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La nuit tombait sur le château de Noxombre, enveloppant les tours d'une ombre dense, tandis que le vent glacial du Nord fouettait le visage de la jeune fille avec une brutalité douce, une caresse froide qui semblait lui murmurer à l'oreille. Pourtant, elle ne cilla pas, restant immobile, comme si cette morsure de l'hiver ne faisait qu'un avec elle. Noxombre, perché bien au-delà de Winterfell, se dressait à l'extrémité septentrionale de Westeros, un bastion imprenable où le froid ne se contentait pas d'être un invité indésirable, mais un roi incontesté.
Les Argent étaient les véritables enfants de la neige, forgés par la rigueur et la rudesse des hivers perpétuels du Nord. Là où les autres lignées de Westeros accueillaient leurs nouveau-nés près d'un foyer ardent, au bord d'un bassin d'eau chaude, les enfants Argent voyaient le jour dans des conditions impitoyables, leurs premiers cris résonnant dans l'air gelé. Leurs corps étaient formés par le froid dès la première inspiration, leurs peaux marquées par la morsure glaciale. Ils étaient forgés dans l'hiver, leur âme trempée dans l'acier de la neige, comme si la glace elle-même les avait façonnés.
Il se disait à travers les contrées du Nord que les Argent étaient bercés par la glace, que le sang qui coulait dans leurs veines n'était pas de la chair, mais un fragment de l'hiver éternel qui régnait sur leurs terres. La froideur de leur caractère était légendaire, une réputation nourrie par des générations de visages impassibles et de cœurs aussi durs que les glaciers. Pour eux, le froid n'était pas un obstacle à surmonter, mais un allié, une partie d'eux-mêmes. Ceux qui osaient s'aventurer jusqu'à Noxombre pouvaient presque sentir l'aura glaciale qui émanait de ses murs de pierre, une aura qui semblait dire à tous : ici, la chaleur n'a pas sa place, seuls les enfants de l'hiver peuvent survivre.
Ariadna inspira profondément lorsqu'elle entendit la porte de sa chambre s'ouvrir, mais elle ne se retourna pas. Elle savait d'instinct que la présence derrière elle était masculine. Toute sa vie, elle avait été entourée d'hommes. Katherine, sa mère, avait péri en lui donnant naissance, emportant avec elle le seul modèle féminin que sa fille aurait pu connaître. Dès lors, Ariadna avait grandi dans un monde façonné par les hommes, un univers où les gestes et les paroles avaient la dureté du fer, sans la douceur maternelle pour équilibrer le poids des exigences familiales.
Elle croyait ne pas avoir souffert de ce manque. Après tout, comment regretter ce que l'on n'a jamais eu ? La figure de sa mère n'existait que dans les souvenirs flous et embellis de ses frères et de son père, dans les murmures mélancoliques qui émergeaient parfois lors de rares moments de tendresse. Ariadna ne ressentait rien de particulier pour cette femme qui avait laissé une empreinte indélébile sur ceux qui l'avaient connue, mais qui n'était pour elle qu'une absence abstraite. Elle se surprenait même à culpabiliser de ne pas éprouver ce chagrin qui semblait si naturel à ses frères, comme si le simple fait de ne pas la pleurer suffisait à la rendre indigne d'être sa fille.
« Ari, » prononça doucement la voix de Sirius, son frère, qui entra dans la pièce avec une délicatesse inhabituelle, une douceur qu'il n'offrait qu'à elle. Il disait souvent qu'Ariadna ressemblait à Katherine comme deux gouttes d'eau, avec ses cheveux d'un noir de jais et ses yeux verts étincelants. Pourtant, cette ressemblance, loin de lui apporter du réconfort, la laissait indécise. Devait-elle en être fière ou triste ? Car chaque fois que son père ou ses frères posaient les yeux sur elle, ils voyaient dans ses traits non seulement leur fille ou leur sœur, mais aussi le fantôme de celle qui les avait quittés.
Elle se demandait parfois s'ils la voyaient vraiment pour ce qu'elle était, ou simplement comme un souvenir vivant, une image douloureuse qui leur rappelait sans cesse ce qu'ils avaient perdu pour la voir naître. Ariadna sentait que ce poids n'était pas le sien à porter, mais il était là, imposé par les regards et les silences, pesant sur ses épaules comme un héritage empoisonné. Elle vivait dans l'ombre d'une femme qu'elle n'avait jamais connue, dans une maison où son nom et celui de Katherine se mêlaient sans cesse, comme un écho du passé qui ne voulait jamais s'éteindre.
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HOUSE ARGENT || HOUSE OF THE DRAGON
FanfictionL'ombre des fils, la prunelle d'une mère. Elle était la beauté et la peur en même temps, tous l'appréhendait, à la simple évocation de son nom, les yeux et les regards fuillait. Agressive, elle étais le reflet de ses frères, manipulatrice, elle inca...