec Claire est privilégiée, il la fait rire, joue avec elle et répond à ses moindres besoins avec une patience à toute épreuve. Voir ma fille heureuse à ses côtés est le meilleur réconfort face à l'imprégnation. Entre nous trois, un quotidien simple et harmonieux s'est installé et je suis ravie que chacun de nous trouve sa place dans cette petite vie de famille que nous sommes en train de créer.

Le temps étant encore clément en cette fin de saison, nous décidons avec Quil d'emmener Claire se promener dans Neah Bay pour s'aérer l'esprit. Nous empruntons des sentiers balisés, parsemés de fleurs sauvages et entourés d'arbres majestueux.

Claire est pleine d'énergie et gambade un peu plus loin, mais toujours à portée de vue. Elle s'arrête régulièrement pour ramasser des cailloux ou dessiner des formes dans la poussière sur le sol en terre. Pendant ce temps, Quil et moi marchons côte à côte, discutant de tout et de rien. Je continue de lui donner des leçons de quileute, profitant du cadre pour trouver des idées de vocabulaire.

— Tu fais des progrès, dis-je en souriant à Quil qui vient de faire une phrase complète sans se tromper. Tu te débrouilles vraiment bien.

— Merci, répond-il avec un immense sourire. J'ai un bon professeur, enfin deux si on compte Em' !

Je souris et confirme qu'évidemment, on compte Em' ! C'est la moindre des choses, ma sœur est une enseignante hors pair ! De mon côté, j'essaye de ne pas trop l'assaillir d'information, alors je dilue les leçons au fil de l'eau. Nous continuons donc à parler de tout et de rien. Enfin, nous parlons surtout de Claire, de ses journées à la garderie et des petites choses qui remplissent notre quotidien : lui de l'école et la meute, moi du travail et de l'association. J'apprécie ces moments partagés en toute simplicité, et surtout, ces moments où je peux parler de Claire à un autre adulte !

Soudain, une voix familière m'appelle au loin et j'aperçois une silhouette, qui m'est également familière. C'est Joslyn, une amie de ma mère qui s'approche d'un pas rapide avec le sourire. Elle doit surement faire sa promenade du jour, vu sa tenue de sport.

— Skyler, quelle surprise de te voir ici ! Ça fait une é-ter-ni-té !, déclare-t-elle d'un ton dramatique. Comment vas-tu ?

Je souris poliment, voyant qu'elle fixe Quil qui se tient près de moi, je décide de faire les présentations. Je sais très bien qu'elle a entendu de nombreux ragots le concernant, enfin... nous concernant.

— Quil, je te présente Joslyn, une amie de ma mère. Joslyn, je te présente Quil, qui est...

Alors que je m'apprête à dire « un ami », Claire s'élance vers nous en criant avec enthousiasme :

— Tonton Puil !

Elle court à toute vitesse et ma fille arrive bientôt à notre hauteur. Elle bondit dans les airs tandis que Quil l'attrape au vol avec une habileté (sur)naturelle. Il la soulève dans les airs avant de la caler contre lui. Claire, tout sourire, lui montre alors fièrement une fleur sauvage qu'elle a cueillie.

Rega'de ! Une fleur, dit-elle, ses yeux pétillant de joie.

— Oh, qu'elle est jolie. C'est pour moi ?, demande-t-il à ma fille avec un sourire tendre.

Claire fronce les sourcils, soucieuse.

— Ben non, les fleurs c'est pas pour les garçons...

Quil fait semblant d'être vexé.

— Oh mince, c'est triste... Moi, j'aurais bien voulu que tu me l'offres !, dit-il en faisant semblant d'être peiné. Et tu sais, petite chérie, les garçons aussi aiment bien qu'on leur offre des fleurs !

Claire sourit enfin. Elle le regarde avec de grands yeux brillants et elle lui tend la fleur déjà un peu flétrie entre ses petits doigts. Quil la récupère avec délicatesse et sourit à son tour. Mon cœur fond dans ma poitrine.

— Merci ma petite chérie, mais tu sais, ta petite fleur ne pourra pas supporter le voyage jusqu'à chez moi alors je vais devoir la donner à maman pour qu'elle la mette dans l'eau en rentrant à la maison, d'accord ?

Elle acquiesce avec un air sérieux. Je suis complètement sous le charme et je ressens comme des papillons dans le ventre. Claire se penche alors vers l'oreille de Quil pour lui dire un secret, mais elle parle trop fort malgré elle.

— Tonton Puil ?, l'interroge-t-elle. Est-ce que tu pourras donner pour de vrai des fleurs à maman ? Pasque personne ne lui en off'e...

Elle n'a pas réussi à chuchoter alors j'entends la tristesse dans sa voix. Mon cœur se serre douloureusement dans la poitrine. Pourtant je me sens également vraiment chanceuse de l'avoir dans ma vie. Cette petite fille, ma petite fille, est vraiment exceptionnelle.

Quil la regarde un instant et sourit tendrement avant de tourner la tête vers moi et nos regards s'accrochent l'un-l'autre. Tout en me fixant avec un regard pétillant, il penche un peu la tête vers Claire pour lui répondre, comme s'il allait, à son tour, lui dire un secret.

— D'accord petite chérie, j'offrirai des fleurs à maman.

En l'espace d'une seconde j'ai le sentiment que son regard brille de plus en plus. J'y vois d'abord de la malice, puis de la tendresse et enfin de la douceur.

Puis, il m'offre un sourire ravageur.

Je sens mes joues s'échauffer et mon cœur défaille lorsqu'il m'offre un clin d'œil entendu.

— Oow, s'exclame Joslyn, portant la main sur son cœur.

La réaction de Joslyn me sort de mes pensées. A-t-elle remarqué mon trouble ? Rompant le contact visuel avec Quil, je reporte mon attention sur l'amie de ma mère et la dévisage un instant. Je constate qu'elle observe ma fille avec un air béat sur le visage, mais je sais pertinemment qu'elle n'a pas manqué une miettes de ma réaction face à Quil.

Je suis véritablement troublée. Plus que des papillons, c'est un véritable ouragan qui se déchaîne dans mon ventre. J'ai le cœur qui bondit dans ma poitrine, menaçant d'exploser à tout instant. J'ose alors un regard en biais vers le Quileute qui dépose un baiser sur la joue de ma fille.

Depuis quand est-il aussi beau ?

Celle que je ne suis pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant